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Art. 5. Les volailles et autres animaux de basse-cour qui s'enfuient dans les propriétés voisines ne cessent pas d'appartenir à leur maître quoiqu'il les ait perdus de vue.

Néanmoins, celui-ci ne pourra plus les réclamer un mois après la déclaration qui devra être faite à la mairie par les personnes chez lesquelles ces animaux se seront enfuis.

Art. 6. Les préfets, après avis des conseils généraux, déterminent chaque année, pour tout le département, ou séparément pour chaque commune, s'il y a lieu, l'époque de l'ouverture et de la clôture des colombiers (1).

Art. 7. Pendant le temps de la clôture des colombiers, les propriétaires et les fermiers peuvent tuer et s'approprier les pigeons qui seraient trouvés sur leurs fonds, indépendamment des dommages-intérêts et des peines de police encourues par les propriétaires des pigeons.

En tout autre temps, les propriétaires et fermiers peuvent exercer, à l'occasion des pigeons trouvés sur leurs fonds, les droits déterminés par l'article 4 ci-dessus (2).

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Art. 8. Les préfets déterminent, après avis des conseils généraux (3), la distance à observer entre les ruches d'abeilles et les

(1) La loi du 4 août 1789 (art. 2) confiait aux communautés, c'est-à-dire aux municipalités, le soin de fixer l'époque de la fermeture des colombiers. La nouvelle loi transporte cette attribution du maire au préfet, ce qui ne paraît pas constituer une amélioration, le préfet étant, à raison de son éloignement, moins à même que le magistrat municipal d'apprécier les nécessités locales. Tel était, du reste, le sentiment du rapporteur à la Chambre des députés (V. Rapport, session extraordinaire de 1888, annexe no 3192, p. 546, col. 3).

Au surplus, les dispositions de l'article 6 s'appliquent aussi bien aux pigeons dits de volière ou de pied, qu'aux pigeons dits fuyards ou bisets (V. Exposé des motifs; Sénat, session 1876, annexe no 106, p. 986.)

(2) On admettait généralement que les pigeons devaient être assimilés aux volailles au point de vue du droit pour le propriétaire lésé par leurs déprédations, de les tuer sur son terrain, mêine en l'absence d'arrêtés prescrivant la ferme ture des colombiers (V. Limoges, 18. sept. 1884; S. 85. 2. 40. sic: Villequez, Du droit de destruction des animaux malfaisants et nuisibles, 2o édit., no 83); mais le paragraphe 2 de l'article 7 de la loi du 4 avril 1889 coupe court, désormais, à toute difficulté sur ce point.

Il convient, toutefois, de distinguer si la clôture des colombiers a été ou non prescrite par le préfet; dans le premier cas, en effet, les pigeons peuvent être tués par le propriétaire ou fermier, même en l'absence de tout dommage immédiat causé par eux, et les oiseaux abattus deviennent la propriété du destructeur. Dans le second cas, les pigeons ne peuvent être tués qu'autant qu'ils causent des dégâts et le destructeur n'est pas autorisé à se les approprier.

(3) Antérieurement à la loi du 4 avril 1889, il avait été jugé que le maire seul était investi du droit de prendre des mesures préventives à l'effet de garantir les personnes et les propriétés contre les accidents ou les dommages pouvant être causés par les abeilles (V. Cons, d'État, 30 mars 1867; S. 68. 2 124).

propriétés voisines ou la voie publique, sauf, en tout cas, l'action en dommage s'il y a lieu (1).

Art. 9. Le propriétaire d'un essaim a le droit de le réclamer et de s'en ressaisir, tant qu'il n'a point cessé de le suivre; autrement l'essaim appartient au propriétaire du terrain sur lequel il s'est fixé (2).

Art. 10. Dans le cas où les ruches à miel pourraient être saisies séparément du fonds auquel elles sont attachées, elles ne peuvent être déplacées que pendant les mois de décembre, janvier et février (3).

Art. 11. Les vers à soie ne peuvent être saisis pendant leur travail. Il en est de même des feuilles de mûrier qui leur sont nécessaires (4).

XII

LOI DU 10 AVRIL 1889, SUR LA PROCÉDURE A SUIVRE DEVANT LE SÉNAT POUR JUGER TOUTE PERSONNE INCULPÉE D'ATTENTAT CONTRE LA SURETÉ DE L'ÉTAT (5).

Notice par M. Jules LÉVEILLÉ, professeur à la Faculté de droit de Paris.

La Constitution de 1875 a institué, comme les constitutions monarchiques ou républicaines antérieures, une haute cour de justice pour juger, entre autres infractions, les attentats commis contre la sûreté de l'Etat. Mais elle a laissé à une loi spéciale le soin de régler la procédure qui devrait être suivie dans ce cas. Des incidents récents ayant montré la nécessité de cette loi secondaire, le Sénat s'en est occupé, au cours de l'année 1889. La discussion, qui s'est déroulée au palais du Luxembourg, y a d'ailleurs été brillante et solide.

(1) Cet article supprime toute controverse sur le point de savoir si le propriétaire d'une ruche doit être tenu pour responsable des accidents occasionnés par ses abeilles (V. Fuzier-Herman, Répertoire, vo ABEILLES, nos 38 et suiv.).

(2) Une disposition analogue se trouvait déjà dans la loi des 28 septembre6 octobre 1791 (titre Ier, section in, article 5).

(3) En vertu de l'article 592 du code de procédure civile, les ruches installées par le propriétaire sur son fonds étant immeubles par destination (code civil art. 524), peuvent être saisies seulement par la voie de la saisie immobilière, et en même temps que le fonds; mais lorsque les ruches ont été placées par le fermier sur un fonds loué, elles sont meubles et sont suceptibles d'être frappées d'une saisie mobilière du moins, cette opinion est soutenue, et c'est à cette hypothèse que se réfère l'article 10.

(4) Reproduction de la loi des 28 sept.-6 oct. 1791, titre Ier, section, art. 4. (5) J. Off. du 11 avril 1889.

Travaux préparatoires.

Sénat proposition de résolution de M. Morellet, doc. 1888, p. 278; rapport sommaire, p. 304; rapport, p. 342; adoption de la

I. En première délibération, le Sénat avait, à peu de chose près, consacré un système que lui avait soumis l'honorable M. Morellet. Le savant rapporteur de la commission s'était inspiré presque exclusiment des précédents de la Chambre des pairs, et il avait construit une théorie, qui peut se résumer en quelques lignes.

Un crime étant commis contre la sûreté de l'État, le gouvernement pouvait par décret en saisir le Sénat, qui devait dès lors fonctionner comme juridiction répressive. Le rassemblement des preuves était confié au président, qui jouait ainsi le rôle de magistrat instructeur. Quand l'instruction préparatoire était finie, le Sénat intervenait tout entier, et il statuait sur le point de savoir s'il fallait ou non mettre les inculpés en accusation.

Après la mise en accusation, le Sénat, tout entier encore, passait au jugement. Il entendait le réquisitoire et la défense. Il rendait son verdict. La façon de rendre le verdict était compliquée. Dans la chambre du conseil, chaque sénateur faisait à son tour un petit discours, terminé par l'expression de son opinion provisoire. Ce premier tour de parole était suivi d'un second qui, à la différence du premier, était décisif. Cette fois en effet, chaque sénateur résolvait par oui ou par non la question de culpabilité, et le résultat des votes individuels constituait le verdict souverain.

II.

Cette théorie était manifestement l'œuvre d'un érudit; mais elle manquait de simplicité et de netteté. Elle éveillait dans l'esprit l'idée d'une procédure parlementaire, où les mêmes hommes délibèrent à deux reprises différentes sur le même sujet, et non l'idée d'une procédure judiciaire, où des opérations diverses et savamment graduées sont, quand il s'agit d'infractions graves, et dans l'intérêt des accusés eux-mêmes, confiées à des autorités distinctes et successives.

Malgré le respect inspiré par les loyales intentions de M. Morellet, il était impossible de ne pas diriger contre l'ensemble de ses propositions des critiques très sérieuses. Il nous sembla qu'il convenait d'édifier, d'après un plan très différent, la machine tout entière, et d'inviter le Sénat à laisser dormir aux archives du Luxembourg les usages d'autrefois, pour puiser dans les principes du droit moderne et du droit commun, les règles fondamentales de la procédure nouvelle. Cette thèse, qui fut développée par nous, dans les colonnes du journal Le Temps (mars 1889), peut se résumer en quelques mots :

De quoi s'agit-il tout d'abord? Il s'agit de juger des crimes commis contre l'État; et la Haute-Cour n'est après tout qu'un jury national, dont les membres, désignés par l'élection, sont pris, non dans l'étroite limite d'un département, mais sur la surface entière de la France. Ils sont trois cents, au lieu d'être douze, comme dans un procès ordinaire.

résolution, 15 juin 1888; rapport de la commission spéciale, doc. 1889, p. 78; première délibération, 7, 8, 15 et 19 mars 1889; deuxième délibération, 25, 28, et 29 mars. Chambre rapport et discussion, 8 et 9 avril 1889.

Puisque nous sommes en matière de grand criminel, pourquoi ne pas conserver les règles ordinaires du grand criminel, écrites déjà et dans le code général de 1808 et dans le code militaire de 1857? Serait-il donc difficile, puisque nous sommes au Sénat, de pourvoir aux opérations qui constituent la charpente essentielle d'une procédure pénale? Il nous faut organiser trois choses : l'instruction, la mise en accusation, le jugement. Sur tous ces points l'honorable rapporteur nous apporte des solutions imparfaites.

C'est une chose fâcheuse que de charger de l'instruction le président du Sénat. Comment veut-on qu'ayant instruit, il monte et reste plus tard au fauteuil, comme un arbitre absolument impartial et dépourvu de toute prévention, quand viendra l'heure de juger? Est-ce qu'il n'est pas de principe chez nous que les instructeurs ne jugent pas.

C'est une autre faute que d'appeler ensuite les sénateurs à exprimer deux fois, à quelques jours de distance, leur sentiment individuel, 1° sur le point de savoir si les inculpés doivent être ou non mis en accusation; 2° sur le point de savoir si les inculpés sont, au fond, innocents ou coupables. Est-ce que la première manifestation de la pensée des sénateurs ne préjuge pas gravement la seconde manifestation qu'ils en pourront faire, à quelques jours de là? - Que dire encore, lors du verdict, de cette double délibération, où chaque membre donne un avis provisoire d'abord, et presque immédiatement un avis ferme?

Pourquoi ne pas transporter purement et simplement dans cette matière spéciale les règles tutélaires de notre droit commun? Le droit commun, appliqué autant que possible, ne présente-t-il pas ce double et précieux avantage qu'il fournit aux accusés les garanties nécessaires et qu'il assure l'autorité morale des arrêts futurs?

Les principes essentiels du droit commun et du droit moderne, résolument pratiqués, aboutissent aux conséquences suivantes :

1° L'instruction préparatoire doit être confiée, non au président, mais à un groupe peu nombreux de sénateurs, désignés d'avance chaque année par leurs collègues, et formant une chambre d'instruction (argument tiré de l'article 235. Instr. crim.);

2o La chambre d'instruction (et non pas le Sénat tout entier) doit statuer sur la mise en accusation des inculpés;

3o Enfin à l'heure du jugement, et après la clôture des débats, le Sénat tout entier, à l'exception des membres instructeurs qui peuvent être récusés (argument tiré de l'article 257, Instr. crim.), délibère à huis clos et tranche la question de culpabilité. Le Sénat doit en outre, s'il y a lieu, fixer lui-même, en conformité des lois existantes, les peines encourues (argument du code de justice militaire de 1857).

Ce second système, partant de cette donnée que le Sénat, représentation élue du pays, est, dans la vérité du fait et du droit, un grand jury national, repose tout entier sur la base solide du droit commun. Il a reçu en seconde lecture l'approbation du Sénat, et la Chambre des députés l'a définitivement consacré.

CHAPITRE 1".

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Organisation du Sénat en cour de justice.

Art. 1er. Le décret qui constitue le Sénat en cour de justice, par application de l'article 12, paragraphe 3, de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875, fixe le jour et le lieu de sa première réunion. La cour a toujours le droit de désigner un autre lieu pour la tenue de ses séances.

Art. 2. Tous les sénateurs élus antérieurement à ce décret sont tenus de se rendre à la convocation qu'il renferme, à moins qu'ils n'aient à présenter des motifs d'excuse.

Ces motifs sont appréciés par le Sénat en chambre du conseil. Les sénateurs élus postérieurement au décret de convocation ne pourront connaître des faits incriminés.

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Art. 3. Le Président de la République nomme parmi les membres des cours d'appel ou de la cour de cassation:

1° Un magistrat chargé des fonctions de procureur général ;

2o Un ou plusieurs magistrats chargés de l'assister comme avocats généraux.

Art. 4. — Le secrétaire général de la présidence du Sénat remplit les fonctions de greffier.

Il peut être assisté de commis-greffiers assermentés nommés par le président du Sénat.

Les actes de la procédure sont signifiés par les huissiers des cours et tribunaux.

Les huissiers du Sénat remplissent, pour le service d'ordre intérieur, les fonctions d'huissiers audienciers.

Art. 5. Toutes les pièces de l'information commencée par la justice ordinaire sur les faits incriminés sont envoyées au procureur général désigné conformément à l'article 3. Néanmoins, les magistrats qui ont commencé l'information continuent à recueillir les indices et les preuves, jusqu'à ce que le Sénat ait ordonné qu'il soit procédé devant lui.

CHAPITRE II. De l'instruction et de la mise en accusation.

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Art. 6. Le Sénat entend en audience publique la lecture du décret qui le constitue en cour de justice et le réquisitoire du procureur général.

Il ordonne qu'il sera procédé à l'instruction.

Art. 7. Une commission de neuf sénateurs est chargée de l'instruction et prononce sur la mise en accusation.

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