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également étrangères à l'ordre public, à l'intérêt particulier de la commune, à la sûreté des individus, ne peuvent, sous aucun rapport, être envisagées comme des conséquences du droit de faire les règlements de police locale;

Dans ces différents cas, dans tous les cas analogues, il y a recours à l'administration supérieure, qui doit annuler tout ce que ces actes renferment de contraire aux règles d'une sage administration, ou qui excède les bornes naturelles du pouvoir municipal (1).

La règle est donc que l'habitant personnellement lésé par un acte municipal doit l'attaquer, non dans les tribunaux, mais devant l'administration supérieure, et que, s'il y contrevient avant d'en avoir obtenu la réformation, il peut être traduit devant le juge de paix, qui doit le condamner aux peines de simple police, toutefois après avoir reconnu que les officiers municipaux ont statué dans le cercle de leurs attributions.

La Cour de cassation a appliqué ces principes dans une circonstance fort remarquable. L'arrêt est du 23 avril 1819. On en verra l'espèce dans les motifs que nous allons transcrire.

Ouï le rapport de M. Aumont, conseiller, et

(1) V. la note précédente. (F.)

M. Fréteau, avocat général, en ses conclusions; Vu les lois des 24 août 1790, art. 1, 2, 3, § 5,

et 5 du titre XI;

Du 22 juillet 1791, titre Ier, article 46;

Du 16 fructidor an III;

Du 28 pluviôse an vIII, articles 12 et 13; Attendu que la loi du 22 juillet 1794, titre Ier, article 46, § 1er, autorise les corps municipaux à faire des arrêtés, sauf la réformation, s'il y a lieu, par l'administration du département, lorsqu'il s'agira d'ordonner les précautions locales sur les objets confiés à leur vigilance et à leur autorité par les articles 3 et 4, titre XI, de la loi du 24 août 1790, sur l'organisation judiciaire ;

Que cette loi, titre XI, article 3, § 5, place au rang des objets de police confiés à la vigilance et à l'autorité des corps municipaux le soin de prévenir, par les précautions convenables, et celui de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et fléaux calamiteux, tels que les incendies, les épidémies, etc.;

Que la contravention aux arrêtés faits par les maires sur ces objets est punissable des peines de police, d'après les dispositions combinées des articles 5, même titre, de la même loi, et 606 et 607 du Code du 3 brumaire an iv; que la condamnation à ces peines est poursuivie par le ministère

public devant les tribunaux de police, et prononcée par ces tribunaux ; que ces diverses dispositions de lois, relativement aux attributions respectives de l'autorité municipale et des tribunaux de police, n'ont été abrogées par aucune loi postérieure ;

Attendu que, par un arrêté du 21 août 1818, le maire de Bourges voulant, ainsi qu'il le déclare dans le préambule de cet acte, prévenir les incendies très-fréquents dans cette ville, a statué qu'à partir dudit jour « nul propriétaire de maisons » situées dans la ville et les faubourgs en dépen>> dants ne pourra construire ou réparer ses cou>> vertures de bâtiments avec de la paille ou des

>> roseaux ; »

Qu'instruit, par une pétition de plusieurs habitants de la ville, qu'Antoine Le Rasle et sa femme venaient de faire construire un bâtiment dont la couverture devait être en roseaux, le maire de Bourges a pris, le 3 mars dernier, un arrêté par lequel il a fait défense auxdits Le Rasle de continuer ce genre de couverture, et leur a enjoint de la supprimer si elle était construite ;

Qu'il est constant et reconnu que, nonobstant la sommation faite auxdits Le Rasle, en exécution de l'arrêté du 3 mars, la couverture en roseaux a été achevée depuis cette époque ;

Que, cités au tribunal de police pour être condamnés aux peines de droit, à raison de leur contravention, les Le Rasle ont, par application de l'article 159 du Code d'instruction criminelle, été renvoyés de l'action qui leur était intentée ;

Que l'arrêté du 21 août 1818, ordonnant des précautions locales pour prévenir les incendies, rentre évidemment dans le § 5 de l'article 3 du titre XI de la loi du 24 août 1790; qu'étant ainsi fait dans l'ordre légal des fonctions municipales, il est obligatoire pour les habitants du ressort ; qu'en supposant que la disposition qu'il renferme mette des entraves à l'usage légitime du droit de propriété, sans motifs suffisants d'utilité publique, le recours à l'autorité administrative supérieure est ouvert pour le faire réformer ou modifier; mais que, tant qu'il subsiste, le tribunal de police ne peut, sans s'écarter des principes les plus constants sur la démarcation des pouvoirs judiciaires et administratifs, affranchir les citoyens de l'obligation de s'y conformer, et se dispenser de condamner quiconque se permet d'y contrevenir;

Qu'en jugeant que la désobéissance au susdit arrêté ne constituait pas une contravention punissable, le tribunal de police de Bourges a méconnu l'autorité d'un acte légal du pouvoir municipal dont son devoir est d'assurer l'exécution;

qu'il a violé toutes les lois de la matière; et qu'en renvoyant les prévenus de l'action du ministère public, il a fait une fausse application de l'article 159 du Code d'instruction criminelle :

D'après ces motifs, la Cour casse et annule, etc.

CHAPITRE VI.

Du cas où un particulier est traduit devant le juge de paix, pour contravention à un règlement de police municipale, qu'il n'a pas ou qu'il a inutilement attaqué devant l'administration supérieure.

Les fonctions judiciaires sont interdites aux of ficiers municipaux (1). Il est également défendu aux juges de paix de s'immiscer dans l'exercice du pouvoir municipal. Sans aucune supériorité les uns sur les autres, ces fonctionnaires sont réciproquement dans l'indépendance la plus absolue. Cependant, quoique placés sur des lignes si différentes, il existe entre eux un point de contact. Les juges de paix sont obligés de punir les contraventions aux règlements de police municipale,

(1) V. cependant les art. 166 à 171 du Code d'instruction criminelle. (F.)

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