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connu, on ne saurait où trouver l'auteur. On demande le nom d'un libraire ou imprimeur, parce que c'est un homme, un répondant que l'on sait où trouver; mais il n'est pas censeur, il ne répond que d'une chose, c'est d'avoir entre les mains le manuscrit de l'auteur, et de pouvoir l'indiquer.

La Vilie avait fait apposer le scellé chez M. Berthier; c'était à elle à le lever. M. Necker m'écrivit aujourd'hui pour observer qu'il était convenable que ce scellé, mis sur des papiers d'administration, fût levé en présence d'un commissaire du roi; il ajouta qu'il me priait de faire moi-même le choix de ce commissaire, afin que l'on pût être sûr qu'il fût agréable à la Ville. Il ajouta encore que, sans autre nomination, sa lettre servirait d'autorisation à ce commissaire pour se présenter, au nom du roi, au scellé. Cette forme n'était pas bien en règle. Je pensai à M. de Rumart, maître des requêtes, que je connaissais. Il me répondit qu'il accepterait volontiers, mais qu'il croyait plus dans l'ordre qu'il fût nommé directement. Je le désignai en effet à M. Necker, et il fut nommé.

Ce jour le roi appela MM. l'archevêque de Bordeaux (1), de Vienne (2), et de La Tour-du-Pin, tous trois députés, aux sceaux, à la feuille des bénéfices et au département de la guerre, et M. le maréchal de Bauveau au conseil.

(1) M. de Cicé.

(2) M. Le Franc de Pompignan.

Ce jour et la nuit suivante sont remarquables. dans l'histoire de l'Assemblée nationale; c'est l'époque d'une révolution, d'abord par la déclaration des droits de l'homme qui fut décrétée dans le jour (1), et par l'abandon d'une infinité de droits civils ou de priviléges qui furent arrêtés et proposés dans la nuit. D'abord la déclaration des droits avait un grand nombre de partisans et quelques adversaires : tous avaient raison, et elle était à la fois nécessaire et dangereuse; nécessaire pour marcher suivant l'ordre des idées politiques; dangereuse pour le peuple, qui se méprend facile

(1) Ce fut le 14 juillet, dans la séance permanente de l'Assemblée nationale, que M. de La Fayette, qui la présidait, proposa, pour la première fois, une déclaration des droits de l'homme et du citoyen, devenue célèbre, et qui servit de type à toutes celles que nous avons vues depuis. Alors, l'Assemblée décréta en principe que la constitution renfermerait une déclaration des droits de l'homme. Le 1er août, la discussion de cette importante question politique fut reprise, et l'on s'occupa de décider si la déclaration précéderait ou suivrait la constitution. Divers orateurs furent entendus. Parmi les questions incidentes qui furent soulevées, on distingua la proposition de M. Grégoire, tendant à joindre à la déclaration des droits celle des devoirs, proposition qui fut rejetée en raison des difficultés d'exécution qu'elle présentait. Le 4 août, l'Assemblée arrêta qu'une déclaration des droits de l'homme et du citoyen serait placée en tête de l'acte constitutionnel. Quant à celle que nous trouvons en tête de la constitution de 1791, composée du mélange des différens projets présentés successivement par une foule de membres de l'Assemblée, et surtout par MM. de La Fayette, Sieyes et Mounier, elle fut adoptée le 27 août suivant.

(Note des nouv. édit.)

ment, et qui ne sait pas qu'il n'y a point de droits sans devoirs; que pour jouir des uns, il faut se soumettre aux autres. Il en devait naître une infinité de prétentions, avant que les lois fussent faites pour les régler, et puis l'abus que les méchans, les séditieux en feraient sans cesse pour substituer la licence à la liberté, et tout ce que l'expérience a fait voir depuis. Cependant on ne peut disconvenir que, si les droits de l'homme n'avaient pas été oubliés ou méconnus, il n'y aurait pas eu de révolution; le premier ouvrage de cette révolution devait donc être la déclaration des droits, le premier pas des législateurs de les reconnaître et de les proclaner; en même temps ces droits sont la base de la constitution, c'est le fil qu'on ne doit jamais quitter dans la législation. Il fallait donc commencer l'édifice par la base, et remettre dans les mains des législateurs le fil qui doit les guider. On avait proposé de ne faire la déclaration des droits qu'après la constitution terminée, mais le guide aurait manqué la faire sans la publier était impossible par la publicité des assemblées; d'ailleurs il était digne de la sagesse de l'Assemblée de ne pas hésiter à reconnaître ces droits, et de commen:

" son

travail de la constitution française par cette graude déclaration, acte solennel qui est la prise de possession de la liberté, acte fait par nous, pour nous, mais qui appartient à l'humanité entière comme à

nous.

Dans la soirée, M. Target a lu un projet de pro

clamation qui avait été demandée pour arrêter le pillage des châteaux, l'incendie, et pour ordonner et le paiement des impôts et celui des cens et redevances qu'on ne voulait plus acquitter (1). Cette proclamation a été l'occasion d'une majestueuse délibération et d'une scène vraiment grande, intéressante et à jamais mémorable (2). On a observé que le refus de paiement des redevances, l'incendie des titres venaient de la haine du régime féodal et de la charge qu'il faisait peser sur les gens de la campagne. M. le vicomte de Noailles a fait, à cette occasion, la motion qu'en déclarant que les impôts seraient supportés également par tous, l'Assemblée décrétât en même temps que les corvées seigneuriales et les servitudes personnelles seraient abolies sans indemnité, et que les droits féodaux seraient rachetables à volonté par les redevables suivant le tarif qui serait réglé. M. le duc d'Aiguil

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(1) Cette proclamation n'était point l'ouvrage de M. Target, elle était celui d'un comité chargé de proposer les moyens de rétablir la tranquillité troublée dans les provinces.

(Note des nouv. édit.)

(2) L'importance de la fameuse séance du 4 août, au soir, dans laquelle le système féodal fut détruit en entier, et qui peut-être reuferme à elle seule la révolution tout entière, nous fait penser que le lecteur aimera à en trouver une analyse détaillée dans les éclaircissemens historiques placés à la fin de ce volume (note B). Cette analyse achèvera de faire connaître une époque sur laquelle le marquis de Ferrières (Tome I, Liv. III) a déjà présenté des détails assez nombreux, mais que Bailly juge dans un esprit tout

opposé.

(Note des nouv.édit.)

lon, en appuyant la motion, y a ajouté que les priviléges des corps, villes, villes, communautés ou individus, seraient abolis. M. le duc du Châtelet a appuyé et enchéri, en demandant que les dimes pussent être converties en redevances, et rachetables à volonté. M. Cotin (1) a proposé l'abolition des justices seigneuriales; M. l'évêque de Chartres, celle du droit de chasse, et la reconnaissance du droit que doit avoir tout propriétaire de tuer le gibier sur son terrain. M. l'évêque de Nanci (2) voulait que les rachats ne tournassent pas au profit du bénéficier, mais au profit des pauvres. Des curés ont proposé le sacrifice de leurs casuels (3); d'autres (4), votant contre la pluralité des bénéfices, ont remis ceux qu'ils possédaient en double. Ce n'était peut-être pas les plus gros, mais c'était pour amener de plus grands exemples. M. de La Rochefoucauld a parlé pour l'affranchissement des serfs (on aura peine à croire que le nombre en montait à ce moment encore environ à quinze cent mille : Procès-verbal, 7 août 1789), M. Duport pour l'augmentation des portions congrues et la dotation

(1) Cotin Gillardot.

(2) M. de La Fare.

(Note de M. Naigeon.)

(3) Notamment M. Thibault, curé de Souppes, depuis conventionnel, membre du conseil des Cinq Cents et du Tribunat.

(Note des nouv. édit.)

(4) MM. Goulard, curé de Forez, et Duvernay, curé de Villefranche.

(Note des nouv. édit.)

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