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ditions, était pleine de vague et d'incertitude, et l'on sentit le besoin, quand on s'organisa en communes, de la formuler par écrit. C'est à cette époque que remonte la première rédaction des coutumes, qui ont, avec le droit romain, donné naissance à notre législation actuelle (1).

L'établissement d'une législation spéciale pour chaque commune nécessitait la création d'une juridiction indépendante. Les chartes déterminaient le nombre, les attributions et les formes de l'élection des différents magistrats municipaux. « On les appelait le plus ordinaire» ment maires, échevins (2) et jurés dans les villes de la >> France septentrionale, syndics et consuls dans la partie » méridionale. Les droits attachés au premier titre n'avaient pas la même étendue.... Quoiqu'il fût ordinaire

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>> dans les chartes des communes de laisser aux bourgeois le droit d'élire les officiers municipaux, ce droit >> ne leur était pas toujours attribué sans restriction.

(1) Ord. des rois de France, préf., tom. XI, p. 37 et 38. (2) Le nom d'échevin vient du latin scabinus, qui n'était lui-même qu'une traduction du mot franc skopene, juge.Thierry, Lettres sur l'Histoire de France.

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Ainsi, dans les communes de Rouen et de Falaise, les

» cent pairs de la ville avaient seulement le droit de pré

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senter trois notables au Roi, qui s'était réservé de

> choisir parmi ces trois celui qui devait être maire de

la ville (1). » Malgré cette extrême variété, on voit qu'en général l'autorité municipale se composait, dans les communes comme dans les municipes romains, de corps délibérants et de magistrats chargés du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire. Ainsi la commune, à peu près indépendante de fait du pouvoir royal ou seigneurial, avec sa législation, sa juridiction, sa milice bourgeoise, ses murs fortifiés, réalisait assez l'idée que nous nous formons d'une république.

Ce qui fit donner à l'établissement de la commune le titre d'affranchissement, ce fut la libération d'une foule de charges et d'exactions de toute nature, et la suppression de droits abusifs, suppression que l'on qualifia bien mal à propos de privilège, puisqu'elle n'était autre chose que le rétablissement du droit naturel; ainsi, dans les chartes de commune accordées aux habitants de Montolieu, en 1312, « le Roi déclare les bourgeois exempts de

(1) Ord. des rois de France, préf., tom. XI, p. 37 et 38.

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tous dons gratuits, prêts forcés, corvées d'hommes et

de bêtes, si ce n'est dans le cas de nécessité d'un sub

side général; il leur laisse la liberté de porter leur do>> micile où ils voudront, de disposer de leurs biens entre» vifs ou par testament, de marier leurs enfants, de >> faire entrer leurs fils dans les ordres ecclésiastiques (1). »

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Les lettres de coutumes accordées, en 1204, aux habitants d'Angély par Philippe-Auguste, les autorisent à marier à leur gré leurs filles, leurs veuves et leurs jeunes gens, à avoir la tutelle de leurs enfants et à tester comme ils voudront. Les priviléges honorifiques des communes étaient, entre autres, d'avoir un hôtel-de-ville, d'annoncer les assemblées par le son d'une cloche placée dans une tour que l'on nommait et que l'on nomme encore beffroi, d'avoir un sceau pour sceller les délibérations, quelquefois même des armoiries.

Quelques restrictions étaient mises aux priviléges des communes dans l'intérêt des pouvoirs existants; le dernier article des chartes se termine ordinairement par ces mots : « Sauf notre droit, celui des évêques, du clergé,

(1) Ord. des rois de France, préf., tom. XI, p. 40.

des seigneurs, des nobles, etc. » Mais à ces restrictions générales il s'en joint quelquefois de plus spéciales et de plus positives; ainsi il était défendu à la commune de Bray de recevoir des hommes de corps du Roi et de ses domaines; si l'un d'eux y était admis, il était forcé d'en sortir: ces clauses s'étendaient aux hommes des abbayes royales et aux hommes des autres communes. Aucun censitaire des églises et des notables de la ville n'était reçu dans la commune de Laon sans l'aveu du seigneur. Ordinairement cet aveu se présumait lorsque le seigneur ne réclamait pas dans l'espace d'un an et jour (1).

Nous avons déjà vu que l'affranchissement n'était pas ordinairement gratuit; mais, outre la somme d'argent une fois payée, le Roi ou le seigneur, et quelquefois l'un et l'autre, stipulaient une redevance annuelle qui remplaçait les contributions de diverses natures à la perception desquelles on renonçait dans la charte. Enfin, les communes s'engageaient envers le Roi au service militaire, et il paraît, d'après la charte donnée par PhilippeAuguste à la commune de Crespy en Valois, que cette

(1) Ord. des rois de France, préf., t. XI, p. 40.

obligation était générale (1). Toutefois, le mode d'exécution variait beaucoup; la commune de St-Quentin était obligée au service d'ost et de chevauchée toutes les fois qu'il plaisait au Roi; celle de Tournay devait fournir trois cents hommes de pied bien armés, toutes les fois que le Roi ferait marcher les communes. Outre le service militaire qu'ils devaient au Roi, les habitants de la commune étaient tenus à la garde de la ville, à l'entretien et aux réparations des murs, des ponts, des rues (2). La milice de la commune était ordinairement sous le commandement du maire ou des officiers nommés par le Roi.

A côté des institutions communales proprement dites, se trouvaient des institutions d'une nature différente et qui ont cependant été souvent confondues avec elles. Beaucoup de villes avaient conservé quelques coutumes, jouissaient de quelques franchises qui paraissaient dérivées du droit municipal romain. Ces coutumes et ces franchises furent consacrées aussi par des chartes éma

(1) Art. 2 de la Coutume de Crespy. Ut ipsi nobis debent exercitus et equitationes sicut aliæ communiæ nostræ. Ord. des rois de France, tom. XI, p. 305.

(2) Ord. des rois de France, préf., tom. XI, p. 44 et 45.

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