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» fut fortement compromise. Ils eurent moins de poignards à craindre et plus de chaînes à porter.

» Cependant cette police, quoique très-supérieure » à celle des règnes précédens, n'avait pas encore at» teint le degré de perfection où elle est arrivée de

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puis: elle ne faisait pas, je crois, usage d'Agens PRO

»VOCATEURS. »

BERTIN DE BELLISLE

(HENRI -LÉONARD-JEAN-BAPTISTE), comte de Bourdeilles, seigneur de Brantôme, premier baron de Périgord.

Ce Bertin, à seigneuries si pompeuses, ne paraît pas avoir été jugé digne de figurer dans ces recueils nommés Biographies, où toutes les célébrités sont ordinairement réunies, car aucune ne parle de lui.

On sait cependant qu'il avait été intendant du Roussillon, conseiller honoraire au grand conseil (1), et qu'il était maître des requêtes (2) quand on l'appela à diriger la police de Paris, le 16 octobre 1757; qu'il l'administra jusqu'au mois d'octobre 1759; qu'il fut alors nommé contrôleur-général des finances; que le gouvernement le décora du titre de ministre d'état en 1762, et qu'il se démit des finances en 1763; qu'il fut secrétaire d'état sans département, et se démit de cette secrétairerie le 28 mai 1780.

(1) Depuis le 7 juin 1741.
(2) Depuis le 30 avril 1745,

C'est peut-être faire l'éloge de Bertin de dire qu'il a passé inaperçu au milieu de cette foule d'historiens, d'annalistes et de biographes, intéressés toujours à s'emparer des hommes qui ont le courage d'occuper d'eux la malencontreuse renommée.

CROSNE

(LOUIS-THIROUX de).

Voltaire, Gresset, Sainte-Palaye, Turgot, Malesherbes, Monthion, Macquer, Jussieu, Valmont de Bomare, Fourcroy, Sage, Ameilhon et quelques autres hommes non moins célèbres ou non moins recommandables, avaient eu des rapports avec la présidente Thiroux-d'Arconville, ou avaient vécu dans sa société. Cette dame, fille d'un fermier-général, mariée à quatorze ans, auteur de plusieurs ouvrages d'histoire, de métaphysique et de médecine, et de quelques romans estimés, inspira de bonne heure à son fils, Louis Thiroux de Crosne, le goût de l'étude et l'amour du travail, le livrant sans cesse aux conseils des savans qu'elle avait jugés dignes de son amitié.

Le jeune Thiroux, né à Paris, le 14 juillet 1736, profita des bons exemples qu'il avait constamment sous les yeux, et devint promptement avocat du roi au Châtelet, conseiller au parlement et maître des requêtes.

C'est en cette dernière qualité qu'il eut, à l'âge de

vingt-sept ans, la première occasion de se faire remarquer, ayant été choisi par le chancelier Maupeou pour la révision du fameux arrêt que le parlement de Toulouse avait rendu contre la famille Calas. A ce sujet, Voltaire a dit, Traité sur la Tolérance, édit. de 1762, p. 205: Nous apprenons que le 7 mars 1763, tout le conseil-d'état assemblé à Versailles, les ministres d'état y assistant, le chancelier y présidant, M. de Crosne, maître des requêtes, rapporta l'affaire des Calas avec l'impartialité d'un juge, l'exactitude d'un homme parfaitement instruit, et l'éloquence simple et vraie d'un orateur homme d'état, la seule qui convienne dans une telle assemblée. Une foule prodigieuse de personnes de tout rang, attendait dans les galeries du château la décision du conseil. On annonça bientôt au roi que toutes les voix, sans en excepter une, avaient ordonné que le parlement de Toulouse enverrait au conseil les pièces du procès, et les motifs de son arrêt, qui avait fait expirer Jean Calas sur la roue; S. M. approuva le jugement du conseil. »

En 1767, le gouvernement le nomma adjoint à l'intendance de Rouen, puis, quelques mois après, intendant en exercice.

Dire qu'il apporta dans ses nouvelles fonctions du zèle, de l'activité et des lumières, c'est répéter l'éloge que les Rouennais se plaisaient à faire de lui dans toutes les occasions qui pouvaient se pré

senter.

La Normandie n'a point encore oublié qu'elle lui.

doit différens établissemens, « et la ville de Rouen en particulier, la belle avenue qui fait partie du chemin du Havre, les casernes, l'esplanade du Champde-Mars, le transport du magasin à poudre hors des murs, enfin un local commode pour les foires, qui obstruaient auparavant le passage des quais. Ce magistrat et sa femme, née La Michodière, étaient extrêmement aimés dans cette ville, où ils avaient aussi à calmer les haines de l'ancien parlement et le parlement Maupeou. Les manières très-simples, bourgeoises même, de madame de Crosne, plaisaient infiniment au commerce de toutes les classes. »

Depuis huit ans déjà, M. de Crosne administrait l'intendance de la Normandie, lorsqu'il fut appelé à diriger celle de la Lorraine, mais sans abandonner la première. Il les conserva toutes deux jusqu'au 11 août 1785, époque à laquelle il revint à Paris y prendre la lieutenance générale de police de cette ville (1).

(1) Il paraît que les de Crosne descendent d'un nommé Thiroux, barbier, et que le noble intendant de Rouen n'avait pas que des amis dans cette ville. Voici l'épigramme qu'on placarda un jour sur sa porte:

L'autre jour Thyroux de Crosne,
De sa noblesse qu'il prône,
Cherchait les titres précieux :
Une enseigne assez mal dorée,
De deux bassins blancs décorée,
Vint aussitôt frapper ses yeux.
Des services de ses grands-pères
Ce respectable monument

« Il porta dans cette grande administration, si difficile et si délicate, les mêmes bonnes intentions, les mêmes moyens. Paris lui est redevable de la destruction du cimetière des Innocens, situé au centre de la capitale, et dans lequel, depuis Philippe-le-Bel, on enterrait plus de trois mille cadavres par an. Il s'en exhalait des vapeurs méphytiques tellement actives, qu'elles corrompaient les alimens liquides dans les maisons voisines, et empoisonnaient l'atmosphère, en raison du peu de profondeur des fosses, et de l'obligation où l'on était de déloger les ossemens, à mesure qu'il fallait faire place pour de nouvelles sépultures. Ces ossemens étaient déposés ensuite dans des soubassemens, tout autour d'une vaste enceinte, derrière des grilles de fer, où l'on

Lui fit voir, en gros caractères :
CEANS L'ON RASE PROPREMENT.

On lit, dans une conversation du roi (Louis XVI) avec un de ses favoris, sur les intendans des provinces, imprimée quelques années avant l'assemblée des notables : « De Crosne à Rouen? — C'est un bredouilleur, plat et ennuyeux personnage, qui a fait sa réputation par le rapport de l'infortuné Calas, dont le chargea Choiseul... Il pourra se soutenir à la police de la capitale, tant que la multitude ne formera point d'insurrec tion, et qu'elle aura du pain, de la viande et du bois en abondance, et à meilleur marché qu'ils ne sont présentement; mais je doute fort qu'il acquière jamais assez de talent pour devenir ministre, quoiqu'il ait épousé la fille de la Michodière, et qu'il soit abhorré du parlement de Rouen, où il est conspué.

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