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la liberté. Il en usa sur-le-champ pour aller trouver M. de Noailles, qui, nommé commissaire du roi dans la dix-neuvième division militaire, le fit son secrétaire intime, et l'emmena avec lui.

Déjà s'agitaient à Lyon les membres de la vieille société de Jésus, que des vues de rétablissement ramenaient en France à la suite de l'ennemi. Ils cherchaient à conquérir la bienveillance du commissaire extraordinaire; aussi le secrétaire, qui avait des antécédens propres à les rassurer, fut-il flatté, fêté, recherché par leurs révérences.

Fondant ses espérances nouvelles sur leurs projets, vastes et savamment combinés, le dévouement le plus absolu à ces pères devint incontinent un de ses devoirs.

Fier, fort de leur appui, et recommandé d'ailleurs par M. de Noailles au marquis d'Herbouville, nommé directeur général des postes, M. Franchet eut l'adresse de se faire attacher à cette administration et de s'y faire confier un bureau.

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Il est vrai que le marquis d'Herbouville, qui arriva, sans avoir fait la guerre, et en passant par tous les grades, à celui de lieutenant- général, avait besoin de ramener l'esprit des Lyonnais, qu'il s'était aliéné par une conduite excessivement rigoureuse pendant ses fonctions de préfet du Rhône.

Les liaisons de M. Franchet avec messieurs de Jésus, et son affiliation à la Société pour le soulagement des prisonniers, l'avaient fait connaître du feu duc Mathieu de Montmorency et de M. de Corbière.

Lorsque, en 1821, le ministère Pasquier et de Serre fut obligé de céder la place au ministère Montmorency, Corbière, Peyronnet, Villèle et ClermontTonnerre, la manne tomba du ciel pour M. Franchet: le duc de Montmorency ou le futur comte Corbière, et tous deux peut-être en firent un directeur de la police du royaume, qui s'arrogea ensuite le titre de directeur-général, et prit le nom de FranchetDesperey. Ce nom de guerre lui vient-il de sa femme, mademoiselle Sainte-Luce, fille d'un sellier? je l'ignore. Il serait possible que son père possédât quelque coin de champ dans un lieu ainsi nommé; et si ma mémoire m'est fidèle, il me semble qu'il y a un village ainsi appelé, ou à peu près, sur les bords du Rhône, je ne sais de quel côté.

Depuis, M. Franchet a été nominé conseiller d'État, récompense singulière, mais enfin récompense de ses importans services (1).

Compris, il y a quelques mois, dans le renvoi des hauts fonctionnaires de l'État, contre lesquels la France entière élevait sa voix puissante, ce directeur de police avait obtenu pour retraite la recette générale du Rhône; mais M. Roy s'étant refusé à contre signer l'ordonnance de sa nomination, il se trouve aujourd'hui réduit à solliciter la recette de la Nièvre il est commandant de la Légion-d'Honneur!

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(1) Une ordonnance royale vient de le placer en service extraordinaire.

Un malheur ne venant jamais seul, ses amis ont été chassés du royaume, et la Gazette universelle de Lyon, l'enfant chéri de sa faveur, a cessé de vivre, à la grande satisfaction du Journal du Commerce, qui dit, en rendant compte de cet événement : « Le Père Duchêne est mort avec Robespierre, la Gazette devait tomber avec Franchet et Delavau. »

Je ne rappellerai point ici les nombreux actes arbitraires et la conduite anti-française de ce directeur de police, ni l'instruction menaçante que la justice dirigeait enfin contre lui: nos yeux, nos cœurs en sont encore frappés. Je me bornerai à exprimer le regret que la cour royale n'ait pu satisfaire au désir du pays par une punition que le peuple cût considérée comme nationale, et qui eût attiré à cette cour la plus honorable reconnaissance.

M. Franchet, doué de ce jugement rusé qu'on prête ordinairement aux gens de la campagne, est un homme d'un esprit sans culture, épais, étroit et tracassier; d'un caractère entier et difficile ; d'une volonté ferme et absolue. On dit qu'il sait un peu de botanique et de musique : tant mieux pour lui; il pourra employer ces petits talens à diminuer quelquefois ses pénibles ennuis et ses remords cui

sans.

Je voulais d'abord passer sous silence les deux faits suivans; mais je me décide à les rapporter, parce que le premier peut servir à détromper ceux de ses amis qui seraient disposés à lui supposer un cœur reconnaissant, et que l'autre l'empêchera, si

l'envie lui en prenait, de se faire passer comme appartenant à une famille de martyrs du royalisme.

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Le comte Alexis de Noailles lui a été utile, et, contestablement, lui a fait du bien : possesseur de la direction de la police, M. Franchet n'a plus voulu le voir, parce que cet ancien patron s'était plusieurs fois refusé à entrer dans la congrégation.

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Une personne de ma connaissance a dans ses mains une pièce signée d'un très grand nombre d'habitans de Lyon et des environs, parmi lesquels se trouve M. Franchet père. Cette pièce, adressée aux autorités, est une déclaration par laquelle les signataires font connaître qu'ils adhèrent de cœur à la fête anniversaire du 21 janvier.

M. Franchet souhaitait un état de ses services: je le lui donne.

MOUNIER

(CLAUDE-ÉDOUARD-PHILIPPE), baron.

Serment du Jeu de Paume: « Nous jurons de ne jamais nous séparer de l'Assemblée nationale, et de

» nous réunir partout où les circonstances l'exigeront jusqu'à ce que la constitution du royaume soit éta» blie sur des fondemens solides. »

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Droits de l'Homme : « Art. 1er. Les hommes nais» sent et demeurent libres et égaux en droits. Les dis> tinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.

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» Art. 2. Le but de toute association politique est » la conservation des droits naturels et imprescripti»bles de l'homme; ces droits sont la liberté, les propriétés, la sûreté et la résistance à l'oppression.

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Art. 3. Le principe de toute souveraineté réside >> essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément. »

L'auteur de ce serment fameux et de cette célèbre déclaration des droits, Jean-Joseph Mounier, secrétaire des États provinciaux du Dauphiné, donna naissance à Claude-Édouard-Philippe Mounier, qui fait le sujet de cette notice.

On voit que M. le baron Mounier naquit, pour ainsi dire, au sein même de principes qui devraient régir le monde.

Il reçut la vie à Grenoble, en 1784. Lorsque son père quitta la France, à la fin de 1789, pour se rendre à Genève, puis en Allemagne, il l'emmena avec lui, et le ramena en France, à son retour, après les événemens du 18 brumaire.

L'élévation du père devait tout naturellement servir à celle du fils: Napoléon en fit, au mois de février 1806 (1) un auditeur au conseil-d'État, en 1809 un secrétaire du cabinet (2), en 1810 un maî

(1) A la fin du mois de janvier de cette année, Napoléon daigna lui exprimer des regrets sur la mort de son père.

(2) Comme secrétaire du cabinet, M. Mounier était chargé de la traduction des gazettes étrangères, travail pour lequel il

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