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seurs dans le droit de faire un nouveau triage parmi les arbres abattus.

Il n'est personne qui ne sache que les arbres ainsi mis au rebut à tort ou à raison, comme nous l'avons dit, restent trop souvent en pure perte entre les mains du propriétaire ou de l'adjudicataire, et forment un véritable déficit dans le produit de l'adjudication, dont les marchands ne manquent jamais de faire la déduction au propriétaire dans la fixation du prix principal de la vente.

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Votre Commission pense donc que l'on ne peut consacrer un pareil état de choses dans un code qui doit être empreint du caractère de la justice : elle croit que la marine doit prendre en livraison tous les arbres qu'elle a choisis, en grande connaissance de cause, et qu'elle a marqués et fait abattre; et elle lui réserve l'immense avantage d'abandonner la totalité des arbres portés sur la même déclaration, dans le cas où, trois mois après l'abattage, elle jugerait convenable de le faire dans ses intérêts.

Ce serait en vain que les partisans du privilége sans limites de la marine prétendraient que ses intérêts seraient lésés par cette mesure protectrice pour les propriétaires : nous pouvons assurer qu'il n'est pas un marchand de bois qui ne payât trèscher le droit de choisir, de faire abattre, et de prendre à son choix ou d'abandonner la totalité des arbres abattus, après un long délai.

C'est par ces considérations majeures que la Commission vous propose, Messieurs, d'amender les deux articles 128 et 129, et de les rédiger ainsi :

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Dans l'article 128, il faut supprimer les mots, Si, dans les six mois, et ce qui suit, pour les remplacer par ceux-ci : « Si, dans « les trois mois, la marine n'a pas pris livraison de la totalité des arbres marqués appartenant au même propriétaire et n'en « a pas acquitté le prix,...

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Quant à l'article 129, il faut également supprimer la phrase qui se trouve après les mots pour son service, et la remplacer par celle-ci : « Mais, conformément à l'article précédent, elle ne « pourra refuser d'acquérir les bois marqués qui auront été abattus dès qu'elle en prendra une partie.›

Les articles 131 et 132 n'ont été amendés par la Commission que pour remplacer le mot trop restrictif d'urgence par ceux de besoins personnels pour réparations et constructions. Elle vous propose de prescrire que les besoins seront constatés par le maire de la commune: c'est aujourd'hui ce qui se fait dans ce cas d'urgence; il était important de conserver explicitement cette forme dans la loi, afin de ne pas exposer les

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propriétaires à des variations de formalités préjudiciables à leurs intérêts.

Nous vous proposons de réduire l'amende portée par l'article 133, à 45 francs, d'après les mêmes raisons qui nous ont engagés à réduire l'amende prononcée pour le défant de déclaration. Il ne faut pas perdre de vue qu'il n'y a ici que des contraventions au droit de servitude imposé à des propriétaires, qu'il serait trop dur de punir avec la même sévérité que des délinquans qui dérobent le bien d'autrui.

Enfin, pour prévenir quelques abus dont on s'est plaint dans les bureaux de la Chambre, la Commission propose d'ajouter à la fin de l'article un second paragraphe ainsi conçu:

des

« Les arbres marqués pour le service de la marine ne pour<< ront être écarris avant la livraison, ni être détériorés par « agens avec des haches, scies, sondes ou autres instrumens, « à peine de la même amende. »>

Telles sont les différentes modifications portées à cette partie importante du projet; elles ont le double avantage de ne rendre que temporaire la servitude accordée à la marine, et d'empêcher que l'exercice en soit aussi nuisible qu'il l'a été jusqu'à présent.

Travaux du Rhin.

Nous avons maintenant à vous entretenir d'une autre affectation de bois à un service public, qui forme la deuxième section du titre IX.

Le cours du Rhin, inégal, irrégulier, impétueux, menace sans cesse les propriétés voisines, du danger de ses débordemens; pour les préserver d'une destruction imminente, on est forcé de contenir le torrent par des obstacles qu'il renverse, qu'il brise, et que bientôt il faut renouveler. La possibilité et la crainte des accidens étant permanentes, il est indispensable que les moyens de salut le soient aussi, et le législateur ne peut se dispenser de mettre à la disposition de l'autorité un remède qui, pour être efficace, doit être aussi prompt que le mal. Tel est le but de l'article 136, portant que dans tous les cas où les travaux d'endigage et de fascinage sur le Rhin exigeront une prompte fourniture de bois ou oseraies, le préfet, en constatant l'urgence, pourra en requérir la délivrance, d'abord dans les bois de l'État, ensuite dans ceux des communes et des établissemens publics, et enfin dans ceux des particuliers, le tout dans un rayon de 15 kilomètres du point où le danger se manifeste. C'est tout à la fois une mesure de sûreté publique et d'intérêt privé, que commande une nécessité réelle

et pressante, et à laquelle la Chambre n'hésitera pas sans doute à donner son assentiment.

Comme il s'agit d'une dérogation au droit de propriété, il était essentiel de la limiter autant que le péril pourrait le permettre, de la combiner avec les divers genres d'intérêts qu'elle est destinée à protéger, d'en renfermer l'exécution dans le territoire menacé; et c'est ce que les rédacteurs du projet de Code nous paraissent avoir fait.

Mais pour apprécier cette disposition en plus grande connaissance de cause, nous avons cru devoir en conférer avec nos collègues du Haut et du Bas Rhin, qui ont des notions plus précises sur les localités. Il est résulté des explications qu'ils ont bien voulu nous donner, que l'énonciation d'un rayon de quinze kilomètres du point où le danger se montre emporterait la faculté de requérir des bois à cette distance dans les terres, tandis qu'il se trouve toujours assez de bois propres à ces sortes de travaux dans un espace de cinq kilomètres au plus; en conséquence, nous vous proposons, de concert avec nos collègues, de supprimer la fin de l'article 136, à compter de ces mots : le tout dans le rayon, etc., et de dire, le tout à la distance de cing kilomètres des bords du fleuve. Par ce moyen, on aura la faculté de prendre du bois en amont et en aval du fleuve, dans l'étendue fixée par la loi.

A l'égard de l'article 137, qui exige, de la part des particuliers dont les propriétés sont comprises dans la circonscription déterminée, la déclaration des coupes qu'ils se proposent de faire, elle est nécessaire pour que l'administration ne soit pas privée inopinément des ressources dont elle peut avoir

L'amende de quatre francs par are de bois, portée dans l'article 138, a paru trop forte; on propose de la réduire à un franc par are de bois ainsi exploité.

L'adoption des articles 139 et 140 n'a souffert aucune dif ficulté.

Quant à l'article 141, qui règle le mode d'expertise et de paiement des bois requis, il nous a paru devoir être admis tel qu'il est rédigé.

Mais, comme il arrive que l'urgence des travaux exige des coupes à des époques où cela nuit essentiellement à la végétation, la Commission pense qu'il y a lieu d'ajouter à cet article un second paragraphe conçu en ces termes : « Les communes, les établissemens publics et les particuliers seront en outre indemnisés, de gré à gré ou à dire d'experts, du tort qui « pourrait être résulté pour eux de coupes exécutées hors des

"

«

<< saisons convenables.»

Enfin l'article 143, qui termine la section relative aux tra~' vaux du Rhin, n'a été l'objet d'aucune observation, et nous en proposons l'adoption pure et simple.

TITRE X. Police et Conservation des Bois et Forêts.

Les dispositions comprises sous ce titre sont de deux espèces : les unes s'appliquent à tous les bois et forêts en général; les autres, aux bois et forêts soumis au régime forestier seulement.

Nous allons d'abord vous entretenir des premières.

L'article 144 punit toute extraction non autorisée de pierres, sable, minerai, terre ou gazon, etc. Nous vous proposons de compléter cette énumération par l'addition du mot tourbe qui sera placé après celui minerai.

La prohibition portée par cette disposition étant générale et absolue, il était nécessaire de dire qu'elle ne dérogeait point aux droits conférés à l'administration des ponts et chaussées par les lois et réglemens, et c'est ce qui a été fait par l'article 145.

La Commission ne s'est pas dissimulé que ces lois et réglemens sont susceptibles d'améliorations fort désirables; mais elle n'a pas cru qu'elle dût s'en occuper à l'occasion d'un Code sur les forêts, et elle a donné son adhésion à l'article proposé par le Gouvernement.

Nous proposons à la Chambre d'adopter sans aucun changement les articles 146, 147, 148 et 149, qui ne sont que le renouvellement de sages dispositions de l'ordonnance de 1669.

Une discussion s'est élevée dans le sein de la Commission sur l'article 150, qui repousse l'application de l'article 672 du Code civil aux bois et forêts, en ce qui concerne l'élagage des arbres de lisière.

Les uns étaient d'avis d'admettre la disposition du projet alléguant l'importance de conserver les lisières des forêts, où se trouvent en général les plus beaux arbres, à la croissance desquels l'élagage serait toujours préjudiciable; ils invoquaient aussi le droit de prescription, pour ainsi dire acquis aux propriétaires de ces forêts.

Les autres soutenaient, au contraire, que la règle posée par le Code civil était absolue, et ne devait souffrir aucune exception; qu'elle était fondée sur l'intérêt respectif des proprié-taires riverains; qu'il serait injuste d'attribuer à l'un de ces propriétaires un droit qui serait refusé à l'autre, à raison de la seule différence existant dans la nature de leurs immeubles; 1re PART.

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qu'il est impossible d'admettre, par exemple, que le possesseur d'un verger puisse être contraint de couper les branches de ses arbres fruitiers, tandis qu'il n'aurait pas le droit réciproque d'exiger de son voisin l'élagage des lisières de son bois; que sans doute la conservation des beaux arbres de lisière est importante, mais qu'elle ne saurait être assez puissante pour déterminer une exception rigoureuse à un principe de justice et d'équité.

Après cette divergence d'opinions, tous les membres de la Commission se sont réunis pour un terme moyen, qui leur a semblé devoir concilier les divers intérêts.

Ce terme moyen consiste à laisser subsister le paragraphe premier de l'article 150, mais en y ajoutant ces mots : si les arbres de lisière ont plus de trente ans.

Par là, le principe de droit commun est maintenu, avec une modification qui favorisera la conservation des arbres forestiers, et que justifiera le silence du propriétaire limitrophe pendant le cours de trente années.

Quant au deuxième paragraphe du même article, nous vous en proposons le maintien, comme servant de sanction à la règle posée dans le premier.

Après ces dispositions conservatrices, viennent celles qui sont exclusivement relatives aux bois et forêts soumis au régime forestier.

Les prohibitions contenues dans les articles 151, 152 et 153 du projet existent dans l'ordonnance de 1669. On en sentit alors la nécessité, et une longue expérience n'a servi qu'à les justifier.

Cependant elles ont été combattues par plusieurs membres de la Commission. On a prétendu qu'elles étaient une espèce de violation du droit de propriété, qu'il fallait les faire disparaître du projet, et laisser à chaque propriétaire la liberté d'élever des constructions de toute nature sur son terrain, quelle qu'en fût d'ailleurs la situation.

Mais cette opinion n'a point prévalu, et ceux mêmes qui l'avaient exprimée se sont enfin réunis à la majorité de la Commission pour adopter, avec quelques modifications, les dispositions des trois articles reconnus essentiels à la conservation des forêts.

Ces modifications ne s'appliquent qu'à l'article 153. Elles ont pour objet :

1o De réduire à cinq cents mètres le rayon d'un kilomètre dont il est question au premier paragraphe, réduction dont la justice a été reconnue par un avis du Conseil d'état du 13 novembre 1805 relatif aux constructions voisines des forêts:

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