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Rien ne le gêne; il débite les plus étranges paradoxes; & empruntant de noms étrangers, qui puiffent le mettre à l'abri de la punition que fon audacieufe témérité n'a mérité que trop fouvent il décide hardiment de tout; & la table d'un livre lui fuffit.

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pour en porter un jugement qui eft toujours faux, & qui n'exifte que dans fon inquiete imagination. La plus folle de fes marotes, pour foutenir l'univerfalité de fon favoir, eft qu'il croit pofféder toutes les langues, & il ofe en rapporter quelques lambeaux ; mais il n'entend certainement ni le Grec ni l'Hébreu, malgré fa fotte vanité de vouloir les citer fans ceffe; s'il étoit capable de rougir, il n'en parleroit plus de fa vie, après toutes les convictions qu'on n'a ceffè de lui mettre fous les yeux, pour lui prouver que les langues orientales lui étoient fi peu connues; qu'il avoit toujours confondu les noms de villés avec ceux des hommes, qu'il défiguroit ; & que, s'il citoit avec tant d'amphafe toute forte de langues, il copioit les notes qu'il trouvoit çà &ɛ là, écrites en latin

ou en françois. C'elt cette fureur d'écrire, qui lui a fait imaginer fa Diatribe à l'Auteur des Ephémérides, dans laquelle il attaque la religion, le Gouvernement & tous les ordres qui le compofent: il loue fans mefure tout ce qu'il croit contrarier, ce que les plus fages loix ont établi; dès qu'il eft fingulier, il ne croit bon que ce qu'il trouve conforme à la folie de fes idées. Ce n'eft pas ici le lieu de réfuter ce pernicieux écrit,, ni d'en démontrer toutes les extravagances, je me contente de dire que l'écrit que j'ai rapporté de ce trop fertile auteur, n'a été fait & publié que pour amufer les bonnes gens, en attendant de produire cette miférable Diatribe, qu'il refervoit à fes chéris difciples fes admirateurs; mais ce qui m'étonne & m'effraie c'eft qu'étant remplie de tant d'extravagances, quelqu'un ait été affez ofé pour en faire mention; cependant le fieur de la Harpe qui s'honore d'admirer & de louer indiftinctement toutes les productions de cet hardi & inconfidéré écrivain, n'a pas craint de s'en déclarer le panégyrifté outré & de

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l'inférer dans un papier public; mais qu'il s'eft trompé dans fes vues! Il afpiroit par-là à acquérir le titre d'un des chefs des libres penfeurs que fon vieux maître ne ceffe de prôner comme les premiers des hommes & des philofophes, & même comme les feuls véritablement hommes. Mais le mépris, l'indignation & la flétrif fure dont on l'a accablé, devroient lui faire fentir, qu'une audacieufe folie pût prendre le nom de fageffe & de philofophie, fans en avoir aucun des caracteres. Le Gouvernement fut indigné de cette fcandaleufe & calomnieufe production; en conféquence, il intervint Arrêt du Confeil du 19 août 1775 pour le condamner,

ARREST

DU CONSEIL D'ETAT

DURO I,

Qui fupprime la brochure intitulée : Diatribe à l'Auteur des Ephémérides, & les pages 59 & fuivantes, jufques & compris la page 71 'du Mercure du préfent mois d'Août; interdit le fieur Valleyre, de l'Imprimerie & Librairie ; & ordonne que le fieur Louvel fera rayé de la lifte des Cenfeurs royaux.

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Du 19 Août 1775.

Extrait des Regiftres du Confeil d'Etat.

L'informé qu'il a été imprimé chez Valleyre, & diftribué fans permiffion, une brochure intitulée : Diatribe à l'Auteur des Ephémérides, digne de toute l'animadverfion de la juftice: Et étant informé en outre, qu'il en

E Roi, en fon Confeil, étant

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a été fait un extrait dans le Mercure de France, où les paffages les plus repréhenfibles de ladite brochure ont été inférés; que ces paffages contiennent des ironies indécentes contre des Eccléfiaftiques, à l'occafion des troubles arrivés dans quelques parties du Royaume, tandis que les Evêques & les Curés ont donné dans ces malheureuses circonftances, des témoignages éclatans de leur zele pour le maintien du bon ordre & de la foumiffion que l'on doit à l'au torité de Sa Majefté: Que d'ailleurs la négligence du Cenfeur qui a laiffé inférer ledit extrais dans le Mercure du préfent mois, mérite d'être réprimée; & Sa Majesté voulant empêcher qu'il ne foit donné aucune atteinte au refpect dû à la Religion & à fes Miniftres, maintenir les réglemens de la Librairie, & obliger les Cenfeurs à l'examen le plus rigoureux, des ouvrages pour lefquels ils font commis, a jugé à propos de faire connoître fes intentions. A quoi voulant pourvoir; le Roi étant en fon Confeil, de l'avis de M. le Garde des Sceaux, a fupprimé & fupprime

Tome II.

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