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administration, cette police, exigeaient de l'action et de la surveillance, et les hommes réputés les plus sages en furent chargés. Ces régulateurs, choisis d'abord parmi ceux dont l'âge garantissait la sagesse, ont été successivement connus sous les dénominations d'anciens, de gérontes, d'édiles, de duumvirs, de consuls, d'échevins, de maires, et d'officiers municipaux.

C'est sur cette première assise que les législateurs des nations ont élevé l'édifice social. Cet édifice fut porté à sa hauteur, lorsque plusieurs bourgades s'étant réunies pour former un corps de nation, au-dessus des municipalités particulières fut érigée une municipalité générale, à laquelle on donna le nom de gouvernement.

La réunion de ces petites peuplades en un seul faisceau les plaça dans une position tout-à-fait nouvelle. Chacune d'elles exista tout à la fois comme famille particulière, et comme fraction d'une famille plus considérable: et, sous ce double rapport, elles furent subordonnées à deux régimes bien distincts, la loi municipale et la loi politique.

Le régime municipal était sorti comme de luimême des mœurs, des habitudes, et surtout des besoins des habitants.

L'organisation générale exigeait beaucoup plus

de combinaisons. Il fallait former un tout régulier d'éléments divers et quelquefois discordants ; il fallait régler les relations des différentes municipalités entre elles, et leurs rapports avec l'autorité supé rieure ; en un mot, il fallait constituer un gouvernement, lui donner une forme et des chefs; et le grand art d'organiser les sociétés était encore dans la première enfance. Cependant le problème fut résolu, et d'une manière très-simple.

Les chefs, c'est-à-dire les officiers municipaux des diverses tribus, se réunissent en conseil national. Là, chacun d'eux expose le mode établi dans sa commune, et le régime municipal le plus généralement adopté devient le type du nouveau gouvernement.

Ainsi, lorsque dans la majeure partie des communes, l'administration était concentrée dans la main d'un seul, le gouvernement fut monarchique. La démocratie prévalut lorsque, dans la généralité des bourgades, le pouvoir était disséminé entre tous les individus qui l'exerçaient collectivement et dans des assemblées générales. Le régime aristocratique s'établit dans les contrées où le plus grand nombre des communes était soumis à des conseils composés des plus notables habitants.

De cette manière se sont formées les trois espèces de gouvernements auxquels les publicistes sont

convenus de donner la dénomination de gouvernements simples; du moins, c'est ainsi que l'on peut concevoir que les choses se sont passées dans les pays où la force n'a pas imposé la loi.

De ces notions, si elles sont exactes, il résulte que le régime municipal n'a été ni organisé par des publicistes, ni imposé, comme presque toutes les institutions du moyen-âge, par l'ignorance armée ; mais que cet arbre antique est une production du sol qu'il couvre de ses rameaux, et que c'est spontanément, et poussés par le désir de leur conser– vation, que les hommes se sont réunis sous son ombre tutélaire.

On voit encore que le pouvoir municipal, établi par tous, et dans l'intérêt de tous, est l'ouvrage de ceux-là même auxquels il commande; et que, par conséquent, se refuser à ce qu'il prescrit, ce serait se nuire à soi-même, et que faire ce qu'il ordonne, c'est obéir à sa propre volonté.

On ne peut guère en douter, c'est à cette institution, à cette espèce d'organisation, que nous devons les grands exemples de vertu, de courage et de patriotisme, que les peuples anciens nous ont laissés. Précieux héritage, magnifique succession que les nations modernes semblaient avoir répudiée, mais dont elles commencent à sentir le prix !

Il n'entre pas dans le plan de cet ouvrage d'exposer comment, après un laps de temps plus ou moins long, les monarchies ont dégénéré en despotisme, les aristocraties en oligarchies, les démocraties en turbulentes ochlocraties.

Je dirai seulement que les gouvernements simples, tous bons en eux-mêmes, ont chacun un corrélatif vicieux dans lequel ils tombent nécessairement, par le développement insensible, mais inévitable, des germes d'altération inhérents à leur nature.

C'est ainsi que les monarchies les mieux constituées finissent par se perdre dans le despotisme. Rien de plus simple que l'organisation d'un gouvernement despotique. Un homme veut, et les autres obéissent. Il n'y a point de pouvoir municipal, parce qu'il n'y a dans l'état qu'un scul pouvoir. Si dans les communes, des hommes croient en être les officiers municipaux, ils se trompent; ils ne sont que les agents passifs de la volonté du maître.

Mais dans nos mœurs actuelles le despotisme, comme les orages, n'est plus qu'un fléau passager. L'opinion est plus forte que lui, elle le tue, et en tombant il fait place à un gouvernement régulier.

Alors commence pour la nation une nouvelle

ère, et ses destinées dépendent de celui qui va travailler au grand œuvre de sa régénération.

S'il est digne de cette haute mission, avant de se fixer sur le choix d'un nouveau gouvernement, il recherchera la cause qui a ruiné l'ancien; s'il la voit dans son défaut d'harmonie avec les lumières du siècle, et qu'après avoir interrogé l'opinion, il reconnaisse que le gouvernement représentatif est le plus conforme à l'état actuel de la civilisation, il l'adoptera franchement, et toutes ses conséquences.

Avec de la bonne foi, ces conséquences ne lui échapperont pas. La plus légère réflexion lui fera sentir que le principe vital du gouvernement représentatif est que tous les intérêts, ceux des communes et des départements, comme ceux de la nation elle-même, soient représentés.

Supposons donc une organisation dans laquelle les intérêts généraux seraient seuls représentés, dans laquelle l'administration secondaire serait exclusivement confiée aux agents du pouvoir, à des hommes presque partout également étrangers aux individus et aux affaires des communes; n'estil pas évident que, dans un pareil état de choses, au lieu d'un gouvernement représentatif que l'on croirait avoir, on n'aurait, dans la réalité, qu'un assemblage bizarre d'institutions disparates, qu'un

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