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>> la reconnaissance feraient disparaître le délit ; >> d'après ces motifs, et attendu d'ailleurs la régu»larité de la procédure et celle de l'arrêt attaqué, >> REJETTE, etc. »

Cet arrêt fera époque. La distinction qu'il consacre entre les actes qui choquent les intérêts géné raux des communes, et ceux qui blessent les particuliers, le range dans la classe de nos garanties sociales. Ainsi, désormais les lois protectrices de la tranquillité des citoyens pèseront de tout leur poids sur les officiers municipaux; et, pour être autorisé à se plaindre des vexations qu'ils pourraient commettre, il suffira de les avoir éprouvées.

Cette jurisprudence, éminemment juste et par conséquent bonne sous tous les régimes, était surtout nécessaire dans un ordre de choses où les maires des communes, étant nommés par le gouvernement, pourraient croire qu'ils ne doivent rien à leurs concitoyens, parce qu'ils ne tiennent rien d'eux.

[Add.] Ces deux chapitres se résument ainsi :

Le maire, comme officier de l'état civil, peut être poursuivi sans autorisation préalable, conformément aux articles 50 et 53 du Code civil;

Comme officier de police judiciaire ou comme juge, il peut également être poursuivi sans autorisation, mais

dans les formes prescrites par les articles 483 et 484 du Code d'instruction criminelle;

Comme délégué du gouvernement, il ne peut être poursuivi sans l'autorisation du Conseil d'état;

Comme administrateur de la commune, il ne peut être poursuivi pour les délits qui froissent les intérêts généraux de la commune, que dans les formes prescrites par la loi du 14 décembre 1789.

Dans tous les autres cas, il est soumis au droit

commun.

Cette énumération nous parait incomplète, en ce qu'elle laisse de côté l'une des attributions les plus importantes du maire, nous voulons parler du droit de prendre des arrêtés pour ordonner les mesures locales sur les objets confiés par la loi à sa surveillance et à son autorité. Le maire, quand il use de ce droit, n'est pas agent du gouvernement; car la loi du 14 décembre 1789, dont les principes ont été consacrés en ce point par la loi du 18 juillet 1837, déclare cette attribution propre au pouvoir municipal, et M. Henrion de Pensey établit plus loin, partie II, chap. I, que le pouvoir de faire dans la circonscription de chaque municipalité les règlements que le maintien de la police locale exige, n'est pas une concession de la puissance publique. Il n'agit pas non plus comme administrateur de la commune, dans les termes de l'article 61 de la loi du 14 décembre 1789, puisqu'il ne s'agit dans cette loi que de délits d'administration. De là naît la question de savoir si un maire peut être librement traduit devant

les tribunaux, à l'occasion des mesures de police purement municipale qu'il a prescrites par ses arrêtés, et quelquefois même fait exécuter sur-le-champ, attendu l'urgence (1)?

Bien que, dans la rigueur des principes, le maire ne puisse alors être considéré comme un agent du gouvernement, nous pensons cependant qu'il jouit encore du bénéfice de la garantie créée par l'article 75 de la constitution de l'an vII. Il n'est jamais plus nécessaire en effet d'entourer l'autorité d'une protection spéciale que lorsqu'elle est appelée à prendre ou à faire exécuter ces mesures de police locale qui sont de nature à soulever un grand nombre de mécontentements et d'animosités ; si le maire pouvait être librement traduit devant les tribunaux par tous ceux dont il froisse alors les habitudes ou les intérêts, la police municipale serait paralysée partout et deviendrait partout impossible. Il n'est pas douteux pour nous que, dans l'intention de l'auteur de la constitution de l'an vIII, les mots agents du gouvernement doivent s'appliquer aux maires, lors même qu'ils agissent en vertu du pouvoir de police municipale. Il y a là sans doute un vice de rédaction, mais il s'explique très-bien par l'esprit de la constitution qui tendait à centraliser l'autorité et à la faire dériver d'une source unique. Notre interprétation a été adoptée par la Cour de cassation dans un arrêt du

(1) V. l'addition au chapitre VIII de la 2o partie.

13 novembre 1809, dont nous faisons connaitre le texte parce qu'il statue sur un cas qui paraît, au premier aspect, être le même que celui de l'arrêt du 22 mai 1823, mais qui en diffère cependant en un point important. Il s'agissait en effet, dans l'un et l'autre arrêt, d'un maire qui avait donné l'ordre de s'emparer d'un terrain dont un particulier prétendait être propriétaire ; mais, dans la première espèce, il avait agi comme administrateur des biens patrimoniaux de la commune, à laquelle il soutenait que le terrain appartenait; dans la seconde, il avait agi en vertu du pouvoir de police municipale, dérivant de la loi du 24 août 1790, en réprimant une usurpation faite sur un terrain public. De là sans doute la différence dans la solution. Voici le texte de ce dernier arrêt :

« Le 9 août 1809, la veuve Poinsard fait citer Remy en paiement de dommages qu'il lui a causés en fauchant l'avoine croissant dans un coin de terre lui appartenant. Devant le juge de paix, intervient le maire de la commune, aux ordres duquel Remy n'avait fait qu'obéir; il soutient la veuve Poinsard non recevable dans son action, attendu qu'elle avait usurpé une partie du terrain public, et qu'il avait pu faire faucher l'avoine sur l'anticipation. - Jugement qui condamne le maire à 2 fr. de dommages-intérêts et aux dépens. Pourvoi dans l'intérêt de la loi. Arrêt. »

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« La Cour, sur les conclusions de M. Lecontour, substitut; vu l'article 80 de la loi du 27 ventôse an VIII et l'article 75 de la loi du 22 frimaire même

année; - attendu qu'aux termes de ces deux articles, les agents du gouvernement ne peuvent être poursuivis pour raison des faits relatifs à leurs fonctions, qu'en vertu d'une décision du Conseil d'état, à peine de nullité; que, par le jugement du 12 août 1809, le juge de paix du canton de Sainte-Menehould a condamné le sieur Godart pour un fait relatif à ses fonctions de maire, sans qu'il lui ait apparu d'une décision du Conseil d'état qui autorisât à poursuivre le sieur Godart pour raison de ce fait ; casse, etc.

CHAPITRE XIII.

Du rang que les officiers municipaux doivent occuper dans les cérémonies publiques. Doivent-ils précéder les juges?

Lorsque des fonctionnaires de différents ordres sont réunis en cette qualité de fonctionnaires, et qu'il s'agit d'assigner le rang qu'ils doivent tenir, ce n'est pas l'homme qu'il faut considérer en eux, mais la nature, l'étendue et l'importance de leurs fonctions; et la préséance est due à celui qui est investi des plus hautes attributions, et qui exerce la plus grande influence. Mais, sous ce rapport, quelle différence entre le pouvoir municipal et les autres pouvoirs; par exemple, entre les cours de justice et les municipalités ?

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