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<< sollicita vainement d'y être enfermé avec lui; on « le conduisit à Glatz, où bientôt on amena égale«ment Bureau-de-Puzy. Mais ce ne fut qu'au mo«ment de les livrer à l'Autriche qu'on les réunit « tous trois à Neiss.

« Alexandre Lameth, dangereusement malade, «< ne put être transporté avec ses compagnons d'in« fortune.

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Après de vives sollicitations, sa mère, qui par << ses vertus jouissait d'une considération si mé« ritée, obtint de Frédéric-Guillaume, que son fils « restât prisonnier dans ses états; et quelque temps après, la paix ayant été conclue entre ce monar<< que et les Français, elle parvint à lui faire rendre « la liberté.

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« Le roi de Prusse, qui ne voulait pas que la paix <«< qu'il venait de faire en France, le forçât à relâ«< cher ses victimes, livra ses prisonniers à l'Autri«< che on les conduisit à Olmütz.

« On déclara à chacun d'eux, en les renfermant séparément dans leurs cellules, qu'ils ne ver«raient plus à l'avenir que leurs quatre murailles; qu'ils n'auraient de nouvelles ni des choses, ni « des personnes; qu'il était défendu, même aux « geôliers, de prononcer leurs noms, et que dans « les dépéches de la cour, ils ne seraient désignés « que par leurs numéros ; qu'ils ne seraient jamais « rassurés sur le sort de leurs familles, ni sur leur « existence réciproque ; et que cette situation por<< tant naturellement au suicide, on leur interdisait

« couteau, fourchette, et tous moyens quelconques « de destruction.

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Après trois attestations de médecins sur l'indispensable nécessité de faire respirer à Lafayette « un air un peu plus pur que celui de son cachot, « après avoir trois fois répondu que Lafayette, << n'était point encore assez mal, on lui permit « enfin de se promener, sans attacher à cette fa<< veur aucune condition expresse, mais en le sur« veillant avec rigueur; car il est faux que Lafayette « ait joui de cette liberté, ainsi qu'on a voulu le « faire croire, en vertu d'un engagement d'hon<< neur de ne pas chercher à s'évader.

« On connaît l'entreprise du docteur Bollmann « et du jeune Huger, fils du major Huger, de la « Caroline du sud, chez lequel Lafayette avait débarqué la première fois en Amérique.

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« Bollmann étant parvenu, après plusieurs mois « de tentatives infructueuses, à faire tenir secrète<«<ment un billet au prisonnier, exécuta le projet « le plus hardi: il se rendit à Vienne, en ramena « le jeune Huger, se porta avec lui sur le lieu où << on devait conduire Lafayette pour prendre l'air, «<et tous deux tentèrent de l'enlever au moment où, ayant écarté quelques-uns de ses gardiens, il s'efforçait de désarmer celui qui restait près de lui. <«< Dans cette lutte, Lafayette se donna un vio«lent effort dans les reins, et le caporal-geôlier, « contre lequel il combattait et qu'il avait désarmé, « lui déchira la main jusqu'à l'os.

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« Ses généreux défenseurs parvinrent à le met«tre à cheval, avec un tel oubli de leur propre « sûreté, qu'ils eurent peine à retrouver leurs che« vaux pour s'échapper eux-mêmes. Cette perte de temps et les cris des gardiens avaient attiré du « monde et des troupes ; Hnger (1) fut bientôt pris. Lafayette, séparé de Bollmann, fut arrêté à << huit lieues d'Olmütz, d'autant plus facilement qu'il était sans armes. Bollinann parvint dans les « états prussiens; mais le roi de Prusse eut l'inhu<<manité de le livrer aux Autrichiens.

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« Tandis que Lafayette, réservé pour l'échafaud, << était torturé dans les prisons d'Olmütz, sa femme, « incertaine de son existence, et condamnée à d'é<«<ternelles douleurs, attendait chaque jour, dans «<les prisons de Paris, qu'on la conduisît au supplice par lequel avait péri la meilleure partie de « sa famille. La chute des tyrans lui sauva la vie ; mais elle ne recouvra que très-long-temps après sa liberté, et les forces nécessaires pour exécuter ses « desseins. Débarquée à Altona, le 9 septem«bre 1795, elle partit pour Vienne sous le seul << nom de Motier, avec un passeport américain, et « arriva à Vienne avant qu'on pût être prévenu de << son dessein et armé contre ses réclamations (2).

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(1) Le généreux Huger se livra pour faciliter la fuite des deux autres.

(2) Elle avait envoyé le jeune Georges Lafayette en Amérique, chez le général Washington, où il trouva une seconde maison paternelle.

« Le prince de Rozemberg, touché de ses vertus, " obtint pour elle et pour ses filles une audience de << l'empereur, dont on croit pouvoir rapporter fidè«<lement tous les détails.

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« Madame Lafayette, dont le but principal était << de partager la captivité de son mari, en obtint la permission; et trouvant l'empereur assez facile << sur ce point, elle tenta de lui faire sentir qu'il de« vrait, en consultant la justice et l'humanité, ren« dre la liberté à Lafayette. Ce prince lui répondit : « Cette affaire est compliquée ; j'ai les mains liées « là-dessus; mais j'accorde avec plaisir ce qui est « en mon pouvoir, en vous permettant de rejoin«dre M. de Lafayette : je ferais comme vous, si «j'étais à votre place. M. de Lafayette est bien « traité; mais la présence de sa femme et de ses « enfans sera une consolation de plus. L'empe« reur ajouta : « Chez nous on prend les prisonniers d'état, on les numérote, et on ne sait plus ce qu'ils deviennent ; je sais ça, par exemple. »

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«Il est facile de juger quelle impresssion dut << recevoir Lafayette à l'apparition subite de sa « femme et de ses enfans, dont l'existence était depuis long-temps pour lui un objet de crainte et « d'incertitude, et ce que ses tendres et jeunes «< filles dûrent éprouver avec leur mère, à l'aspect « de ses membres décharnés et de son extrême pâ<«<leur; mais on ne s'attend pas à voir leurs embras<< semens suspendus par l'ordre de remettre tout ce qu'elles portaient sur elles.

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« Enfin la santé de cette malheureuse femme, ་ altérée par seize mois de prison et d'affreux chagrins en France, présentant tous les symptômes « d'une prochaine dissolution de la masse du sang, «<elle crut devoir tenter quelques efforts pour con« server ses jours, et elle écrivit à l'empereur pour « lui demander la permission de passer une se<< maine à Vienne, d'y respirer un air plus sain, « et d'y consulter un médecin. Après deux mois << d'un silence qui suppose l'obligation de consulter « pour les moindres choses, le commandant de la prison, jusque là inconnu à M. de Lafayette, en«tra chez elle, ordonna, sans qu'on sache pourquoi, que ses jeunes filles fussent mises dans une « chambre à part, signifia à Madame de Lafayette <«< la défense de jamais paraître à Vienne, et lui <«< donna la permission de sortir, à condition de ne << jamais rentrer; il lui prescrivit d'écrire et de signer «< son choix; elle écrivit :

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« J'ai dû à ma famille et à mes amis de deman« der les secours nécessaires à ma santé, mais ils « savent bien que le prix qu'on y altache n'est pas acceptable pour moi. Je ne puis oublier que, « tandis que nous étions prêts à périr, moi, par tyrannie de Robespierre, mon mari, par les souffrances physiques et morales de sa captivité, il « n'était permis d'obtenir aucune nouvelle de lui « ni de lui apprendre que nous existions encore, ses enfuns et moi; et je ne m'exposerai pas à l'hor« reur d'une nouvelle séparation. Quel que soit

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