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<«< Les trois prisonniers, Maubourg, Lafayette et Puzy, ont été enfermés pendant trois ans et cinq « mois dans le même corridor, sans se voir et sans qu'on voulût leur donner la moindre nouvelle « réciproque. >>

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A l'époque de l'insurrection lyonnaise, deux hommes d'opinion et du situation différentes, le publiciste d'Archenoloz, et le très-royaliste mais

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« réduire pour qu'il ne servit plus la cause de la liberté ? « J'avoue, monsieur, que je ne pourrai jamais croire << que celui qui poursuit, depuis tant d'années, l'abolition « de l'esclavage des noirs puisse refuser d'employer son éloquence pour délivrer d'esclavage une femme qui ne << demande d'autre liberté que celle d'aller s'enfermer << dans les murs, ou du moins autour des murs de la <«< citadelle de Spandau. M. Roland veut bien m'assurer qu'il est dans la persuasion que je ne puis ni ne veux « nuire alors il faut me délivrer; car, d'après les principes avoués par M. Roland lui-même, on doit faire le << bien de tous avec le moins de mal possible pour chacun. «Ma liberté n'en ferait à personne. Laissez les ennemis étrangers assouvir leur haîne contre un sincère ami de la liberté; ne vous unissez pas à eux pour le persécuter « dans ce qui lui est cher, et qu'au moins ils voient qu'il « est dans notre patrie des représentans courageux du peuple qui abhorrent les crimes inutiles, soutiennent l'innocence, au moins quand elle est faible et qu'elle << souffre.

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« J'ose attendre de cette lettre une prompte réponse. « Elle peut vous faire juger que je suis bien malheureuse; << mais aucune expression ne peut peindre l'état violent de << mon cœur, ni la reconnaissance que je devrais à mes « libérateurs, tels maux qu'ils maient causés jusques-là. « Signé NOAILLES-LAFAYETTE. »

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généreux Lally-Tollendal, imaginèrent de représenter aux puissances que l'arrivée de Lafayette à Lyon, en ralliant la nombreuse portion constitutionnelle de France, et avec son crédit sur la garde nationale, pourrait seule peut-être arrêter les massacres de la terreur : c'était mal les connaître. Lafayette, se dit-on, sans doute, comme en 92, «< sauverait ses amis et les nôtres, mais au profit de « la liberté. » En effet, tandis que Lyon, patriotiquement insurgée contre l'oppression, demandait à marcher en avant, la junte secrète ne voulait en faire qu'une place d'armes pour l'étranger, et les nobles et humaines démarches du comte de Lally et du respectable Prussien Archenoloz ne produisirent que de nouvelles précautions contre l'évasion du prisonnier. Cette circonstance a été rappelée récemment par M. Prunelle, président de la commission de réception, dans sa harangue au général Lafayette, au nom de la population lyonnaise. Dans un billet de Lafayette, échappé à la vigilance de ses gardiens et publié depuis, nous trouvons le jugement suivant sur le prétendu républicanisme de la terreur, et sur la perfide diplomatie des monarques alliés. « Je ne parlerai point des << affaires publiques; un homme mort depuis vingt<«<et-un mois les jugerait mal; la liberté dont l'Eu<<< rope sent le besoin, que l'Angleterre perd à regret, «< que la France rappelle par des vœux secrets, n'en <«<est pas moins assassinée par la double faction des «< comités jacobins et des cabinets coalisés. S'il est

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« étrange de respecter des brigands parce qu'ils se « disent patriotes, et de se croire libres parce qu'une vingtaine de mots républicains a été cou« sue au plus infâme système de tyrannie, il ne « l'est pas moins de s'imaginer que la souveraineté « nationale, placée entre cette nouvelle usurpation. « et l'antique rébellion des despotes, puisse gagner quelque chose au succès des alliés ; et lors même <«< que ceux-ci déguiseraient l'aristocratie, l'intolé<< rance et l'autorité arbitraire sous quelques dehors « soi-disant constitutionnels, je ne puis en vérité « me persuader que la cause de l'humanité doive « être réellement servie par les puissances conju« rées contre elle. »

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Pendant que les rois de l'Europe et tous les partisans de l'ancien ordre de choses, exerçaient ainsi leur implacable haine, la réputation, la fortune, les familles et les amis de ces proscrits étaient livrés à toutes les fureurs des partis anarchistes et terroristes qui se succédaient en France; l'accusation de fayettisme était un arrêt de mort, on la trouve seule sur des écrous, et même dans des condamnations. Et combien n'a-t-on pas vu de bons citoyens, d'hommes recommandables par leurs vertus ou leurs talens, professer jusques devant les tribunaux révolutionnaires et sur l'échafaud, leur attachement à ses principes et à sa personne ! « Voilà une compagnie de fayettistes, » disait à la première bataille de Fleurus un officier général, en passant devant un bataillon de garde nationale.

« Oui, nous le sommes, s'écria le capitaine, et << nous allons vous montrer comment ils se battent.>> << Ils furent presque tous tués. Lafayette était en même temps, de la part des amis de la liberté dans les deux hémisphères, l'objet du plus ardent intérêt et des plus vives réclamations. Les journaux patriotes d'Allemagne, d'Angleterre, d'Amérique, retentissaient de son nom. Le président des ÉtatsUnis, Washington, envoya un ministre à Berlin, et écrivit personnellement à l'empereur d'Autriche. Deux motions spéciales en faveur de ces prisonniers de la coalition furent faites au parlement d'Angleterre par le général Fitz-Patrick. Soutenues par toute l'éloquence des orateurs de l'opposition, elles furent combattues (1) par tous les sophismes et l'influence du ministère. Dans tous les cas, ces efforts

(1) « Je ne croirai jamais, disait noblement Fitz-Patrick, « que ce pays puisse haïr un homme né en France, parce « que cet homme a institué dans l'origine ces gardes na«<tionales qui, après avoir maintenu, pendant deux ans, << sous ses ordres, la sûreté, les propriétés et le repos de << la capitale de la France, ont mis ensuite ce pays à même << de maintenir son indépendance, et d'établir le gouver<< nement de son choix contre tous les efforts de l'Europe conjurée. Encore moins consacrerai-je l'idée que sur un << seul coin de terre britannique, que dans les replis d'un << seul cœur anglais puissent se cacher des conceptions <«< assez étroites, une vengeance assez basse, pour voir «<l'ami et le pupille de l'illustre Washington périssant << dans un cachot, à raison de ses principes politiques, « fût-il même vrai qu'il eût puisé ces principes en soute«< nant la cause de l'Amérique contre la Grande-Bretagne. »

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eussent été insuffisans contre une animadversion si voilente et si invétérée. La France victorieuse s'occupa enfin des prisonniers d'Olmütz; les conseils se mirent en mouvement; le Directoire chargea ses plénipotentiaires, les généraux Bonaparte et Clarke, de demander, avant la signature de la paix, la délivrance de Lafayette, Latour-Maubourg et Bureaude-Puzy. Cette négociation dura encore cinq mois ; et Napoléon a souvent répété depuis que de toutes ses négociations avec les puissances étrangères, celle-ci avait été la plus difficile, tant était grande leur répugnance à se dessaisir de leur proie. Mais qui pouvait résister aux armes triomphantes de la France et à l'ascendant prodigieux de Bonaparte! On fit néanmoins une tentative pour imposer des conditions aux prisonniers, à qui toute communication était interdite. Le lieutenant-général marquis de Chasteler, en fut chargé; on jugera la nature de cette démarche par la déclaration suivante de Lafayette.

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« La commission dont M. le marquis de Chasteler est chargé me paraît se réduire à trois points 1° Sa Majesté Impériale souhaite faire <<< constater notre situation ; je ne suis disposé à lui porter aucune plainte. On trouvera plusieurs dé« tails dans les lettres de ma femme transmises ou << renvoyées par le gouvernement autrichien; et, « s'il ne suffit pas à Sa Majesté Impériale de relire « les instructions envoyées de Vienne en son nom, je donnerai volontiers à M. le marquis de Chas

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