TROISIEME PARTIE.

A pofition de Marseille eft fi heureufe, foit qu'on confidere fon baffin, peut-être l'unique dans tout l'univers, par fon étendue & fa fûreté, étant à l'abri de tous les vents; par fa communication avec la mer, affez large pour donner un libre paffage aux navires & affez étroit ponr être gardé fans beaucoup de peine; par fa rade du côté de l'eftaqué où les navires peuvent fe remifer en tout temps par les côtes efcarpées du côté de la garde qui lui fervent de boulevard contre les entreprifes des ufur

pareurs, & par les petites ifles o rochers pardevant lefquels il faut passer pour pouvoir entrer dans le bassins qui font autant de citadelles que la providence y a placées pour fa confervation & fa défense. Je ne fuis pas furpris que les Phocéens étant arrivés dans un lieu où tant d'avantages fe réuniffoient y ayent conftruit des cabanes pour y fixer leurs demeutes. Leurs premieres occupations furent la pêche à mesure qu'ils fe multiplierent, ils commencerent de défricher un terrain qui n'avoit befoin que de travail pour devenir fertile, & ils y joignirent le trafic, qui, par le moyen de la navigation, fit de fi grands progrès que leurs cabanes furent bientôt changées en maifons qui compofoient une ville devenue fi fameufe, que Rome fe glorifioit de l'appeller fa fœur; tout le monde eft trop inftruit des révolutions qui ont agité cette république & de la gloire qu'elle s'eft acquife, foit par les armes, foir par l'étendue de fon commerce. Tant qu'elle fut libre, elle fut au-deffus des puiffances voifines; mais dès que l'intérêt particulier de ceux qui la

gouvernoient, mit des entraves à fa liberté & à fa franchise, elle tomba dans l'aviliffement. Tel étoit fon état quand Louis le Grand, par le rapport qui lui fut fait, qu'il n'y avoit point de local dans fon Royaume plus propre & plus für pour entreprendre le commerce du Levant & de Barbarie, & même avec toutes les parties du Royaume, que Marfeille; où il pourroit faire un entrepôt général de toutes fortes de marchandifes dont fes fujets pourroient avoir befoin, fe détermina à la déclarer libre & franche par l'Edit de 1669, de forte que toutes les nations pouvoient aborder à Marseille avec leurs navires & marchandifes, les y débarquer librement & fans y payer aucuns droits; mais ce qui devra toujours nous étonner, c'est cette peur de manquer de grains qui tourmentoit nos ancêtres , comme elle nous a tourmentés jufqu'aujourd'hui, on ne pourroit pas comprendre que fi les commerçans en bleds avoient eu la liberté de rapporter rapporter leurs bleds à l'étranger, lorfqu'il y en avoit eu trop d'abondance dans Marfeille, ou qu'il y étoit à trop vil