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péche fluviale sont l'objet d'une loi particulière qui vous sera proposée plus tard.

Des raisons plus graves encore ont empêché de considérer les règles sur la chasse comme formant aujourd'hui une dépendance naturelle du Code forestier. Les points que doit résoudre une loi sur la chasse touchent aux plus grandes questions sociales, au droit de propriété et aux facultés qui en résultent, à l'intérêt de l'agriculture, à la sécurité publique elle-même. De pareilles questions, qui sont d'un ordre général, et qui ressortissent de la haute administration de l'État, ne pouvaient être traitées accessoirement à l'occasion d'un Code tout-à-fait spécial, préparé pour une administration financière.

Quelle que soit la loi particulière qui pourra régir la chasse et le port d'armes, les gardes forestiers devront veiller à son exécution dans les bois : c'est là tout ce qui peut leur être attribué; et cette attribution est de plein droit, puisqu'ils y exercent les fonctions d'officiers de police judiciaire.

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Le projet de Code se renferme donc dans les matières qu'indique son titre il ne s'applique qu'aux forêts, à leur conservation, à leur police, aux mesures qui peuvent en éviter la destruction ou la dégradation, aux délits et aux contraventions commis à leur préjudice.

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Nous ne fatiguerons pas inutilement votre attention, Messieurs, en faisant passer sous vos yeux les dispositions nombreuses dont a dû se composer un travail complet sur cette matière ces détails ne pourraient être clairement reproduits dans une analyse rapide. Nous nous bornerons à vous en faire connaître l'esprit, et à vous en exposer le plan et la division. Nous vous indiquerons seulement ses dispositions principales, moins pour vous donner à leur égard des explications étendues qui seront plus utilement placées dans la discussion, que pour appeler votre attention particulière sur les points qui nous paraissent les plus dignes de la fixer.

Les forêts, soit à cause de leur importance, soit à cause de l'extrême facilité des délits dont elles ont à souffrir, ont besoin d'une protection particulière et de mesures répressives plus actives et plus efficaces que les autres natures de propriété. Aussi leur a-t-on appliqué en tout temps une législation exceptionnelle et spéciale. Un coup-d'œil sur notre situation forestière en fera reconnaître aujourd'hui l'absolue nécessité.

Malgré la sévérité des anciens réglemens, les forêts n'ont cessé en France de perdre de leur étendue, parce que l'augmentation de la population teud constamment à les resserrer dans des limites plus étroites. A cette cause, toujours agis

sante, se sont jointes, depuis quarante ans, d'autres causes dont la puissance était au moins égale.

Les ordonnances antérieures à la révolution avaient porté trop loin la gêne imposée à la propriété particulière. Les lois - nouvelles tombèrent brusquement dans l'abus contraire, et rendirent aux propriétaires la libre et absolue disposition de leurs bois.

Une destruction considérable fut la suite de cette imprudente transition de l'excès de la gène à l'excès de la liberté. Cet abus déplorable, dont on fut effrayé, ne fut tardivement arrêté ou suspendu que quelques années après.

Pendant que les bois des particuliers étaient ainsi sacrifiés, les communes profitèrent de leur côté des désordres de la ré.volution et de l'insuffisance d'une législation irrégulière, pour - anticiper les coupes de leurs bois, pour les livrer aux désastreux abus du pâturage, et pour effectuer aussi de nombreux défrichemens.

Les bois de l'État eux-mêmes n'ont pas été préservés de

toute atteinte. Des circonstances extraordinaires ont fait ordonner des coupes extraordinaires, et des besoins impérieux ont obligé à des aliénations.

Dans ce moment, Messieurs, le sol forestier du royaume se compose d'environ 6,500,000 hectares de bois. Cette étendue paraît considérable; mais elle doit éprouver une forte réduction si l'on en ôte les landes, les bruyères et les terrains dépouillés qui s'y trouvent renfermés; et, au surplus, pour être fixé sur les ressources réelles qu'on doit attendre de cette masse de propriétés forestières, il faut en connaître la distribution.

1,100,000 hectares seulement appartiennent à l'État ou à la Couronne. 1,900,000 hectares forment la propriété des communes et établissemens publics. Le reste, c'est-à-dire plus de la moitié, est possédé par des particuliers.

Cette dernière partie ne peut être considérée comme offrant pour le présent, et encore moins pour l'avenir, des ressources assures à la consommation et surtout aux constructions navales.

Les bois des particuliers sont divisés en un grand nombre de parcelles. Leur aménagement n'est, ni ne peut être, sans porter une atteinte grave au droit de propriété, assujéti à aucune règle générale. Leurs coupes sont et doivent être libres aussi sont-elles habituellement très-rapprochées. Ce système d'exploitation convient mieux à l'intérêt particulier et aux besoins renaissans des familles; mais il est en opposition manifeste avec l'intérêt général de la consommation, et cela se

conçoit aisément, puisqu'il n'offre aucune ressource utile aux besoins maritimes, et qu'il ne donne que des produits bien inférieurs en quantité et en qualité à ceux qu'on obtiendrait d'un aménagement mieux entendu.

Il faut donc tenir pour certain que la division actuelle de la propriété forestière en France ne permet pas d'y trouver des ressources comparables à celles que pourrait offrir une masse égale, si elle était possédée soit par le Gouvernement, soit par de grands propriétaires, parce qu'ils sont les seuls qui peuvent différer les coupes jusqu'au moment où les arbres ont atteint le maximum de leur croissance.

C'est dans une pareille situation, Messieurs, que le projet de Code a dû être préparé, et il n'était pas inutile de vous la faire connaître pour vous mettre en mesure d'apprécier justement les dispositions proposées.

Le premier soin des rédacteurs a été de tracer une profonde ligne de démarcation entre les bois qui doivent être soumis d'une manière plus ou moins absolue au régime forestier, et ceux qui, appartenant à des particuliers, ne peuvent être assujétis qu'à des restrictions peu nombreuses et compatibles avec l'exercice du droit de propriété.

Les bois soumis au régime forestier, et dont la jouissance doit être réglée par l'administration, conformément aux dispositions de la loi, sont classés dans l'ordre suivant :

1o Les bois et forêts qui font partie du domaine de l'État; 2o Ceux qui dépendent du domaine de la Couronne;

30 Ceux qui sont possédés à titre d'apanage;

4o Les bois et forêts des communes et des établissemens publics;

5o Enfin, ceux dans lesquels l'État, la Couronne, les communes ou les établissemens publics ont des droits de propriété indivis avec des particuliers.

Après cette indication nécessaire des bois soumis à l'action de l'administration forestière, le projet s'occupe de cette administration elle-même, mais seulement sous le rapport des garanties que ses agens doivent offrir, et des conditions de leur capacité. Ainsi, il détermine l'âge auquel un emploi forestier peut être exercé, l'incompatibilité de cet emploi avec toute autre fonction, les formalités qui doivent assurer la publicité du caractère des agens, la responsabilité qui pèse sur eux lorsqu'ils ne constatent pas les délits pour la poursuite desquels ils sont institués. Au surplus, le projet ne règle rien et ne doit rien régler pour l'organisation: elle appartient tout entière à l'autorité royale.

Le titre III s'applique aux bois et forêts qui font partie des

domaines de l'État, et qui sont dès-lors soumis à la plénitude du régime forestier. Il est nécessaire de vous en exposer rapidement les parties principales.

La loi règle d'abord les opérations relatives à la délimitation et au bornage. Ces opérations sont importantes, parce qu'elles touchent par tous les points à la propriéte de l'État par opposition avec celle des particuliers. Toutes les précautions sont prises pour assurer les droits et les intérêts de chacun ; mais si ces précautions paraissent insuffisantes aux particuliers, s'ils jugent leurs droits méconnus, tout rentre sous l'empire du droit commun, et c'est devant les tribunaux que leurs prétentions seront portées

Après la délimitation, on s'est occupé de l'aménagement, des adjudications des coupes, des exploitations des coupes adjugées et des réarpentages et récolemens.

Ces dispositions combinées forment un ensemble qui s'explique avec facilité.

La loi déclare que les bois et forêts de l'État sont assujetis à'un aménagement; elle ne règle pas cet aménagement, parce que ce réglement est un acte matériel d'administration qui n'est pas du domaine de la loi, mais elle prononce qu'il sera déterminé par une ordonnance royale.

Les coupes dont l'aménagement permet l'exploitation doivent être adjugées. Ces coupes sont une branche importante des revenus publics; il était du plus grand intérêt de les placer à l'abri de la fraude, de la connivence et même de l'erreur. C'est ce qu'on a cherché à faire. Les mesures les plus sévères sont prises pour assurer la publicité des adjudications, la concurrence et la liberté des enchères.

Par ce moyen, on a la certitude d'obtenir, pour l'adjudication des coupes, des produits égaux à la valeur réelle des bois adjugés.

Il fant, outre ces premières précautions, s'assurer, dans l'intérêt de la conservation des bois, que les exploitations se ront régulièrement faites, qu'elles ne deviendront pas un prétexte ou un moyen pour commettre avec facilité des abus et des délits; il faut s'assurer encore que ces exploitations n'auront compris que les coupes adjugées et ne se seront pas étendues au-delà.

Le projet paraît pourvoir avec prudence à toutes ces nécessités. On a conservé dans l'ensemble des mesures adoptées ce que l'ordonnance de 1669 contenait de ben, d'utile et d'éprouvé, et on y a ajouté ce que l'expérience a fait juger propre à remédier aux inconvéniens reconnus.

Le même soin a été apporté pour ce qui concerne les adju

dications de glandée et de panage qui présentent bien moins: d'importance par elles-mêmes, mais qui peuvent devenir, si elles ne sont entourées de sages précautions, une source grave d'abus et de dommages.

Il reste pour compléter le titre relatif au régime forestier, appliqué aux bois de l'État, deux sections particulières, et celles-là méritent une attention spéciale et exigent quelques explications.

La première traite des affectations, et la deuxième des droits d'usage.

Vous savez, Messieurs, que, dans diverses provinces de France et dans les anciens états des ducs de Lorraine, il a été fait en faveur de certains établissemens industriels des conces→ sions de bois. Ces concessions, connues sous le nom d'affectations, consistaient dans des livraisons annuelles d'une quantité déterminée de bois, moyennant une rétribution qui n'était en aucune proportion réelle avec la valeur des matières livrées.

Quelques-unes de ces concessions contenaient la stipulation d'un térme; mais la durée des autres est indéterminée ou stipulée à perpétuité.

Il a paru indispensable de régler par la loi le sort des actes de cette nature qui touchent à la propriété de l'État, et à une de ses propriétés les plus précieuses. Pour arriver à ce réglement d'une manière juste et légale, il a suffi de leur appliquer les principes de notre législation forestière et domaniale.

L'ordonnance de 1669 contient une disposition dont voici les termes :

Ne sera fait à l'avenir aucun don ni attribution de chauf fage, pour quelque cause que ce soit, et si par importunité << ou autrement, aucunes lettres ou brevets en avaient été ac« cordés et expédiés, défendons à nos cours de parlement,, «< chambres des comptes, grands maîtres et officiers, d'y avoir « égard. »

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Jamais le langage de la loi ne fut plus clair et plus énergique; jamais disposition prohibitive ne fut conçue dans des ter-, mes plus absolus et plus sévères, et il paraît impossible de ne pas reconnaître la nullité d'une concession qui aurait été faite au mépris de cette prohibition.

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Sous un autre rapport, la nullité des actes dont il s'agit pa→ raît encore évidente.

Les affectations sans terme sont de véritables aliénations,♪ car c'est bien incontestablement aliéner un immeuble que d'en céder les produits à perpétuité. Or, depuis le XIV sie-b cle, le domaine royal était inaliénable en France, et l'ordon

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