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<< teler tous les renseignemens qu'il peut désirer. « 2° Sa Majesté l'Empereur et Roi voudrait <«< être assurée qu'immédiatement après ma déli« vrance je partirai pour l'Amérique; c'est une " intention que j'ai souvent manifestée; mais « comme, dans le moment actuel ma réponse sem<«< blerait reconnaître le droit de m'imposer cette <«< condition, je ne pense pas qu'il me convienne de « satisfaire à cette demande.

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« 3o Sa Majesté l'Empereur et Roi m'a fait l'hon«neur de me signifier que, les principes que je pro« fesse étant incompatibles avec la sûreté du gou«< vernement autrichien, elle ne veut pas que je puisse rentrer dans ses États sans sa permission spéciale. Il est des devoirs auxquels je ne puis << me soustraire ; j'en ai envers les États-Unis, j'en « ai surtout envers la France, et je ne dois m'en«gager à quoi que ce soit de contraire aux droits <«< de ma patrie sur ma personne. A ces exceptions « près, je puis assurer M. le général marquis de Chasteler, que ma détermination invariable est « de ne mettre le pied sur aucune terre soumise à <«<l'obéissance de Sa Majesté le Roi de Bohème «<et de Hongrie. » Maubourg et Bureau-de-Puzy firent aussi leur déclaration, et les trois prisonniers signèrent en conséquence l'engagement sui

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Je, soussigné, m'engage envers Sa Majesté l'Empereur et Roi de n'entrer dans aucun temps <«< dans ses provinces héréditaires, sans avoir ob

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« tenu sa permission spéciale, sauf les droits de ma patrie sur ma personne. »

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Alors les portes de la prison parurent se refermer pour toujours. Pendant ce temps, les ambassadeurs autrichiens assuraient au quartier-général d'Italie que les prisonniers étaient en liberté, et Bonaparte devina que c'était un mensonge. Mais le héros de l'Italie envoya M. Louis Romeuf, ancien aide-de-camp de Lafayette, pour traiter directement avec le ministre Thugut; enfin, le 23 septembre, les prisonniers sortirent de leur capitivité et furent conduits à Hambourg, où une fête les attendait à bord des bâtimens des États-Unis ; ils furent d'abord remis au consul américain, comme l'avait demandé le cabinet de Vienne, et s'empressèrent de se rendre chez le ministre de la république française, et d'arborer la cocarde nationale.

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Cependant les prisonniers d'Olmütz, délivrés avec éclat la ferme insistance de leur gouvernement, accueillis et environnés de considération par ses agens à l'extérieur, furent encore longtemps avant de rentrer dans leur patrie. Il eût fallu manifester leur adhésion à la journée du 18 fructidor, et cet acte de faiblesse ne convenait pas à des hommes qui avaient tant sacrifié et tant souffert plutôt que d'adhérer, en 92, à la violation du tròne constitutionnel et de la représentation nationale. De plus, ils se firent un devoir sacré de comprendre dans l'expression de leur reconnaissance, la portion du gouvernement et des conseils qui avait

concouru avec le parti vainqueur à leur délivrance, et qui venait d'être déportée et proscrite. Chose remarquable, ce fut à cette même époque, alors que Lafayette était traité au dehors en général citoyen, et que le ministre de France assistait comme témoin au mariage de sa fille chez le consul français, qu'on acheva de vendre en France le reste de ses biens. Il avait refusé les émolumens et dédommagemens qui lui avaient été offerts dans les premiers jours de la révolution, et cependant une très-grande partie de sa fortune avait été dépensée pour la cause populaire (1).

Lafayette passa quelque temps dans le Holstein, pays neutre ; il alla ensuite en Hollande, d'après l'invitation spéciale de cette république, encore pleine du souvenir des anciens rapports qu'il avait eus avec elle et les proscrits bataves de 1787. C'est là qu'ayant appris la mémorable journée du 18 brumaire, il prit sur-le-champ le parti de se rendre à Paris sans permission ni radiation préalable ; il se contenta d'écrire aux consuls provisoires que

(1) On sait qu'alors les États-Unis votèrent à Lafayette nombre d'arpens de terre dans les meilleurs cantons de la Louisiane, qui revenaient à son grade, et qu'il avait refusés dans le temps. On se souvient aussi qu'en 1815 le congrès a fait au soldat de la liberté le magnifique présent d'un million en argent et d'une étendue considérable de terre dans les Florides, en alléguant avec une exquise délicatesse que c'était une compensation de ses dépenses primitives.

puisqu'ils professaient de nouveau les principes de 89, sa place, à lui, était en France. Ses compagnons et lui ne tardèrent pas à être réintégrés dans leurs droits de citoyens. Lafayette se retira à la campagne. Son fils entra dans l'armée, où il servit avec distinction. Appelé à siéger au conseil départemental de la Haute-Loire, il s'y refusa. Voici le discours qu'il adressa à ses concitoyens, dans cette circonstance :

Après avoir concouru à une révolution ver« tueuse, où les républiques américaines ont trouvé « la liberté et le bonheur, j'étais déjà vétéran de « la cause des peuples, lorsque la France adopta « ces vérités éternelles qui, invoquées depuis par « les opprimés de tous les partis, ont sans cesse « dénoncé les faibles qui en souffrirent la violation, «<et les violateurs qui les souillèrent par un culte

« mensonger.

<< Investi moi-même de la confiance publique et «< d'une popularité que je ne préférai jamais à mes devoirs, j'osai me flatter qu'après avoir surmonté, <«< avec mes concitoyens, les orages de leur totale « rénovation, je les laisserais à portée d'en re«< cueillir les fruits; et, si cette ambition fut justi« fiée par quelques services, je le dois surtout au patriotisme de mes amis, à cette force instituée << pour le maintien de l'ordre légal, comme pour « la destruction des coalitions hostiles, qui, paralysée dans son existence sédentaire, a si glorieu<< sement rempli sa destination extérieure.

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Rappelé ensuite de ma retraite au commande«ment, frappé de l'urgence de nos dangers civils,

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je me dévouai sans ménagement au besoin de les « dénoncer, à l'espoir, encouragé par le vœu gé« néral, de les prévenir; mais quoique ma con« duite au 10 août 1792 soit l'action de ma vie la

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plus méritoire, je ne me permets ici que de ren« dre hommage aux dignes martyrs de la souverai<<< neté nationale et des lois jurées, qui, en soute<«< nant la royauté constitutionnelle, exercèrent au « plus haut degré les vertus républicaines.

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« Loin de regretter, dans ma douloureuse expatriation, ces précautions pour le salut de l'ar«mée, cette répugnance à priver la frontière d'un «< seul homme pouvant encore la défendre, qui « nous fit tomber, mes compagnons et moi, dans « les mains des ennemis, je regarde comme le << moindre de mes malheurs une captivité adoucie << par les plus honorables suffrages, les plus tou<«< chantes consolations, terminée par les triomphes de notre patrie, et qui, en caractérisant pendant cinq années les haines de nos puissans geôliers, a peut-être servi de contre-poison à <«<leurs intrigues.

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<«< Ah! les malheurs que rien ne termine, que << rien n'adoucit, ce sont ceux qui, en inondant la « France de sang, ont couvert mon cœur d'un « deuil éternel. La souffrance intolérable, c'est de << voir le crime acharné à défigurer, à faire détes<< ter ce qu'on chérit le plus : temps affreux qui,

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