Page images
PDF
EPUB

Voici un exemple non moins décisif que celui de Noviodunum. César songe d'abord à s'emparer d'Avaricum (Bourges) « quod eo oppido recepto, dit-il, civitatem Bituricam se in potestatem redacturum confidebat » (1).

Ces textes ne prouveraient-ils pas assez clairement que ces oppides étaient les chefs lieux de leurs cités celtiques comme elles le furent de leurs cités gallo-romaines? Il suffit du reste pour s'en convaincre de jeter les yeux sur quelques passages de Ptolémée qui indiquent Lutetia comme ville principale des Parisiens, Augustobona comme ville principale des Tricasses; Cæsaromagus comme ville principale des Bellovaques et Samarobriva comme ville principale des Ambiens etc. (2). D'ailleurs ces oppides chefs-lieux occupés successivement par les romains et par les francs n'ontils pas presque toujours survécu avec leur territoire dans des villes, des bourgs ou villages encore subsistants? N'ont-ils pas laissé des noms et des débris historiques assez reconnaissables? On ne risque même rien d'affirmer que les pagi et comtés du moyen-âge représentaient encore, en partie du moins, les civitates, les pagi celtiques avec leurs capitales.

Si nous n'étions pas dominés par la crainte de trop donner à la conjecture et à l'induction en une matière assez peu éclaircie, nous pourrions encore avancer que le pagus lui-même subissait quelque fois certaines divisions. Nous nous contenterons de citer à cet égard un ou deux textes de César, toujours notre guide le plus sûr et le plus autorisé. Parlant des mœurs

(1). L. VII.

(2) Voicí. selon Ptolemée, ces cités gallo-romaines avec leurs capitales. Parisii et urbs Parisiorum Lucotalia. Trica ssi et corum civitas Augustobona Bellovaci quorum civitas Cæsaromagus, Ambiani et eorum civitas Samarobrivă, etc. (Histor. des Gaules, t. I. p 74).

des Germains et des Gaulois il dit : « Non solum in omnibus civitatibus, atque in omnibus pagis partibus que, sed pene in omnibus domibus factionnes sunt (1). il emploie ailleurs le terme partes dans le même sens (2). Faudrait-il voir dans ces portions, ces parties du territoire des régions, cités ou pagi, de ces fractions que l'on retrouvera plus tard, une sorte de pagi inférieurs? c'est ce que nous n'oserions avancer faute de renseignements plus précis.

DIVISIONS DE LA GAULE

APRÈS CÉSAR

César n'apporta pas de grandes modifications dans la division territoriale et politique de la Gaule après la conquête, mais il la réduisit en province romaine, laissant seulement à certaines cités, qui avait bien mérité du peuple romain, leur autonomie et leur attri buant même quelque fois des cités voisines qui s'étaient signalées par leur résistance à l'envahisseur. « Omnem Galliam, dit Suétone, præter socias et bene méritas civitates, in provincie formam redegit. » Celle de Soissons, on le verra, fut attribuée aux Rèmes. Voulant au contraire reconnaître les services que lui avait rendus Commius, César conserva à sa cité (celle des Atrebates) ses immunités, ses lois, lui rendit ses droits et lui attribua la cité des Morins (3).

Auguste maintint aussi l'ancienne division géné rale, sauf que la Celtique devint la Lyonnaise et la pro

(1) César, L. VI.

(2) Ibid.

...

(3) César : «< pro quibus meritis civitatem ejus (Commii) immunem esse jussera, jura legesque reddiderat, atque ipsis Morinos attribuerat (L. VII.)

vince romaine ou Provence la Narbonnaise Quant aux limites de la Belgique, de la Celtique et de l'Aquitaine telles quelles existaient du temps de César, elles furent profondément modifiées, afin de rompre les anciennes habitudes et d'accélérer la fusion. Ainsi la Belgique, qui était séparée de la Celtique par la Marne la Seine, vit les siennes s'allonger vers l'Océan et vers la Loire. Pour égaliser à peu près ces quatre grandes provinces, il attribua quatorze nations à l'Aquitaine, et ajouta à la Belgique les Séquanes et même les Helvètes (1). En effet, Pomponius Mélas et Pline le jeune ne parlent pas de la Marne comme séparant la Belgique de la Celtique, et ils placent les Belges entre la Seine et le Rhin (2).

Après Auguste, la Gaule éprouva de nouvelles et plus profondes modifications dans la distribution générale de son territoire. La Belgique avait empiété sur la Celtique; toutes deux rentrèrent dans leurs anciennes limites, mais la première, bornée de nouveau par la Seine, conserva les Séquanes et les Helvètes et conquit. les Lingons qui avaient été attribués à la Lyonnaise. Enfin elle fut elle même, sous Othon ou Néron, divisée en trois parties, la Belgique proprement dite, la Germanie inférieure et la Germanie supérieure. Dioclétien à son tour bouleversa tout, créa quatre grandes divisions ou gouvernements et tailla dans les provinces que Lucius Cæcilius lui reproche d'avoir dépiécées (....... provincia quoque in frusta concisœ.) On attribue à Dioclétien l'erection d'une 2 Belgique et de la Lyonnaise. Constantin et ses successeurs opérèrent de nouveaux morcellements. Il y avait sous Dioclétien 11 provinces, 13 sous Constantin. Selon Ammien Mar

(1) Ex. Pline et Ptolémée. Strabon. Da Gallis, L. IV. (Histor. des Gaules, t. 1, p. 4) Pomponius Mélas, De Gallia (Ibid. p. 52).

(2) Mém. de M. Valentin Smitt. (Revue des Sociétés savanta série, t. 1, mai-juin 1845.

cellin, la Gaule proprement dite avait, en 354, 12 provinces et selon Sextus Rufus 14, en 469. Le Concile d'Aquilée en présente 15. Sous Honorius et sous le pape Zozime on avait porté ce nombre à 17 comprenant 115 peuples ou cités (1).

A la tête de l'administration des Gaules il y avait, un préfet du prétoire, ayant sous lui un comte, un maître de la cavalerie, un vicaire des sept provinces ayant sous lui des consulaires dont un dans la 2e Belgique. Celleci était régie par un duc et un consulaire, un maître des offices préposé aux fabriques d'armes qui étaient au nombre de huit dans les Gaules, dont trois à Soissons (Suessionensis scutaria, balistaria et clibanaria.) - Venaient ensuite un comte des largesses sacrées (comes sacrarum largitionum), des prévôts des trésors, des procureurs de la monnaie, le procureur des chasses dont un de la 2o Belgique à Reims; un des étoffes de laine (lanificii); un des étoffes de laine et de soie, des prévôts des tapis ouvragés d'hommes et d'animaux, aux fils d'or et d'argent, dont un aussi à Reims; un prévôt des chars ou des transports (præpositus bastaga, un comte des affaires privées (rerum privatarum) ayant sous lui des procureurs des comptes, des transports privés. Des provinces avaient des duces commandant à d'autres officiers militaires. Le duc de la 2e Belgique par exemple avait sous sa dépendance un præfectus classis Sambricæ, in loco Quartensi sive Hornensi, un tribun des soldats (2).

(1) Selon César, ce conquérant aurait soumis 88 nations (ou cités) dans la Gaule. Plutarque en compte 300, Josèphe 306, Appien 400. Ptolémée réduit ce nombre à 60 et Tacite se rapproche de ce chiffre, mais il doit désigner ici les 60 nations ou cités telles qu'Augusté les avait organisées.

(2) Notilia dignitatum imperii. (Histor. des Gaules, 1. I, p. 135. Cette notice paraît dater du règne de Valentinien III.

1.

LA CITÉ GALLO-ROMAINE.

Le système de la division des provinces en cités ou grands pagi, et de celles-ci en pagi inférieurs modelés à peu près sur les cités et pagi celtiques, subsista jusqu'à la fin de l'empire. Une loi du Digeste enjoignait de désigner les biens ruraux sur les registres des cens par leurs noms, celui de la cité et du pagus où ils étaient situés (Forma censuali caveatur ut agri sic in censum referentur: nomen fundi cujusque et in qua civitate et quo pago et quos duos vicinos proximos habeat) (1). Les premières continuèrent donc d'embrasser l'ensemble des peuplades groupées autour d'une peuplade principale, et les seconds se dessinèrent sur le territoire de chacune de ces peuplades secondaires formant la cité. En sorte que les subdivisions administratives des Romains correspondirent, dans un sens, aux anciennes divisions politiques des Gaulois. Nous disons dans un sens, parceque ni les cités, ni les pagi ne furent à l'abri des remaniements territoriaux qui modifièrent si souvent et si profondément les provinces. Ils subirent des absorptions, des suppressions, des réductions ou des additions, le fond, le noyau restant le même. Des cités, des pagi disparurent donc complètement, mais d'autres conservèrent au moins leur nom avec une partie de leur territoire; et même il se créa de nouvelles cités, de nouveaux pagi,

(1) Digeste, De censibus, t. XV, L. 4.

« PreviousContinue »