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ECONOMIQUE,

OU

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MEMOIRES, NOTES ET AVIS
fur l'Agriculture, les Arts, le Commerce,
tout ce qui peut avoir rapport à la fanté, ainfi
qu'à la confervation & à l'augmentation des biens
des Familles, &c.

ANNÉE 1767.

SINE ME REGNA

A PARIS,

Chez ANTOINE BOUDET, Imprimeur du Roi & du Châtelet,
rue S. Jacques, vis-à-vis la rue du Plâtre.

MDCCLX VII.

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JOURNAL ECONOMIQUE

1

Janvier 1767.

AVANT-PROPOS.

que nous faifons que ce que nous

nous preffe de mériter de plus en plus les fuffrages, il est bien trifte pour nous de rencontrer de toutes parts des obftacles que jufqu'à ce jour nous n'avons pu furmonter.

A multiplication des ouvrages péont dans le Public, étant une preuve inconteftable de leur utilité, nous pour rions nous glorifier de l'avoir fait connoître plus que tout autre, puifque le nombre de ceux qui nous ont fuivi eft plus grand que le nombre de ceux qui nous ont précédé, & qu'en moins de quatorze ans on s'eft empreflé en tout genre d'imiter notre exemple, & même de marcher fur nos pas, lorfqu'entre nous & le dernier de nos anciens, on parcourt un espace de cinquante ans, dont le vuide n'eft pallié que par quelques feuilles critiques fur les Ecrits qui paroiffoient chaque jour ; mais uniquement occupés de notre objet, & trop inftruits par une longue expérience de la difficulté de le remplir à notre entiere fatisfaction, nous n'avons garde de nous en diftraire un feul moment, & encore plus de nous permettre aucune vaine complaifance. Nous fçavons que le Public, avide de connoiffances nouvelles, & juge févére de celles qu'on lui communique, exige qu'on ne lui préfente rien qui ne l'intéreffe & ne flate fon goût en piquant la curiofité; & qu'il fe rend d'autant plus délicat, qu'il préfume qu'on eft plus en état de le contenter. C'eft avec raifon, fans doute, qu'il penfe de la forte. Il eft jufte de répondre pleinement à l'attente que nous lui avons fait entrevoir; & la gloire d'arriver à ce but eft la feule à laquelle nous foyons fenfibles. L'accueil favorable qu'il fait à notre Journal, loin de nous donner L'economie particuliere n'eft pas une fauffe confiance qui ralentiroirin- fujette dans fon genre à de moindres ceflamment nos foins, redouble notre, inconvéniens. Quoiqu'en embraffant éle, & nous fait moins regarder ce l'Agriculture, les Arts & le Commerce,

On conviendra fans peine avec nous que dans l'economie générale, qui fait une des grandes parties du gouvernement, nous ne pouvons nous étendre beaucoup fans rencontrer des bornes refpectables qu'il ne nous eft pas permis de reculer. Il eft vrai que dans une lettre, que nous avons inférée dans un de nos Journaux de ces années dernieres, on nous a fait l'honneur d'attribuer à nos Mémoires plufieurs Edits, Déclarations & Arrêts du Confeil trèsavantageux au bien public, & defirés depuis un long-tems. Mais quand même nous ofetions nous flater d'avoir réveillé far ces différens points l'attention du miniftere, nous ne perdrons jamais de vue ce que la prudente preferit en traitant de femblables matieres; & nous fçavons trop bien que dans cette partie de notre carriere, nous marchons fur des charbons embrasés que couvre une cendre trompeuse, pour oublier & les précautions & la réferve avec lefquelles nous devons nous conduire. On ne doit donc point s'attendre que nous difions fur l'economie générale tout ce qu'on fouhaiteroit qui fût dit: le danger évident qui s'y trouve, équivaut à une impoffibilité phyfique.

elle paroiffe ouvrir à nos recherches le champ le plus vaste, & nous promettre les plus abondantes moiffons, nous avons le défagrément de nous voir réduits à une espéce d'indigence par différentes caufes qu'il eft de notre intérêt d'expoler dans quelque détail aux yeux de nos Lecteurs.

Et d'abord informés que nous fommes qu'ils defireroient que nous leur donnaflions une idée de tous les Livres œconomiques qui paroiffent chaque année, ce n'eft point une peine legere de choisir ceux qui peuvent les inftruire & leur plaire davantage. La lifte que nous en donnons tous les ans eft trèscapable de les convaincre qu'il ne nous eft pas poffible de les fatisfaire fur ce point. La feule lecture réfléchie de cette multitude d'écrits occuperoit uniquement au moins deux perfonnes; & peut-on préfenter un extrait valable fans avoir lu avec attention? Le foin que nous prenons d'en faire un bon choix, nous engage fouvent à fubftituer une meilleure piéce à une autre déja imprimée; & cette opération qui devroit tourner à notre honneur par le mérite de l'intention qui la dirige, & de la dépenfe qu'elle occafionne, tourne contre nous aux yeux du Public par le retard de l'édition qui en eft infeparable; retard qui s'étant accumulé malgré nous, nous a fait taxer de négligence dans le tems même que nous travaillions avec le plus d'ardeur à mériter fon approbation.

On penfe auffi févétement à notre fujet fur la partie de l'Agriculture, fur laquelle pareillement nous ne fom mes répréhenfibles qu'en apparence. Ce n'eft pas qu'on fe diffimule que fous ce titre l'étude entiere de la nature eft renfermée; & que foit pour le néceffaire, foit pour l'utile, la pratique étant fondée fur l'expérience, & l'expérience fur la théorie, tout ce qui dans les trois genres concerne l'opulence des campagnes, la vie, la fanté des hommes, eft de fon refort. Ce n'eft point encore qu'on exige que nous rempliffions l'immenfité de cer objet on fçait affez qu'un tel deffein furpafferoit les forces de la plus nombreufe & fçavante Compagnie qui fe puifle former. Mais on voudroit, & on nous l'a témoigné de la forte dans une lettre que nous n'avons pas craint de publier, on voudroit tronver dans notre Journal un résultat de tous les mémoires des Chambres d'Agri

culture qui depuis quelques années font établies dans le Royaume. Nous avouons que ce feroit un grand avantage pour le Public, & fur-tout pour ceux qui répandus dans les Provinces loin des grandes Villes, ne font point à portée de fçavoir ce qui fe paffe, ni de connoître tous les Livres qui paroiffent. Il feroit jufte de les éclairer par de bonnes inftructions, & de les encourager par des exemples qu'ils s'emprefferoient de fuivre. Mais ce qu'on nous a dit à ce fujet tombe moins fur nous que fur les Chambres ; & la raifon en eft facile à comprendre.

Nous ne pouvons inférer dans notre Journal que ce qu'on nous communique; & les Chambres en s'occupant de divers objets qui tendent directement au bien public, ne perdent point de vue. leur intérêt particulier, le foin de leur réputation & de leur gloire. Un fentiment qu'on ne peut que louer, les porte à ne fe preffer que lentement de publier les Mémoires que leurs Membres leur fourniffent, autant pour leur donner le degré de perfection dont ils font fufceptibles, que pour ne rien produire au grand jour qui ne mérite d'être bien reçu. Ainfi elles fe font une loi inviolable de les garder dans le fecret jufqu'au moment où elles jugent à propos de les livrer à l'impreflion, & nous n'avons aucun droit de les obliger de l'enfreindre. Nous n'en avons pas plus quand ils font publiés de les tranfplanter dans notre Journal: la plupart de ces Mémoires font fi bien faits, que pour en donner une jufte idée, il faudroit les copier en entier, & des réglemens auffi fages que précis nous défendent cette liberté, Peut-être feroit-il à propos, auffi-bien pour l'honneur des Chambres que pour préparer le débit de leurs ouvrages, qu'elles nous fiffent paffer un état raifonné des piéces qu'el les font fur le point de faite imprimer. Le Public prévenu par l'annonce que nous en ferions, prendroit fes mefures pour s'en fournir; & la lumiere qu'ils répandent, au lieu de refter concentrée dans des efpaces, communément affez bornés, s'étendroit au loin, & perceroit dans des lieux où elle ne fera jamais connue. C'eft ainfi que l'intérêt public eft le point de réunion des intérêts particuliers quand ils font bien entendus.

Ce que nous ne faifons point for l'article de l'Agriculture, il ne dépend

donc point de nous de le faire; & il en eft de même pour ce qui regarde les Arts. Ne feroit-ce pas trop exiger de nous que de prétendre qu'on ne perfectionnera aucune machine, qu'on n'en inventera point de nouvelle, qu'en un mot on ne fera rien dans toutes fortes d'Arts qu'il foit facile de connoître, & qui mérite l'éloge & la reconnoillance publique, fans que ce foit une faute de notre part de n'en point faire mention? En effet, dans une Ville aufli grande que Paris, dans un tems où de tous côtés les Artiftes, les Artifans & les Sçavans s'attachent par toutes fortes de motifs à faire paroître leur génie & à produire du neuf, quel homme oferoit fe flater d'être inftruit de tout, & quel rems ne perdroit-on pas à courir après ces découvertes? Car, en fuppofant même que nous euffions connoiffance de tout, encore nous feroit-il impoffible d'en rendre compte. Quelquefois un Auteur ne fçait point s'expliquer ni se faire entendre; fouvent il ne veut pas, tantôt parce qu'ik craint d'être copié s'il s'expofe trop au grand jour, tantôt par une confiance fondée fur le mérite de fon ouvrage qui lui fait dédaigner le fecours qu'on lui préfente pour en étendre la réputation; on en trouve même qui font prévenus d'un fonds de chagrin contre le Public, qu'ils rendent refponfable des traverses que des envieux leur ont fufcitées par le paffé, & dont ils confervent triftement le fouvenir amer. Nous avons vu par hazard dans un atelier une machine à calendrer qui épargnoit confidérablement le tems & les forces, & nous n'avons pu en obtenir ni le deffein ni la defcription. L'Auteur réfifta à toutes nos instances, quoique d'un caractere doux, mais mélancolique, parce qu'il avoit le cœur trop ulcéré des peines qu'on lui avoit faites dans des circonftances où des chofes de fon invention lui auroient donné une célébrité que fes confreres avoient réfolu de lui refufer.

nous leur donnons dans ce genre, & du foin que nous prenons, fans égard à la dépenfe, d'enrichir nos Journaux de planches toutes les fois qu'elles font néceffaires pour faciliter l'intelligence du difcours.

Après tant de gênes que nous éprouvon's fur l'Agriculture & les Arts, peut-être penfera-t-on que, du moins, nous fommes à notre aife dans la partie du commerce. Depuis fa naiflance, il roule effentiellement fur toutes les productions de la nature & de l'indufirie humaine; & le foin particulier que les Puillances fouveraines jugent à propos d'en prendre depuis un fiécle & demi, lui fait encore embrasfer les Finances. Quel vafte champ, dit un Lecteur avide, pour faire les plus amples moitlons? Quel heureux choix à faire entre tous les objets qu'il préfente! que de nouveautés fon activité & fon agitation continuelle ne fourniffent-elles pas ?

Mais reconnoillons d'abord que fon extenfion fur les finances n'est qu'un. avantage apparent, bien éloigné de la réalité qu'on lui fuppofe. En le faifant rentrer par-là dans l'œconomie générale, elle en ramene tous les inconvéniens. Cependant nous avons donné des Mémoires fur l'intérêt de l'argent au denier vingt, fur la circulation de l'argent, fur l'abondance de l'or & de. l'argent monnoyé. Nous avons ofé plufieurs fois nous expliquer fur les entraves-qui gênent le commerce, & réclamer en fa faveur une entiere liberté. Mais, en difcutant ces points, nous n'avons jamais paffé les limites que la prudence nous prefcrivoit; & nous nous fommes contentés de donner à penfer ce qu'il ne nous convenoit pas de dire.

Obfervons enfuite que le Commerceconfidéré comme une branche de l'arconomie particuliere, quelque plein qu'il foit d'objets nouveaux & curieux, n'eft point à beaucoup près pour nous d'une aufli grande fécondité qu'on le l'ima gine. Pour annoncer tout ce qui mé rite de l'être, il faut fçavoir tout ce qui fe paffe, & le fçavoir avant que le Public en foit inftruit. Or dans les variations du Commerce, quel eft le Négociant qui voudra nous inftruire que telle espéce de marchandise commence à tomber en tel pays, & que telle autre y prend faveur; que le Prince qui regne, magnifique & li

Ces obftacles fe rencontrent très communément dans les Arts; & de plus habiles que nous feroient peut-être bien embarraffés de les furmonter. Il n'eft donc point étonnant que beaucoup de nouveautés nous échappent; & loin de craindre quelque reproche de la pare de ceux qui liront avec attention ce que nous venons de dire, nous espérons qu'ils nous fçauront gré de tout ce que

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