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en cas de violation du budget, ne prévoit donc pas tous les cas, mais seulement ceux qui peuvent se produire le plus fréquemment. Elle veut qu'on se hâte, afin de rapprocher le contrôle parlementaire de la réalisation des faits financiers, et partant, de lui donner une sanction plus efficace.

Art. 1. Les droits acquis et les services faits du 1er janvier au 31 décembre de l'année qui donne son nom à un budget sont seuls considérés comme appartenant à l'exercice de ce budget.

Art. 2. Toutefois l'administration peut, dans la limite des crédits ouverts au budget d'une année, et jusqu'au 31 janvier de l'année suivante, achever les services du matériel dont l'exécution commencée n'a pu être terminée avant le 31 décembre pour des causes de force majeure ou d'intérêt public qui doivent être énoncées dans une déclaration de l'ordonnateur.

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Art. 3. La période d'exécution des services d'un budget embrasse, outre l'année même à laquelle il s'applique, des délais complémentaires accordés, sur l'année suivante, pour achever les opérations relatives au recouvrement des produits, à la constatation des droits acquis, à la liquidation, à l'ordonnancement et au payement des dépenses.

A l'expiration de ces délais, l'exercice est clos.

Art. 4. En ce qui concerne le budget de l'État (1), ces délais s'étendent pendant la seconde année :

1o Jusqu'au 31 mars, pour la liquidation et l'ordonnancement des sommes dues aux créanciers;

2o Jusqu'au 30 avril, pour le payement des dépenses, la liquidation et le recouvrement des droits acquis à l'État pendant l'année du budget;

(1) Il résulte des réponses faites au Sénat par le rapporteur de la commission aux demandes d'explication de MM. Emile Lenoël et Delsol, que les trois premiers articles s'appliquent à tous les budgets, c'est-à-dire au budget des départements et à celui des communes, comme au budget de l'Etat. La réponse du rapporteur à M. Delsol, qui demandait qu'on précisât et que le titre expliquât cette idée, a été que « les définitions des quatre premiers articles (aujourd'hui les trois premiers), s'appliquent évidemment à tous les budgets. » Cela paraît certain pour les articles 1 et 3. Mais l'article 2 relatif aux services du matériel, article emprunté au décret du 31 mai 1862 (art. 33), n'a jamais été applicable jusqu'ici qu'à l'Etat. La loi nouvelle, d'après les travaux préparatoires, semble donc consacrer, inconsciemment peut-être, une innovation qui a quelque importance, et étend à la comptabilité départementale et communale une dérogation au principe de l'exercice, qui ne doit comprendre que les services faits et les droits acquis du 1er janvier au 31 décembre d'une année. Cette dérogation, utile pour l'Etat, à raison de l'importance des services dont il a la gestion, ne s'imposait peut-être pas en ce qui concerne le département et la commune.

3o Jusqu'au 30 juin, pour l'autorisation et la régularisation, par des crédits supplémentaires, de dépenses afférentes aux charges publiques rendues obligatoires par la loi de finances, et dont le montant ne peut être définitivement connu qu'après l'exécution des services;

4° Jusqu'au 31 juillet, pour les opérations de régularisation, nécessitées par les erreurs d'imputation, par le remboursement des avances ou cessions que les ministères se font réciproquement, par les reversements de fonds à rétablir aux crédits des ministres ordonnateurs, par la régularisation des traites de la marine et des colonies et par le versement à la caisse des gens de mer ou à la caisse d'épargne postale du parfait payement des allocations des états-majors et équipages embarqués hors des mers d'Europe.

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Art. 5. — Il n'est pas dérogé aux dispositions de la loi du 23 mai 1834 sur la comptabilité des exercices clos, et des lois des 29 janvier 1831, 10 mai 1838 et 3 mai 1842, sur la comptabilité des exercices périmés.

Les sommes réalisées sur les restes à recouvrer des exercices clos et sur les créances restant à liquider sont portées en recette au compte de l'exercice courant.

Art. 6. La présentation du projet de loi de règlement définitif du budget du dernier exercice clos, et la production des comptes des ministres à l'appui, doivent avoir lieu au plus tard à l'ouverture de la session ordinaire des Chambres qui suit la clôture de l'exercice.

Art. 7. Avant le 1er mai de l'année qui suit la clôture de l'exercice expiré, la Cour des comptes remet au ministre des finances la déclaration générale de conformité relative à cet exercice, pour qu'elle soit imprimée et distribuée au Sénat et à la Chambre des députés.

Art. 8. Sont abrogées toutes dispositions contraires à la présente loi.

Art. 9. Les dispositions de la présente loi sont applicables à partir du budget de l'exercice 1888.

Toutefois à titre transitoire, pour les exercices 1888, 1889 et 1890, les délais prévus aux articles 4 et 7 seront prolongés de deux mois.

IV

LOI DU 13 FÉVRIER 1889, RÉTABLISSANT LE SCRUTIN UNINOMINAL POUR L'ÉLECTION DES DÉPUTÉS.

Notice et notes par M. Paul ROBIQUET, avocat au Conseil d'État et à la Cour de Cassation, docteur és lettres.

Depuis le 16 juin 1885, le système électoral en vigueur pour nommer les membres de la Chambre des députés, était le scrutin de liste (1). C'est à l'unanimité, d'accord avec le gouvernement, que la commission de la Chambre avait proposé de rétablir le principe du scrutin de liste, dans les termes mêmes où l'avait accepté la Chambre, au mois de mai 1881 (proposition Bardoux).

L'ensemble du projet avait été voté au Palais-Bourbon, dans la séance du 8 juin 1885, par 385 voix contre 71, et M. Hémon avait en vain prophétisé les conséquences de la restauration du scrutin départemental (2). Tandis que la Chambre de 1881 comptait 450 républicains et 90 députés monarchistes, les élections de 1885, après les ballottages et les invalidations, portèrent à environ 200 membres l'effectif de la minorité opposante; et la majorité républicaine de 395 députés ne constituait, en réalité, qu'une juxtaposition de groupes profondément divisés sur les questions essentielles. De là un état d'impuissance parlementaire qui, en énervant le pays, a provoqué la crise politique la plus grave qu'ait traversée la France depuis la chute de l'empire.

Les scandales judiciaires qui signalèrent la fin de l'année 1887 et qui eurent pour conséquence la nomination d'un nouveau président de la République (3 décembre 1887), avaient profondément troublé les esprits et rendu possibles les entreprises des anciens et des nouveaux partis coalisés. Le général Boulanger, maniant l'arme du scrutin de liste, obtenait, du 22 mai 1887, date de sa sortie du ministère de la guerre, au 27 janvier 1889, un total de 974.566 suffrages, recueillis aux élections partielles dans 20 départements. L'élection de Paris créait surtout pour le gouvernement légal une situation pleine de périls, à l'approche des élections générales.

La majorité républicaine, cherchant les moyens de réagir contre un courant qui menaçait d'emporter la Constitution elle-même, comprit que la mesure de défense la plus efficace consistait dans la substitution du scrutin uninominal au scrutin de liste pour la nomination des députés.

(1) Voir le texte de la loi du 16 juin 1885 et notre notice dans l'Annuaire de législation française de 1885, p. 73 à 84.

(2) Séance du 21 mars 1885.

Dès le 15 octobre 1888, M. Ribot déposait une proposition qui demandait l'abrogation de la loi du 16 juin 1888 et le retour aux dispositions de l'article 14 de la loi du 30 novembre 1875 (1). Dans la même séance étaient déposées sur le bureau de la Chambre les propositions de loi de

(1) Voici le texte de la proposition de M. Ribot, tendant au rétablissement du scrutin d'arrondissement pour l'élection des députés :

« Messieurs, le pays considère à juste titre le rétablissement du scrutin uninominal pour l'élection des membres de la Chambre des députés comme une des réformes les plus nécessaires et les plus urgentes.

"

« Ce sentiment du pays s'est manifesté avec éclat à l'occasion de la récente session des Conseils généraux. Les représentants des nuances les plus diverses de l'opinion ont, en dehors de toute préoccupation de parti, exprimé le vœu qu'on abrogeât le plus tôt possible la loi du 16 juin 1885.

« Lorsqu'il y a trois ans, le mode de scrutin, qui était en vigueur depuis dix années et qui, pendant cette période, avait assuré le fonctionnement régulier de nos institutions, a été remplacé par un autre, ce changement a provoqué des objections et des résistances dont on peut retrouver la trace dans les travaux parlementaires et dans les publications de cette époque.

« L'expérience néanmoins a été tentée. On a cru qu'en faisant reposer la consultation du suffrage universel sur une base plus large, on permettrait au pays d'exprimer plus sûrement ses volontés, de se prononcer avec une plus complète connaissance de cause sur des programmes mieux définis, et de donner plus d'unité et de force à la politique qu'il entendait faire prévaloir.

« Ces espérances ne se sont nullement réalisées. Le scrutin de liste n'a pas fait preuve, dans la pratique, des mérites qu'on lui avait attribués! On a vu, au contraire, apparaître des inconvénients et même des dangers qu'il serait imprudent de laisser s'aggraver.

« Le besoin le plus pressant, le plus impérieux de l'heure présente est un besoin de sincérité. Il importe que chacun dise ce qu'il pense et ce qu'il veut, que la politique, les programmes et les desseins de tous ceux qui prennent part aux affaires publiques, soient dégagés de toute équivoque, que le pays sache exactement où il va et où on entend le conduire.

« Le scrutin uninominal est beaucoup plus propre que le scrutin de liste à donner ce caractère de précision, de netteté et de franchise aux explications qui doivent avoir lieu entre le mandant et le mandataire, entre le candidat et l'électeur. Aux programmes et aux responsabilités collectifs, et plus ou moins vagues, il aura pour effet de substituer des engagements et des responsabilités individuels et bien définis. Au lieu de favoriser l'exploitation et la manifestation parfois irréfléchie d'aspirations confuses, il obligera le candidat, mis en contact plus direct avec un corps électoral plus restreint, à faire connaître ce qu'il est, et il permettra aux électeurs de savoir ce qu'ils font.

« La proposition que j'ai l'honneur de vous soumettre a pour objet de revenir au système d'élection qui avait été établi par la loi du 30 novembre 1875 et qui, même dans les circonstances les plus critiques, a assuré le développement et garanti la stabilité de nos institutions.

« Comme conséquence du changement que je vous demande d'introduire dans la loi électorale, vous estimerez sans doute qu'il convient de décider qu'on ne procédera à aucune élection partielle jusqu'au renouvellement de la Chambre.

PROPOSITION DE LOI.

« Art. 1er. Les membres de la Chambre des députés sont élus au scrutin individuel, conformément aux dispositions de l'article 14 de la loi du 30 novembre 1875 et à celles de la loi du 24 décembre de la même année, lesquelles sont remises en vigueur.

<< Art. 2. A partir de la promulgation de la présente loi, jusqu'au renou

M. Maxime Lecomte (1), de M. Michelin (2), de M. Hubbard (3), de M. Antide Boyer (4). Enfin, le 10 décembre 1888, M. René Laffon (5) présentait une proposition de loi tendant à la réduction du nombre des représentants; elle maintenait un seul collège dans les départements ne devant élire que quatre députés, et sectionnait en circonscriptions comprenant de un à cinq sièges, les départements qui avaient droit à plus de quatre députés. Cette proposition comportait aussi une réduction. proportionnelle du nombre des sénateurs.

Pour compléter cet exposé, il faut rappeler que l'initiative parlementaire avait, dès le début de l'année 1886, soulevé une autre question : celle du renouvellement partiel de la Chambre, et que d'autres représentants avaient demandé la modification des dispositions qui régissent actuellement les élections partielles. En ce qui concerne le renouvellement partiel, nous citerons: 1° la proposition de M. Dupuy et de plusieurs collègues (21 janvier 1886); 2° la proposition de M. Colfavru (29 juin 1886); 3o la proposition de MM. Mérillon, Méline et Alfred Laroze. En ce qui concerne le mode de pourvoir aux vacances qui se produisent au cours d'une législature, la Chambre avait été saisie: 1o de la proposition de M. Colfavru, qui demandait la suppression totale des élections partielles et l'institution de suppléants, en vue de pourvoir à toutes les vacances; 2o de la proposition de M. de Martimprey, ayant pour objet d'établir des élections partielles semestrielles. Une commission avait été chargée d'examiner ces différentes propositions de loi, relatives au renouvellement partiel de la Chambre et aux élections partielles. Elle déposa son rapport le 20 octobre 1888 par l'organe de M. André Folliet. La commission proposait de remplacer l'article 15 de la loi organique du 30 novembre 1875 par un nouveau texte qui portait que les députés seraient élus pour six ans et renouvelables par moitié tous les trois ans ; elle modifiait, d'autre part, l'article 16 de la même loi du 30 novembre 1875 par les dispositions suivantes :

<«< En cas de vacance par décès, démission, déchéance ou option, l'élection devra être faite dans le délai d'un mois à partir du jour où la vacance se sera produite dans les départements ou colonies élisant moins de quatre députés; dans les départements élisant de quatre à dix députés, il n'y aura d'élections partielles qu'après deux vacances, dans le même délai à partir du jour où la seconde vacance se sera produite; dans les départements élisant plus de dix députés, il n'y aura d'élections partielles qu'après trois vacances, dans le même délai, à partir du jour où la

vellement de la Chambre des députés, il ne sera pas pourvu au remplacement des députés dont les sièges pourront devenir vacants.

« Art. 3.

La loi du 16 juin 1885 est abrogée dans toutes les dispositions contraires à la présente loi. »

(1) Chambre des députés, doc. 1889, p. 339.

(2) Ibid., p. 341.

(3) Ibid., p. 345.

(4) Ibid., p. 345.

(5) Ibid., p. 662.

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