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les réglements de police, comme dans les actes des administrateurs; mais dans les uns il n'est qu'effrayant, dans les autres il serait insupportable. La raison de cette différence est que l'application des réglements de police étant confiée aux tribunaux, la sage lenteur des formes judiciaires laisse toujours aux parties lésées le temps de déférer à l'autorité supérieure les actes dont elles croiraient avoir à se plaindre, et que les administrateurs, cumulant le droit de délibérer et celui d'exécuter eux-mêmes leurs délibérations, ont, par la force des choses, le pouvoir d'appliquer tyranniquement des mesures qui seraient tyranniques.

Enfin, à l'exception de cette surveillance dont nous avons parlé dans les chapitres précédents, où finissent les fonctions propres au pouvoir municipal, là s'ouvre la carrière administrative; là seulement commence pour l'administration le droit d'agir directement. Cela n'est susceptible d'aucune difficulté.

En effet, il est impossible que le même acte soit simultanément soumis à l'action immédiate de deux autorités distinctes, et surtout de nature différente. Autrement les rouages de la machine politique, dans un choc continuel, finiraient par se briser, et la désorganisation du corps social en serait la suite inévitable.

Ainsi la nature des choses repousse l'intervention immédiate de l'administration publique, soit dans les mesures qui ont pour objet de maintenir la propreté, la salubrité, la sûreté, la tranquillité dans l'intérieur des communes, soit dans les actes relatifs à la régie des biens communaux (1).

Cette régie embrasse l'exploitation des terres communales, les baux à ferme de ces mêmes terres, le règlement des pâturages communs, la conservation et la distribution des bois qui appartiennent à la communauté, l'entretien et les réparations des édifices publics.

Il n'y a rien dans tout cela qui excède les bornes d'une simple administration, rien qu'un mineur émancipé ne puisse faire; et si les communes sont toujours mineures, ce sont au moins des mineures émancipées.

D'ailleurs, qui mieux que les officiers municipaux peut veiller à la conservation des bois ? qui peut régler avec plus d'exactitude les droits qui appartiennent à chaque habitant dans les usages communs? qui peut entretenir et réparer avec plus de soin les édifices publics? enfin, qui connaît

(1) V. l'application de ce principe dans la loi du 18 juillet 1837, art. 10, 11, 17, 18. (Appendice.) (F.)

mieux la nature du sol, le genre d'exploitation qui lui convient, et les produits dont il est susceptible?

Des motifs semblables et non moins décisifs se réunissent pour concentrer l'exercice de la police municipale dans la main des officiers municipaux. En effet, personne ne peut avoir des notions plus exactes sur l'esprit général de la commune, sur le caractère des habitants, sur les éléments de discorde qui peuvent exister entre eux. Personne n'est plus à même de distinguer l'habitant paisible de celui dont les habitudes turbulentes sont de nature à compromettre la tranquillité publique; seuls, ils ont les données nécessaires pour juger quelles sont les mesures de répression qui conviennent le mieux aux circonstances du moment. Enfin, s'il se forme des réunions, comme ils connaissent les intentions et les vues de ceux qui les composent, ils ne se trompent ni sur celles qu'il faut défendre, ni sur les temps et les lieux où elles peuvent être tolérées.

Aussi voyons-nous que c'est au pouvoir municipal, et à ce pouvoir seul, que la loi confie le soin de régler la police intérieure des communes. Cette loi est du 14 décembre 1789, dont l'art. 50 dit en termes formels que les fonctions propres au pouvoir municipal sont de faire jouir les habitants

des avantages d'une bonne police. Le législateur ne pouvait pas s'exprimer avec plus d'énergie. Ces fonctions sont propres au pouvoir municipal, c'est-à-dire qu'elles sont de son essence, et qu'elles dérivent de sa nature; ce qui nous conduit nécessairement à cette conséquence, que la police immédiate des communes appartient aux officiers municipaux à l'exclusion de tous les autres fonctionnaires.

Je n'ignore pas que dans plus d'un département, les préfets, par un zèle louable sans doute, mais peu éclairé, se permettent quelquefois de régler eux-mêmes la police intérieure des communes: c'est substituer le pouvoir administratif au pouvoir municipal; et cette invasion dans le domaine des municipalités, outre les inconvénients qu'elle partage avec toutes les usurpations de cette espèce, en a qui lui sont particuliers.

D'abord, en s'emparant ainsi des fonctions municipales, le préfet se subroge à des hommes qui, n'eussent-ils sur lui d'autre avantage que de vivre au milieu des habitants, en connaissent mieux le caractère, l'esprit, et les besoins, qu'il ne pourra jamais le faire.

En second lieu, humiliés par cette initiative prise sur eux, les officiers municipaux s'en vengeront en déversant, d'une manière plus ou moins directe,

le mépris sur le règlement qu'ils ont reçu de la préfecture; et le mépris des actes administratifs ne manque jamais de déconsidérer les administra

teurs.

Troisièmement, entraînés par l'exemple de leur supérieur, ces mêmes officiers municipaux s'accoutument à méconnaître, comme lui, les bornes de leur compétence, et finissent par user envers leurs administrés de l'arbitraire que l'on fait peser

sur eux.

Il en serait autrement si des circonstances particulières, telles qu'une maladie épidémique sur les hommes ou sur les bestiaux, exigeaient un règlement général, un règlement qui étendit son influence sur plusieurs communes. On sent qu'une mesure de cette espèce ne pourrait être prise que par le préfet ; mais, dans ce cas, il agirait, non en vertu du pouvoir municipal, qu'il ne peut jamais exercer, puisqu'il n'en est pas investi, mais en sa qualité d'administrateur, et comme agent du pouvoir exécutif, auquel seul il appartient de faire les règlements qui concernent l'ordre public et la sûreté générale.

Il arrive souvent que les officiers municipaux, avant de faire publier leurs délibérations, les soumettent à l'approbation du préfet. Quel peut être l'effet de cette approbation? ajoute-t-elle à l'auto

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