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lement regardée comme suffisante; mais le directoire exécutif trompa la prévoyance du législateur. Il imagina des formules de destitution tellement vagues qu'elles pouvaient frapper indistinctement tous les officiers municipaux, et si bien appropriées à toutes les circonstances, que les partis qui s'emparèrent successivement du pouvoir, en userent également et avec le même succès.

Il faut donc aux officiers municipaux une garantie de plus. Cette garantie, je crois la voir dans une loi qui autoriserait ceux que le gouvernement aurait suspendus de leurs fonctions, à les reprendre, si, dans un temps déterminé, ils n'étaient pas mis en jugement.

On voit bien que je ne parle que des fonctions municipales. A l'égard de celles que les maires exercent comme délégués de l'administration publique, nul doute qu'ils peuvent en être dépouillés sans formalités préalables. Alors ils ne seront plus les agents du gouvernement, mais ils n'en resteront pas moins les agents de leurs communes.

[Add.] Ce point important est ainsi réglé par l'article 3, § 3, de la loi du 21 mars 1831:

Ils (les maires et adjoints) peuvent être suspendus par un arrêté du préfet; mais ils ne sont révocables que par une ordonnance du roi. »

La loi ne prescrit point l'instruction préalable dont parle M. Henrion de Pensey, p. 56. L'administration supérieure est donc libre d'employer les moyens qu'elle juge convenables pour s'éclairer; ainsi la communication au maire des faits qui lui sont imputés peut avoir lieu, mais n'est point obligatoire. D'un autre côté, l'arrêté ou l'ordonnance de suspension n'est point motivé. Les dispositions de la loi se justifient par l'importance des fonctions dépendantes de l'administration générale, qui sont attribuées au maire; l'action administrative pourrait être entravée, si le pouvoir n'avait pas le droit de suspendre et de destituer un maire à l'instant même où il refuse la coopération qu'il doit à l'administration.

M. Henrion de Pensey veut, il est vrai, que l'on distingue entre les fonctions purement municipales et celles qui ne le sont pas : les premières seules ne pourraient être enlevées sans une instruction préalable; les secondes seraient essentiellement révocables, comme le sont toutes les fonctions administratives. Il est dans l'esprit de la loi nouvelle que les différentes fonctions dont il s'agit reposent sur la même tête. Cette réunion augmente la considération du maire, évite les rivalités qui naîtraient entre des fonctionnaires habituellement en contact, simplifie les rouages de l'administration, et diminue les dépenses publiques. Dans ce système, on ne peut admettre qu'un maire continue d'ètre chargé du pouvoir purement municipal, et cesse cependant d'être officier de l'état civil, officier de police judiciaire, agent de l'administration générale pour les opérations relatives

aux listes électorales, au recrutement, à la perception des impôts, etc. Aucun maire, sans doute, ne voudrait conserver l'administration municipale dépouillée de ses attributions accessoires; et, s'il s'en rencontrait, on trouverait difficilement des agents qui voulussent se charger de remplir les fonctions enlevées au maire, et dont ils ne seraient revêtus que d'une manière transitoire.

Ces considérations ont déterminé le législateur à laisser le droit de suspension et de destitution à la discrétion de l'autorité, qui a un grand intérêt à ne pas en abuser, et qui après tout est responsable de ses actes. Ce ne sera évidemment que dans des circonstances très-graves qu'elle uscra de ce droit, car l'article 15 de la loi du 18 juillet 1837 lui donne les moyens de surmonter la négligence ou la mauvaise volonté passagères. Cet article porte que « dans le cas où le maire refuserait ou négligerait de faire un des actes qui lui sont prescrits

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par la loi, le préfet, après l'en avoir requis, pourra y

procéder d'office ou par un délégué spécial. »

CHAPITRE XI.

De la mise en jugement des officiers municipaux pour délits par eux commis dans l'exercice de leurs fonctions.

En lisant, dans le chapitre vii, que les attributions des maires se composent de fonctions judi

ciaires, administratives, et municipales, on a dù se demander si, pour les traduire dans les tribunaux à raison des délits qu'ils peuvent commettre dans l'exercice de chacune de ces diverses fonctions, l'autorisation du Conseil d'état est également nécessaire. Je me propose de répondre à cette question; et d'abord je suppose un maire agissant en sa qualité d'officier de l'état civil ou de police judiciaire.

Le Code civil, après avoir tracé à l'officier municipal les règles qu'il doit suivre dans la rédaction des actes de l'état civil, porte, article 50: Toute contravention aux articles précédents de la part des fonctionnaires y dénommés, sera poursuivie devant le tribunal de première instance, et punie d'une amende qui ne pourra excéder cent francs.

L'article 53 ajoute : Le procureur du roi près le tribunal de première instance sera tenu de vérifier l'état des registres lors du dépôt qui en sera fait au greffe; il dressera un procès-verbal sommaire de ladite vérification, dénoncera les contraventions ou ́ délits commis par les officiers de l'état civil, et requerra contre eux la condamnation aux amendes.

Ces officiers de l'état civil sont, dans toutes les communes, le maire et ses adjoints; et l'on voit qu'ils peuvent être traduits dans les tribunaux, jugés et punis pour contraventions ou délits par

eux commis en cette qualité d'officiers de l'état civil, sans l'autorisation du gouvernement. En effet, la loi s'adresse directement aux procureurs du roi et aux juges, et commande impérativement à l'un de poursuivre, et à l'autre de juger; et cela, sans condition, sans formalité préalable (1).

Quant aux délits ou crimes que les maires ou leurs adjoints pourraient commettre, soit comme officiers de police judiciaire, soit les premiers comme juges de police, et les seconds comme chargés du ministère public près les tribunaux de police, les art. 483 et 484 du Code d'instruction criminelle leur accordent, pour le mode de poursuites et la forme du jugement, les garanties qu'ils prescrivent en faveur de tous les tribunaux inférieurs poursuivis à raison de faits commis dans l'exercice de fonctions purement judiciaires (2).

Il en serait autrement, si le maire de la commune avait prévariqué dans l'exercice des fonc

(1) Cette doctrine a été consacrée par deux avis du Conseil d'état des 4 pluviôse an xin et 28 juin 1806, et par trois arrêts de la Cour de cassation des 11 juin et 3 septembre 1807, 9 mars 1815. (F.)

(2) Sic jugé par la Cour de cassation, le 8 février 1838.

(F.)

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