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suburbio Lingonicæ urbis, en un lieu situé aux confins de l'Austrasie et voisin de la Bourgogne, distant de Luxeuil de 40 milles, Luxeuil étant lui-même à près de 40 lieues de Langres, il ne peut être question que de la cité ou diocèse de Langres dans toute son extension (1). M. Deloche ajoute que quant aux comitatus suburbani d'un capitulaire cité par Ducange, il faut entendre par là non plus la banlieue de la ville, mais les comtés ou pagi majores devenus la cité, le diocèse, et il fait rentrer dans ce sens les suburbicaria regiones, les régions, les pagi de la cité (2).

Outre ces termes topographiques, on en rencontre encore d'autres plus difficiles à expliquer et que nous signalerons néanmoins. On trouve au-dessous des pagelli ou pagi inférieurs, de plus inférieurs encore en usage dans les contrées du centre de la Gaule. Ici c'est le castrum ayant sous lui la villa; là l'ager et le finis qui peut être sont de simples territoires de villa, ou bien des correspondants des vicairies et centenies; là encore le finis et l'actus, et ailleurs, comme en Soissonnais, le finis à peu près seul. Nous avons cité l'aïcis; M. Deloche ajoute à ces petites subdivisions territoriales du pagus le condeta ou condeda au-dessous duquel serait la plebs ou paroisse, et l'ara, l'arum qui n'est peut-être que l'aire et touche à villa, dernier terme de toutes ces divisions. M. Jacobs ne cite qu'un seul exemple de cette circonscription, qui serait moindre encore que le bannus, selon lui; il est tiré d'un diplôme mérovingien: « domamus res in pago Constantino in condeda Quasniacense. » Et encore M. Pardessus

(1) Acta SS. ordin. Bened. sæcul. II, p. 122.

(2) Deloche, ubi supra, p. 477, t. 4 des Mém. de divers savants,

2. série.

pense que condeda, qui apparait surtout au 1x siècle, serait à cette époque le synonime de centena (1).

De toutes ces division's et subdivisions du pagus, aucune ne survécut, comme division territorial, au Xe siècle. Elles disparurent, vicairies, centemes, quintenies, au milieu des troubles qui préparèrent l'établissement du régime féodal, lequel opéra un fractionnement infini sur la surface du territoire des Gaules. Le pagus seul persista avec ténacité, et si, au 1x siècle, le comitatus passa en usage et le remplaça comme division géographique, il ne le fit nullement oublier. Ce ne fut même qu'au milieu du siècle suivant qu'il disparut avec le comté lui-même, et encore réapparut-il, sous son nom antique, dans des désignations géographiques qui sont comme éternisées par l'usage. Toujours on dira Bourg en Bresse, Crépy en Valois, Chézy en Orceois, Fère en Tardenois, Mons en Laonnois, Chartres en Beauce, Meaux en Brie, etc.

DEUXIÈME DISSERTATION

MOYENS DE RECONNAITRE LES ANCIENNES DIVISIONS

DE LA GAULE ET DE FIXER LEURS LIMITES.

La première partie de notre travail n'était, ainsi que nous l'avons annoncé, qu'une sorte de préparation nécessaire à une étude plus circonscrite que nous avions surtout en vue, celle de la civitas et des pagi soissonnais. N'est-il pas évident que des investigations portées sur chaque cité, sur chaque pagus pourront seules produire une topographie complète et définitive de la Gaule? « La délimitation des anciens pagi de la province ecclésiastique de Reims, écrivait en 1856 M. A. de Barthélemy, dans son intéressante notice sur

(1) Diplomata, cart. Pardessus, t. 2, p 450.

le Dormois (le pagus Dulcomensis) n'est pas encore fixée, bien que cette question ait une grande importance pour la géographie ancienne, ainsi que pour l'histoire locale. L'absence de notions certaines à cet égard augmente les difficultés lorsqu'on veut se rendre compte des événements mentionnés par les annalistes de la province. » « J'ai pensé, ajoutait-il, qu'en coordonnant des notes recueillies à la suite de longues recherches je pourrais établir clairement les limites du pagus Dulcomensis et résoudre ainsi une question qui paraît avoir été jusquà ce jour comme insoluble.»> Les vœux exprimés par le savant critique, quant aux pagi rémois, ont été réalisés depuis par un autre érudit, M. Longnon, que nous aurons aussi occasion de citer. Nous essayons, à notre tour, de combler une autre partie des lacunes signalées par M. de Barthélemy dans l'étude de la topographie de la province rémoise.

Mais avant d'entrer au cœur de notre travail, nous avons cru qu'il ne serait pas inutile, pour nous d'abord, et ensuite pour ceux de nos collègues qui voudraient aussi entrer dans cette voie, de résumer les moyens généraux fournis par la critique et l'érudition pour reconnaître les cités et les pagi, et même pour en fixer les limites. Ces moyens sont nombreux, et, employés simultanément, ne peuvent que produire les plus heureux résultats.

I.

Outre les documents fournis par les anciennes investigations, ceux surtout des grands érudits des deux derniers siècles, « ces explorateurs si sagaces de notre passé historique, » dit excellemment M. Ernest Desjardins, il y a pour la solution des difficiles problèmes agités par eux, des sources nouvelles. Tout chez

eux se bornait, ajoute-t-il, peut-être avec moins de raison, à la recherche des identités des villes et des lieux célèbres de l'époque moderne, et à la fixation du tracé des anciennes voies de communication. Mais la limite des Etats, leur régime politique et administratif, leurs nationalités détruites ou subalternisées, leur sol enfin, dans sa constitution et ses aspects successifs, ils ne s'en étaient guère occupés. Aux découvertes anciennes on joindra celles opérées par la science moderne, qui dispose aujourd'hui de moyens à eux inconnus. Aux écrivains classiques et aux rares monuments étudiés alors par l'archéologie naissante qu'ils ont seuls à peu près connus, se sont ajoutées des sources abondantes et nouvelles d'investigations » (1).

L'étude de la topographie ancienne exige, ce nous semble, plusieurs opérations. La première consiste à reconnaître authentiquement l'existence des cités et des pagi dont on veut s'occuper; la seconde à rechercher leur origine et leur étymologie; la troisième, à fixer leur situation, leur étendue et leurs limites et à les suivre à travers leurs vicissitudes historiques. C'est ici surtout qu'il faut en tout obéir à la science, sous peine de s'égarer et de faire une œuvre de pure imagination.

César le premier et après lui plusieurs auteurs grecs et latins, on l'a déjà vu, nous ont révélé l'existence d'un grand nombre de ces divisions et subdivisions de la Gaule. On les consultera les premiers. Après eux viendront les historiens plus récents, les hagiographes, les chroniqueurs, surtout la diplomatique des deux premières races, les missies de la seconde, les dénombrements, les cartulaires, etc. L'immense collection

(1) Géographie historique et administrative de la Gaule romaine, par M. Ernest Desjardins, 1 volume paru (Hachette, 1877.)

des inscriptions sera aussi parcourue avec soin. On y verra mentionnés de nombreux pagi romains à l'aide desquels on pourra, par induction, par analogie, reconstituer bien des pagi gaulois. On sait de combien de découvertes en ce genre M. Léon Rénier, le célèbre épigraphiste, a enrichi le monde savant. La Table alimentaire de Velleia, inscription de Parme qui date du règne de Trajan, fournit à elle seule une série de trente-sept pagi, dont M. Ernest Desjardins a désigné la position dans son livre De tabulis alimentariis publié en 1854 (1). L'étude des médailles gauloises et mérovingiennes révèlera aussi bien des noms de pagi et de localités, ainsi que les découvertes archéologiques qui abondent sur tous les points de la France.

Pour ce qui est de l'origine et de l'étymologie des dénominations des cités et des pagi, elles viennent de sources si variées qu'on ne négligera rien pour s'en rendre compte. Les cités ou grands pagi tirent leur nom du peuple ou peuplade la plus éminente de la circonscription, le Senonicus, le Carnotinus, le Suessionicus, le Remensis; les autres de leur capitale ou oppide principal, ou des villes les plus distinguées de leur territoire le pagus Aurelianensis, le pagus Rothomagensis, Cameracensis; les moindres également de villes, oppides ou forteresses qui en étaient les chefs-lieux le Portianus pagus, le Meludinensis pagus; les plus petits encore de localités devenues obscures le Vongensis (pays de Vonc, le Cameliacensis (le pays de Chambly). Quelques pagi doivent leur origine à leur situation sur des fleuves des rivières : le Blosensis, de la Bleise (Blisa), le Mosanus, Mosellensis (de la Meuse), le Sambrensis, de la Sambre, le Loticus de la Latia (la Lys), l'Urcisus de l'Urc, (l'Ourcq). La proximité et les défrichements des grandes forêts

(1) Revue des Sociétés savantes, t. 3, 1857, p 603

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