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Les corps municipaux n'ont d'action que dans les limites de leurs communes respectives. Les cours judiciaires agissent sur la masse entière des citoyens.

Les municipalités n'ont que quelque point de contact avec l'ordre public; et l'ordre public tout entier est sous la garde des tribunaux.

Chargés par les lois de faire jouir leurs communes des avantages d'une bonne police, les corps municipaux sont autorisés à faire des règlements qui sont obligatoires pour tous les habitants de la commune. Envisagés sous ce point de vue, il est vrai de dire qu'ils appartiennent à la classe des fonctionnaires publics. Mais cela se réduit à maintenir dans l'enceinte des habitations la propreté, la salubrité, la sûreté, la tranquillité.

Que les fonctions judiciaires ont bien une autre importance!

Organe de la puissance législative, c'est l'autorité judiciaire qui lui donne la vie, et qui la met en action; c'est elle qui, faisant prévaloir les droits du plus faible sur les prétentions du plus fort, assure le règne de la loi et la paix entre les citoyens; c'est elle enfin qui forme la morale publique, en flétrissant les actions malhonnêtes, et en retranchant de la société ceux qui en ont commis de criminelles.

Cependant nous voyons les maires précéder les juges dans les cérémonies publiques: même cela est établi par un décret spécial.

Voudrait-on justifier ce décret par la circonstance qu'indépendamment des fonctions municipales, le maire est investi de quelques parties de l'administration publique? La méprise ne serait pas moins choquante.

La justice et l'administration émanent également du Roi; l'une et l'autre sont également dans les attributions du pouvoir exécutif; mais des caractères bien différents les distinguent.

Il y a deux sortes d'administrations, l'une générale, l'autre particulière; l'une qui délibère, l'autre qui exécute.

La première, que l'on appelle la haute administration, ou, en d'autres termes, en d'autres termes, le gouvernement, établit les relations extérieures, surveille et dirige dans l'intérieur tous les mouvements du corps politique, pourvoit à tous les besoins généraux de la société, prévient les attentats à la sûreté publique, maintient l'harmonie entre les différents pouvoirs, et fait les réglements nécessaires pour l'exécution des lois.

Au-dessous de cette haute administration, et dans un degré fort inférieur, figure l'administration proprement dite, qui, placée sous la direction

du gouvernement, est, sous plusieurs rapports, à cette grande autorité, ce que le pouvoir exécutif est à la puissance législative.

Cette administration, dont la présence est partout nécessaire, se compose d'une foule d'agents disséminés sur tous les points. Chacun d'eux exerce, dans une circonscription déterminée, les fonctions plus ou moins importantes qu'il plaît au suprême administrateur de leur conférer. Mais, quelque place qu'ils occupent dans la hiérarchie administrative, il est un devoir qui leur est commun à tous; c'est une soumission aveugle aux ordres du gouvernement. Obligés de les exécuter à l'instant où ils en ont la connaissance officielle, toute délibération leur est interdite. Ce n'est pas pour vouloir qu'ils sont établis, c'est surtout pour agir. Dociles à l'impulsion qui leur est donnée, ils doivent constamment la suivre; et si quelquefois il leur est permis d'avoir une volonté, c'est dans deux cas seulement lorsqu'il y a urgence, ou qu'il ne s'agit que de simples mesures d'exécution que le ministre n'a pas jugé à propos d'indiquer ; et même, dans ces deux circonstances, la décision de l'administrateur n'est que provisoire, et ne devient définitive que par l'autorisation de l'administration supérieure.

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Le magistrat est dans une tout autre position.

Le gouvernement n'a aucune action sur lui. Comme le gouvernement, il ne voit au-dessus de lui qu'une seule autorité, celle des lois. Chargé de les appliquer, de suppléer à leur insuffisance, et d'interpréter celles qui sont obscures, il est lui-même une loi vivante. Ce n'est pas, comme les administrateurs, un mandat qu'il exécute, c'est une juridiction qu'il exerce. En vertu de cette juridiction, il commande à tous et ne reçoit d'ordre de personne. Enfin, telle est l'importance de l'autorité judiciaire, que la plupart des publicistes la regardent comme l'un des grands pouvoirs de la société, et la placent à côté de la puissance législative et du pouvoir exécutif,

Et ce sont des hommes revêtus de ce grand caractère que nous voyons, dans les cérémonies publiques, précédés par des administrateurs du second, du troisième, et même du quatrième ordre. Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que de toutes les inconséquences de nos lois nouvelles, il n'en est pas de plus choquante.

[Add.] Il nous semble que le décret du 24 messidor an XII sur les préséances ne mérite pas les reproches qui lui sont adressés ici. En effet, ce décret divise les personnes qu'il appelle aux cérémonies publiques, en deux séries: l'une comprend les hauts dignitaires et les

fonctionnaires éminents parmi lesquels figurent les chefs de corps; l'autre est composée des corps eux-mêmes et des fonctionnaires qui ne font pas partie de la première série. Cette distinction admise, n'est-il pas évident que l'on devait placer dans la première série le maire, représentant et chef du corps municipal? Certes, le rang qu'on lui donne n'a rien qui puisse exciter l'envie, car ce rang est l'un des derniers; et le maire, qui vient après le président du tribunal de commerce, ne peut avoir audessous de lui que le commandant d'armes et le président du consistoire. (Décret du 24 messidor an XII, art. 1.) Dans la seconde série, le corps municipal marche après les membres des tribunaux de première instance. (Id. art. 8.)

CHAPITRE XIV.

De quelle manière les actes des corps municipaux doivent-ils être intitulés?

Il devrait en être de l'intitulé des actes administratifs comme du costume des administrateurs. De même que l'un indique la qualité du fonctionnaire, l'autre devrait faire connaître la nature du pouvoir dont l'acte est émané.

C'était sans doute la pensée des rédacteurs de la Charte constitutionnelle, lorsqu'ils ont donné la

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