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trop souvent lieu à de grands désordres. Tel est donc le problème à résoudre : composer les municipalités de manière que le bien de la commune ait une garantie dans le nombre des officiers municipaux, sans que l'ordre et la sagesse des délibérations en soient compromis.

Si j'étais appelé à donner mon avis, je fixerais le minimum à neuf, et le maximum à cent; et je composerais les corps municipaux des nombres intermédiaires, suivant l'importance, la population et l'esprit des communes qu'il s'agirait d'organiser (1).

Mais des accidents imprévus, des événements fortuits, des esprits turbulents et factieux, peuvent compromettre la tranquillité, la sûreté, et même l'existence d'une commune; et la nature du mal sera telle que le remède le plus prompt pourra seul en arrêter les progrès. Cependant, la municipalité ne fût-elle composée que de neuf membres, il faut du temps pour les réunir, il en faut pour délibérer. Si, dans cette crise, l'action du pouvoir municipal est soumise aux formes or

(1) Le minimum a été fixé à dix et le maximum à trentesix par la loi nouvelle. V., aux chap. VI et XVII, quelle est l'organisation actuelle des conseils municipaux d'après la loi du 21 mars 1831. (F.)

dinaires, il arrivera le plus souvent que, lorsque enfin la délibération sera arrêtée, le moment d'agir efficacement sera déjà loin.

Le chef de la municipalité dans les communes, comme le pouvoir exécutif dans les gouvernements, doit donc être autorisé à prendre seul les mesures d'urgence que des circonstances imprévues peuvent rendre absolument nécessaires.

Voilà de l'arbitraire, du moins cela y conduit; il le faut bien, puisque la loi ne peut pas prévoir tout ce que l'administration est chargée de prévenir.

CHAPITRE VI.

Que le choix des officiers municipaux appartient aux habitants des communes.

Le pouvoir municipal n'est pas une création de la loi ; il existe il existe par la seule force des choses; il est, parce qu'il ne peut pas ne pas être; il est, parce qu'il est impossible que les habitants d'une même enceinte, qui consentent à faire le sacrifice d'une partie de leurs moyens et de leurs facultés pour se créer des droits et des intérêts communs, soient assez imprévoyants pour ne pas donner des gar

diens à ce dépôt, pour ne pas charger quelques-uns d'entre eux de veiller à sa conservation et d'en diriger l'emploi.

Mais, s'il en est ainsi, si le pouvoir municipal est de l'essence de toutes les corporations d'habitants, les lois ne pouvant rien contre la nature des choses, il faut dire qu'elles ne peuvent ni supprimer les corps municipaux, ni priver les communes du droit de les élire.

Cependant, toutes les fois qu'un gouvernement inquiet et jaloux évoque à lui le pouvoir municipal et l'exerce en administrant les communes par des fonctionnaires de son choix, et qu'il révoque à sa volonté, quelque dénomination qu'il donne à ces commissaires, il n'y a plus d'officiers municipaux.

Cela est vrai, mais il ne faut pas s'y méprendre. Si, dans ce cas, il n'y a plus d'officiers municipaux, que les habitants n'existent plus en corps de

c'est

communauté.

Nous disons que les habitants privés du droit d'élire leurs officiers municipaux cessent d'exister en corporation. Alors, en effet, ces habitants, étrangers aux affaires de leurs communes, et sans liens qui les unissent entre eux, ne sont plus que des agrégations d'hommes. Il y a encore des villes, des bourgs et des villages; il n'y a plus de cités.

Les cités sont de deux sortes : souveraines ou

sujettes.

Les cités souveraines sont celles qui se donnent des lois et n'en reçoivent de personne. Semblables aux villes libres d'Allemagne, ce sont autant de républiques.

Pour se faire une juste idée d'une cité sujette, il faut la considérer sous deux rapports: comme un tout, et comme faisant partie d'un tout, ou, en d'autres termes, comme une famille, une corporation particulière ; et comme l'un des éléments de la grande famille, de la corporation générale.

Envisagée sous ce dernier point de vue, la cité, comme tous les particuliers, est sujette du souverain, et comme eux, soumise à toutes les lois de l'État.

Mais, sous l'autorité de ce même souverain, et sous la seule condition d'obéir aux lois générales, s'élève dans chaque commune un pouvoir conservateur de tous les intérêts communs.

C'est par ce motif que l'on donne la dénomination de cité à la partie de la ville de Londres qui a un régime qui lui est propre, et qui nomme son maire et ses aldermans.

Ainsi, plusieurs villes, bourgs ou villages qui sont réunis sous une administration commune, et

qui nomment collectivement leurs officiers municipaux, ne forment qu'une seule cité.

Ainsi, la cité peut exister après que la ville est détruite. Par exemple, lorsque pour échapper au joug d'un ennemi supérieur en force, des hommes qui vivaient sous le régime municipal ont brûlé leurs habitations, il n'y a plus de ville, mais la cité reste; elle sera partout où ces fugitifs jugeront propos de fixer leur résidence.

à

De ces définitions, il résulte que, sous une constitution libre, toutes les réunions d'habitants doivent former autant de cités; que, par conséquent, toutes doivent avoir le choix de leurs administrateurs, et que le contraire ne peut être toléré que sous un prince absolu.

Qu'un despote affamé de pouvoir s'empare de l'administration de toutes les communes, et prélude, par cet acte de violence, à l'envahissement de leurs propriétés, cet abus de la force est en accord avec le principe de ces sortes de gouvernements, et on en est moins révolté. Mais, qu'il en soit de même sous un régime constitutionnel, c'est une idée que repoussent également et l'esprit de la constitution et la nature du pouvoir municipal.

Tel est cependant notre régime actuel.

Tous les Français sont citoyens, et il n'y a pas en France une seule cité.

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