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Par acte d'adjudication du 10 décembre 1814, fait par l'un des adjoints de la municipalité de Rouen, Lecardé prit à titre de ferme, pour six années, qui durent commencer le 1er janvier 1815, la perception des droits d'étalage dans les halles aux toiles et aux cotons de ladite ville. Le prix de ferme annuelle fut porté à 45,000 fr.

Le prix de chaque place dans la halle aux toiles fut fixé par année, à 24 francs par chaque mètre de longueur; et pour la halle aux cotons, il fut porté à 12 francs par an, et pour chaque mètre.

sous

Il fut fait défense à Lecardé de percevoir des marchands de plus fortes contributions peine d'être considéré comme concussionnaire, et d'être traduit devant les autorités compétentes.

On lui défendit d'exiger des marchands aucune somme pour le dépôt, dans les halles, des marchandises qui y seraient laissées d'un marché à l'autre.

Et on lui imposa diverses obligations, notamment 1° de tenir les halles ouvertes les jeudi et vendredi de chaque semaine, aux heures indiquées; 2o de veiller à ce que personne, autre que les forains, ne pût s'introduire par le petit escalier; 3° d'éclairer à ses frais les halles et les escaliers, les vendredi soir et jeudi matin; 4o de veiller en bon père de famille à la conservation des

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marchandises qui seraient laissées dans les halles d'un marché à l'autre, de n'y laisser entrer ni feu, ni mendiants, etc.

On le chargea encore de rembourser au fermier sortant la valeur estimative des bancs mobiles et petits magasins qu'il avait fait construire à ses frais, pour le service de la halle aux cotons, sauf à Lecardé à user de la même faculté lors de sa sortie; et, en conséquence de cette clause, Lecardé a remboursé à ses prédécesseurs une somme de dixneuf cents et quelques francs pour cet objet, et, par ce moyen, il est devenu propriétaire desdits bancs mobiles et magasins.

Enfin, il fut dit dans le bail que tout marchand qui, n'ayant point de place dans les halles, voudrait Y vendre à bras, paierait au fermier le même prix déterminé pour chaque mètre de longueur, et que toutes difficultés qui pourraient s'élever dans l'interprétation ou l'exécution dudit bail seraient portées devant le maire, pour être par lui décidées administrativement, et ses décisions exécutées provisoirement, sauf le recours de droit et sans y préjudicier.

Ce bail à ferme fut approuvé par le préfet du département.

Il faut observer qu'avant cette dernière adjudication, les droits de hallage se percevaient sur

chaque pièce de toile, à la sortie de la halle. Lecardé, voulant prévenir les marchands forains du changement dans le mode de perception, fit imprimer et afficher dans la halle, de l'approbation du maire, des placards indiquant qu'à commencer du 1er janvier 1815, les droits de hallage seraient perçus à raison de 24 francs par an, et par place d'un mètre de longueur.

Il paraît que les marchands forains fréquentant les halles de Rouen, désiraient qu'il fût pris de nouvelles mesures, telles qu'ils ne pussent avoir aucune inquiétude sur la sûreté des marchandises qu'ils étaient obligés de laisser dans la halle d'un marché à l'autre en conséquence, ils engagèrent Lecardé à faire éclairer la halle aux toiles toutes les nuits de l'année, et à la faire veiller chaque nuit par des hommes armés ; et ils promirent de l'indemniser de ces nouveaux tarifs.

Lecardé accepta ces propositions faites par plus de six cents fabricants, avec la plupart desquels il passa des baux à loyer, sur le pied de 40 francs par chaque mètre de longueur, après avoir calculé, dit-il, que le taux des nouveaux frais qu'il était obligé de faire s'élevait à près de 16 francs par chaque place.

Ces conventions furent réciproquement exécutées pendant quelques mois ; mais ensuite plusieurs fa

bricants s'appuyant des conditions du bail fait à Lecardé, se refusèrent au paiement de leur location sur le pied de 40 francs par mètre, lorsque le bail de Lecardé en fixait le prix à 24 francs seulement.

Lecardé traduisit ces refusants devant la justice de paix, où ils furent condamnés, conformément à leurs propres conventions: ces jugements, dit Lecardé, ont été exécutés.

Bientôt après, vingt-huit à trente fabricants, parmi lesquels on voit figurer plusieurs de ceux qui avaient été déjà condamnés en justice de paix, adressèrent au procureur du roi près le tribunal de Rouen, un mémoire par lequel, après avoir rappelé les principales conditions du bail fait à Lecardé, notamment la fixation du prix de chaque place d'un mètre à 24 francs dans la halle aux toiles, et à 12 francs dans la halle aux cotons, et la défense expresse d'excéder les prix, sous peine de concussion, ils dénoncèrent ledit Lecardé comme ayant abusé de leur bonne foi, et ayant employé vis-à-vis d'eux la surprise et même la violence pour leur faire souscrire des baux à des prix beaucoup plus élevés que ceux que déterminait son bail, comme ayant exigé d'eux des prix excessifs, et s'étant ainsi rendu coupable de concussion.

Après une instruction préliminaire, Lecarde

fut renvoyé devant le tribunal correctionnel de Rouen.

Il établit sa défense sur les faits ci-dessus rappelés, sur d'autres encore, particuliers à la halle aux cotons; il s'appuya sur les propositions à lui faites par les fabricants pour la plus grande sûreté de leurs marchandises, et sur les conventions réciproques qui avaient été la suite de ces propositions; conventions qu'il soutint avoir été faites de bonne foi, librement et volontairement, entre les

contractants.

Et il dit que, s'il s'agissait d'examiner et de juger si ces conventions étaient permises ou interdites par son bail, ou si elles en violaient ou non les clauses et conditions, il n'appartenait qu'à l'autorité administrative de décider ces questions, parce qu'elle seule était compétente, d'après les lois sur ces attributions, pour expliquer et interpréter, au besoin, le bail qui était émané d'elle.

Que si, au contraire, ces conventions étaient étrangères audit bail, et indépendantes de ses clauses et conditions, les questions qui en dérivaient rentraient dans le droit commun, et qu'elles devaient être jugées par les tribunaux civils.

Le tribunal correctionnel de Rouen n'eut point égard à cette défense de Lecardé; ce tribunal pensa qu'il avait exigé des sommes excédant les

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