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che). On cite un lieu Elariacus où les expressions terminus, ager, pagus sont employées pour signifier le territoire d'une simple villa.

III

LE PAGUS ET LE COMITATUS MÉROVINGIENS ET CARLOVINGIENS.

Mais le correspondant du pagus qui mérite surtout de fixer l'attention est le comitatus avec ses divisions et subdivisions en comtés inférieurs, vicairies, centénies, etc. Le pagus reçut le nom de comitatus de l'office de comte et de la prépondérance que prit cet officier, sous les rois francs, dans la cité ou fraction de la cité qu'il était chargé de gouverner. Ce comte chef militaire et administrateur subordonné à la volonté du souverain, surveillé par ses missi, fut d'abord électif et révocable. Il y en eut un dans chaque cité, de même qu'il y avait un évêque, en sorte que comme la charge de l'évêque avait engendré le diocèse, celle du comte produisit le comté. Ceci se prouve par des textes de Grégoire de Tours et de divers capitulaires : « Pax sit et concordia inter episcopos et comites.» — « « Episcopus suo comiti... adjutor sit et exhortator existat. » « Similiter et comes faciet contra suum episcopum...... qualiter intra suam parochiam canonicum possit explere ministerium (1). » - « Volumus ut missi nostri per singulas civitates una cum episcopo et comite missos.. eligant » (2). C'est sous les premiers Carlovingiens qu'apparaît le comté comme division territoriale (3).

(1) Capitul. Baluze, t. I, nol. 303 et 554.

(2) Ibid. Lib. IV, col. 785 et passim.

(3) Capitul. Caroli magni passim.

Des auteurs pensent que le ducatus a remplacé le pagus aussi bien que le comitatus et que ces expressions sont identiques; ils apportent en preuve les textes suivants de Grégoire de Tours « Wentrio dux, a pagensibus suis ducatu caruit (1). » — « Ut in ipso pago Cenomannico accipere debeant ducem », dit encore Childéric, dans un diplôme. Ils y ajoutent ces vers du poëte saxon dans le Gesta caroli Magni:

« Sed variis divisa modis plebs omnis habet

« Quot pagos tot duces (2).

Mais ces textes ne nous ont pas paru prévaloir sur ceux que rapporte M. Deloche pour prouver que le ducatus correspondant à l'office de dux comprenait sous lui plusieurs comtés, ou cités épiscopales, sans toutefois correspondre aux provinces. Le comte d'Auvergne, Nicetius, lit-on dans Grégoire de Tours, « ducatum a rege (Childeberto) expetiit, dalis pro eo immensis muneribus, et sic in urbe Arverna, Ravenna atque Ucetia dux ordinatus est (3). » Euric, roi des Goths, établit Victorius en qualité de duc « super septem civitates » (4). On remarquera que le duché mérovingien variant arbitrairement en étendue, n'a pas laissé de traces comme division territoriale.

La substitution du comitatus au pagus, ou plutôt l'emploi arbitraire de ces deux locutions, comme celui de paræcia pour diœcesis, se remarque surtout à propos de la division des Gaules et de la Germanie par Louis-le-Débonnaire. C'est également alors que se font jour les subdivisions du pagus en vicairies, villes ou cités, villas, oppides, bourgs (5). Sous les deux pre

(1) Ex Larrey cité par M. Jacobs.

(2) Mabillon, Analecta t. 3, p. 221.

(3) Lib. VIII, c. 18. Clermont, Rodez et Usez.

(4) Gregor. Turon, Lib. 2, c. 20.

(5) Ducange cite à l'article regio de nombreux exemples de cette division.

mières races, non-seulement les cités ou grands pagi devinrent en général des comtés, mais elles furent même le plus souvent divisées en d'autres comtés dont la circonscription correspondait ordinairement aux pagi inférieurs, et étaient régis par des comtes appelés comites rurales, comites pagorum, parigieni, pagisi, pour les distinguer du comes civitatis. En effet, on employait simultanément les mots de pagus et de comitatus pour exprimer une circonscription bien connue comme pagus, telle que le Perticus (le Pertois), le Tornodensis (le pays de Tonnerre), le Camliacensis (le Chambliois), etc., etc. Une formule de 832 s'exprime ainsi « Concessimus quasdam res, in pago illo, in comitatu illo, in villa illa, illo vocabulo, hominibus ipsius comitatus (1).

Il semblerait que, dès lors, le vicecomitatus dut être une subdivision du comitatus, de même que le vicomte fut un lieutenant du comte (post-comes); mais outre que cette subdivision, en tant que géographique, n'apparaît que rarement et fort tard, il est impossible de lui assigner une circonscription. Cette dignité dut donc rester à l'état de simple office s'exerçant, jusqu'à la période féodale, en l'absence du comte ou par son ordre. Dans le Recueil des chartes de Cluny édité par MM. Bernard et Alexandre Bruel, il est question d'un vicecomitatus Lugdunensis, faisant partie du pagus Lugdunensis (946); et d'un vicomte du Mâconnais dans un procès qui eut lieu « ante presentiam domni Leotaldi comitis vel fidelibus suis, Vualterium vicecomitem et scabinorum » (951). Peut-être dans le nord de la France les vicomtes correspondirent-ils aux

(1) Revue historique du droit français, formules inédites, par M. Rozières, février 1858.

vicaires et aux centeniers et remplaçaient-ils les comtes dans les pagi inférieurs de la cité.

Ainsi l'arrondissement de l'ancienne cité romaine était toujours le pagus, base persistante de toute circonscription territoriale dans la Gaule. Au grand pagus ou cité succèdent le diocèse et le comté, et au pagus inférieur le comté inférieur. Le pagus devenu comitatus, tout en conservant souvent sa dénomination première de pagus, se subdivisa en vicairie et centenie, centaine, de même que le pagus s'était subdivisé en actus et ager.

Les vicaires et les centeniers, desquels on peut rapprocher les vicomtes, étaient des lieutenants du comte. Ces derniers commandant de petits détachements de cent hommes sur divers points du territoire, leurs offices finirent par donner lieu, sous les Carlovingiens, à des divisions géographiques du pagus ou comté appelées vicairies et centenies qui eurent pour ressorts les limites du territoire sur lequel s'étendait l'autorité de leurs titulaires. C'est ce que prouvent jusqu'à l'évidence des diplômes de 716, 770 et 814 de Carloman et de Charlemagne, cités par M. Deloche (1).

Il existait une distinction bien marquée entre le centenier et le vicaire, dès leur apparition, dans un diplôme de 496 du roi Clovis et dans un autre de 516 du roi Clotaire pour le monastère de Réomé (2). Tous deux sont adressés aux évêques, abbés, vicaires, collecteurs centeniers (vicariis, grafionibus, centenariis, etc.) Grégoire de Tours parle d'un vicaire exerçant le pouvoir judiciaire dans le pagus Turonensis (585); Pépin, dans un diplôme qu'on croit remonter à 764, énonce plusieurs vicaires (3) sans parler de centeniers.

(1) Ubi supra pp. 185 et 186. febr.

(2) Histor. de France, t. 4, p. 616.

(3) Gall. Christ. t. 1, Instrum. Mabillon, Baluze.

Mais sous Louis-le-Débonnaire, lorsque le missus réunissait, par ordre de l'empereur, les principaux personnages de sa missie, il était dit que le comte devait amener avec lui ses vicaires et centeniers (habeat unusquis que comes vicarios vel centenarios suos secum) (1). Enfin, dans le Recueil des chartes de Cluny, on mentionne, à la date du 1er février 814, un plaid où des justiciers paraissent devant les « vicarios vel centenarios sive etiam ante missos dominicos (2). Walafrid Stra

bon, auteur du IXe siècle, comparant les vicaires et centeniers aux prêtres des églises baptismales ou plebanes, distinguait aussi ces deux fonctionnaires : « Centenarii vel (pour et) vicarii qui per pagos statuti sunt, presbyteris plebium.. conferri queunt » (3). L'interprétation que l'on donne à ce texte se soutient par celui d'un diplôme de 875, où vel équivaut à et: « præcipiens vobis... comitibus vel vicariis, judicibus, centenariis... » En effet, l'on ne peut pas dire que dans ce texte on confond les comtes avec les vicaires et que ces der niers ne sont pas bien distingués des centeniers. Aux passages affirmant la distinction de ces deux officiers il suffira d'ajouter cette formule de Marculf: Ducibus, comitibus, vicariis et decanis (4).

De même que le comte avait sous lui un vicomte, de même le vicaire avait sous lui un subvicarius ou ypovicarius chargé, en cas d'absence, de le suppléer dans sa vicairie. Le passage de Marculf semblerait faire croire qu'il y avait une circonscription formant une dernière subdivision du pagus appelé décanie ou dixaine, administrée par un decanus, dizainier, doyen, officier inférieur au vicaire, mais il est à croire que

(1) Capitul. Ludovici Pii, L 4, C. 28. p. 745.

- Histor. de France, t. fr

(2) Recueil, T. 1. p. 16, Notitia placiti, 1 fábr. 148.

(3) Bibl. Patrum, t. 15, p. 198.

(4) Histor. de France, t. 4, p. 298. — Appendix formul. Marculfi.

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