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cès du roi, Lefèvre, Chaisson, Jary, Coussard, votèrent pour la réclusion, Méaulle, Villers et Fouché pour la mort, sans appel et sans sursis.

Voici comment il s'exprima sur la question de l'appel au peuple : « Je ne m'attendais pas à énoncer à cette tribune d'autre opinion contre le tyran que son arrêt de mort... Il semble que nous sommes effrayés du courage avec lequel nous avons aboli la royauté nous chancelons devant l'ombre d'un roi... Sachons prendre enfin une attitude républicaine ; sachons nous servir du grand pouvoir dont la nation nous a investis; sachons faire notre devoir en entier, et nous sommes assez forts pour soumettre toutes les puissances et tous les événemens. Le temps est pour nous contre tous les rois de la terre. Nous portons au fond de nos cœurs un sentiment qui ne peut se communiquer aux différens peuples sans les rendre nos amis, et sans les faire combattre avec nous, pour nous et contre eux. »

A l'époque de ce procès mémorable, Fouché appartenait à la faction influente de Danton, qui méprisait les richesses et se gorgeait d'or à la faveur de la désorganisation sociale, des massacres et des proscriptions.

Le premier décret que Fouché fit rendre est du 14 mars 1793; il eut pour objet la recherche des biens des émigrés.

Dédaignant bientôt les travaux souvent inutiles de la tribune, où d'ailleurs il restait toujours au

dessous du grand nombre de ses collègues, il se fit envoyer en mision dans le département de l'Aube, puis dans celui de la Nièvre. Si l'on veut savoir cominent il remplit ses pouvoirs, qu'on lise la lettre suivante, écrite, le 29 septembre 1793, au Moniteur par le célèbre Anaxagoras Chaumette :

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Citoyen, la plupart des journaux n'ayant pas rendu exactement le récit du voyage que je viens de faire, je vous prie d'y suppléer. La vérité me presse, et je dois la proclamer: on m'a donné tous les honneurs du bien qui s'est opéré dans mon pays natal, tandis que j'en ai nommé les auteurs; et j'avoue que le peu de bien que j'ai pu faire dans ma vie n'égalera jamais celui qu'ont fait, dans le département de la Nièvre, le représentant du peuple Fouché de Nartes, et les sans-culottes de la société populaire de Nevers. J'ai indiqué quelque bien à Fouché, et le bien a été fait; mais ce pays de la Nièvre était déjà régénéré par ses soins paternels. Entouré de fédéralistes, de royalistes, de fanatiques, le représentant du peuple n'avait pour conseils que trois ou quatre patriotes persécutés; et avec ce faible secours, il a opéré les miracles dont j'ai parlé. Vieillesse honoréc, infirmité secourue, malheur respecté, fanatisme détruit, fédéralisme anéanti, fabrication du fer en activité, gens suspects arrêtés, crimes exemplairement punis, accapareurs poursuivis, incarcérés, tel est le sommaire des travaux du représentant du peuple Fouché voilà ce que les journaux ont oublié de

dire, et que je dois publier hautement. Quant al bien que j'ai pu faire par moi-même, mes concitoyens le diront: ce n'est pas là mon affaire. »

Chaumette méritait d'être l'ami de Fouché, et le fut en effet, du moins jusqu'au moment où il subit le saint martyre de la guillotine. Car l'occasion s'étant présentée ensuite d'en parler aux Jacobins (1), l'ingrat Fouché, fidèle à son système d'adulation envers le plus fort, le désigna comme un scélérat, un conspirateur, dont l'ombre planait encore sur Nevers; ce qui lui mérita cette vive répartie de Robespierre: « Il ne s'agit pas à présent de jeter de la boue sur la tombe de Chaumette, lorsque ce monstre a péri sur l'échafaud : il fallait lui livrer combat avant

sa mort. »

Les actes de Fouché ajoutent à l'éloge de son ami Chaumette. Voici le texte de son décret du 17 octobre 1793:

• Considérant que le peuple français ne peut reconnaître d'autre culte que celui de la morale universelle; d'autre dogme que celui de sa souveraineté et de sa toute-puissance, etc.; toutes les enseignes religieuses qui se trouvent sur les routes, sur les places, et généralement dans les lieux publics, seront anéanties; tous les citoyens morts, de quelque secte qu'ils soient, seront conduits, vingt-quatre heures

(1) Le 11 juin 1794, à propos d'une députation de la societé populaire de Nevers.

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après le décès, et quarante-huit, en cas de mort subite, au lieu destiné pour la sépulture commune, couverts d'un voile funèbre, sur lequel sera peint le sommeil; le lieu commun où leurs cendres reposeront, sera isolé de toute habitation, planté d'arbres, sous l'ombre desquels s'élèvera une statue représentant le sommeil. Tous les autres signes seront détruits; et on lira sur la porte de ce champ, consacré par un respect religieux aux mânes des morts, cette inscription : La mort est un sommeil éternel (1). »

On trouve dans les procès-verbaux de la Convention, à une date rapprochée de quelques jours de ce décret :

« Fouché de Nantes, représentant du peuple dans le département de la Nièvre, envoie à lá Convention 1091 pièces en or et argent provenant des dépouilles des églises.»

Il fit plusieurs envois de cette nature à la Convention. Je ne rapporterai, des lettres dont il accempagnait ses envois, que celle du 1er novembre 1793:

Citoyens collègues, je vous envoie dix-sept malles remplies d'or, d'argent, et d'argenterie de toute espèce, provenant de la dépouille des églises, des châteaux, et aussi des dons des Sans-Culottes. Vous

(1) On a remarqué que ces mesures de Fouché ont été ordonnées plusieurs semaines avant que lá Convention en corps se fût rendue au Temple de la Raison, et avant que la commune de Paris eût aboli toute pratique extérieure des cérémonies religieuses.

verrez avec plaisir, deux belles crosses d'argent doré, et une couronne ducale en vermeil. L'or et l'argent ont fait plus de mal à la république que le fer et le feu des féroces Autrichiens et des lâches Anglais. Je ne sais par quelle imbécile complaisance on laisse encore ces métaux entre les mains des hommes suspects. Ne voit-on pas que c'est laisser un dernier espoir à la malveillance et à la cupidité? Avilissons l'or et l'argent; traînons dans la boue ces dieux de la nionarchie, si nous voulons faire adorer les dieux de la république, et établir le culte des vertus austères de la liberté. Vive la Montagne! vive la Convention nationale. Je vous ferai dans peu un troisième envoi. Vive la République !

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Le comité de salut public jugea que le département de la Nièvre était suffisamment exploré. Il appela Fouché à des fonctions plus graves, en l'adjoignant à Collot-d'Herbois pour une mission commune à Lyon. Le comité comptait beaucoup sur ces «< deux représentans, dont les mains fermes et vigoureuses appuieraient l'exécution des lois. »

Mais Fouché tenait singulièrement au département de la Nièvre, qu'il avait régénéré avec tant de bonheur pour lui, et il refusa d'abord l'honneur qu'on voulait lui faire. L'insistance du comité le menaçant d'une disgrâce, il se décida ensuite à accepter.

Quels sont les premiers exploits des nouveaux représentans du peuple dans Commune-Affranchie? Ils recueillent religieusement les restes précieux de

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