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Ces municipalités étant enfin parvenues à dépouiller la puissance féodale de ce qu'elle avait de menaçant pour l'ordre public, et de plus oppressif pour les citoyens, l'autorité royale, qui, pendant toute la durée de cette lutte, les avait puissamment secondées, non-seulement leur retira son appui; mais, comme l'architecte qui brise ses échafauds lorsque l'édifice est construit, elle abolit successivement, et sur les prétextes souvent les plus légers, toutes les chartes de commune.

Telle ville fut privée de sa charte parce que, disait-on, elle en abusait; telle autre, parce

Ces cinq villes étaient des villes de commune que l'on appelait aussi villes de loi, parce que les échevins jugeant d'après leur conscience, dans tous les cas qui n'étaient pas décidés par la charte, étaient regardés comme des lois vivantes. Aussi les appelle-t-on les hommes de loi, ou simplement les lois de la commune. C'est dans ce sens que la coutume d'Artois dit : Les huissiers doivent demander assistance aux lois des lieux, c'est-à-dire aux échevins des

communes.

Ces anciens corps municipaux étaient encore désignés sous le nom de cour de bourgeoisie; ceux de la cour de bourgeoisie, disent les Assises de Jérusalem, sont les hommes de la cité les plus loyaux et les plus sages. Nous rapportons ce texte parce qu'il peut n'être pas inutile de le mettre sous les yeux de ceux qui votent dans les assemblées primaires. (H. P. )

qu'elle était hors d'état d'en représenter l'original. Chaque jour voyait augmenter leurs charges et diminuer leurs priviléges; les choses furent portées au point qu'en 1374 la commune de Roze sollicita, comme une grâce, la révocation de sa charte, et que celle de Villeneuve demanda et obtint la même faveur de Charles V.

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A ces mesures partielles on en joignit de générales les officiers municipaux étaient juges des affaires entre les marchands. En 1563 cette attribution leur fut enlevée par l'établissement de juridictions consulaires. En 1579, l'ordonnance de Blois leur fit défense de connaître des affaires criminelles. Les juges royaux les dépouillèrent successivement de la justice civile; et la vénalité des offices municipaux acheva de les dénaturer.

Cependant le droit d'élire leurs officiers municipaux fut rendu aux habitants des communes par un édit du mois d'août 1764; mais, sept ans après, par un autre édit du mois de novembre 1771, cette prérogative leur fut enlevée.

Enfin, une loi du 18 décembre 1789, sanctionnée par le roi le 28 du même mois, reconstitua toutes les municipalités du royaume sur de nouvelles bases et sur un plan uniforme. Cette organisation, qui ne tarda pas à faire place à une autre, fut bientôt elle-même remplacée par une

troisième. Cette dernière, qui se compose de quelques éléments des deux premières, et de différents décrets impériaux, forme le dernier état (1); mais je n'en parlerai qu'après avoir traité de la nature du pouvoir municipal et des actes qui lui sont propres.

Dans la nomenclature de ces actes, ne figureront pas les fonctions administratives et judiciaires qui se sont groupées successivement autour du pouvoir municipal, parce qu'elles lui sont étrangères, et que les officiers municipaux ne les exercent qu'accidentellement et en vertu de délégations spéciales. Cependant je les signalerai, mais plus tard.

CHAPITRE IV.

De la nature du pouvoir municipal, et des fonctions qui lui sont propres.

Les citoyens, considérés sous le rapport des relations locales qui naissent de leur réunion sur un

(1) Le dernier état du droit résulte aujourd'hui des lois du 21 mars 1831 sur l'organisation, et 18 juillet 1837 sur l'administration municipale, et de la loi du 20 avril 1834 sur l'organisation spéciale de la municipalité de Paris. Le texte de ces trois lois se trouve à l'appendice. (F.)

même point, tel qu'une ville, un bourg, un village, forment des communes.

A l'instant où cette agrégation s'établit, naissent deux sortes d'intérêts; l'un personnel et particulier, l'autre général et commun.

Le premier se concentre sur les droits propres à chaque individu; le second se compose de tous ceux qui appartiennent à la généralité des habitants considérés comme corps moral et politique. Ces derniers embrassent toutes les propriétés com

munes.

Chaque individu, arbitre suprême de ses affaires domestiques, les régit comme bon lui semble. Il ne peut pas en être de mème des propriétés communes, telles que des droits qu'il faut défendre des pâturages dont il faut régler l'usage, des bois dont la conservation exige une surveillance continuelle, des domaines qu'il faut exploiter ou donner à ferme.

Si tous les habitants étaient appelés à la manutention de ces différents objets; si tant de volontés agissaient simultanément et avec des pouvoirs égaux, rien ne se ferait, ou tout se ferait mal.

Les membres de ces associations étaient donc conduits par la force des choses à réunir en une seule volonté toutes les volontés individuelles;

à confier à ceux d'entre eux qu'ils en croiraient les plus dignes, le droit exclusif de concourir à l'administration du patrimoine commun; en un mot, à se choisir des mandataires qui agissent pour eux en leur nom, et surtout dans leurs intérêts.

Là ne devait pas s'arrêter la sollicitude des membres de ces nouvelles associations. S'il importait à tous que les affaires communes fussent bien administrées, chacun d'eux n'était pas moins intéressé à ce qu'une sage prévoyance écartât de l'enceinte des habitations tout ce qui pourrait compromettre la sûreté des citoyens, troubler leur tranquillité, corrompre la salubrité de l'air, et gêner la circulation dans les rues et dans les places publiques.

Le mandat qui confère à un petit nombre l'administration des affaires communes doit donc aussi leur imposer l'obligation de faire jouir les habitants des avantages d'une bonne police, ou, ce qui est la même chose, de maintenir dans l'enceinte des habitations la sûreté, la tranquillité, la propreté, la salubrité.

Mais vainement les corps municipaux prendraient-ils les mesures de police les plus sages; vainement les gens de bien, les hommes raisonnables, se feraient-ils un devoir de s'y conformer,

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