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«< constitutionnel qui va commencer. La liberté «naissait entourée de signes de paix, lorsque ses « ennemis, provoquant les défenseurs du peuple, « nécessitèrent la naissance inattendue des gardes « nationales, leur organisation spontanée, leur al«liance universelle, enfin ce développement de « forces civiques qui rappelait l'usage des armes à « sa véritable destination, et justifiait cette vérité qu'il m'est doux de répéter aujourd'hui, que pour « qu'une nation soit libre, il suffit qu'elle le « veuille. Mais il est temps de donner d'autres « exemples, et ceux-là, qui seront encore plus im<< posans, sont d'une force irrésistible qui ne s'exerce « que pour le maintien des lois.

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« J'aime à rappeler ici, messieurs, comment, << au milieu de tant de complots hostiles, d'intri«gues ambitieuses, d'égaremens licencieux, vous «avez opposé à toutes les combinaisons perverses « une infatigable fermeté; aux fureurs des partis, « aux séductions de tous les genres, le pur amour << de la patrie; comment enfin, au milieu des orages « de vingt-sept mois de révolution, vous n'avez « calculé les dangers que pour multiplier votre vi«gilance, et leur importance, qu'autant qu'ils pouvaient compromettre ou servir la liberté. « Sans doute, nous avons eu trop de désordres à déplorer, et vous savez quelle impression dou«<loureuse et profonde ils ont toujours faite sur << moi; sans doute nous-mêmes nous avons eu des « erreurs à réparer; mais quel est celui qui, en se

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rappelant non-seulement les grandes époques de « la révolution où la chose publique vous doit «tant, mais encore ce dévouement de tous les «< instans, ces sacrifices sans bornes d'une portion << des citoyens pour la liberté, le salut, la prospé«< rité et le repos de tous; en réfléchissant surtout « à cet état provisoire qui ne fait que cesser pour « vous, et où la confiance devait sans cesse suppléer à la loi ; quel est, dis-je, parmi ceux mêmes « qui vous provoquaient, et que vous protégiez, « celui qui oserait blåmer aujourd'hui les hom«mages que vous doit un ami sincère, un général juste et reconnaissant?

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« Gardez-vous cependant de croire, messieurs, << que tous les genres de despotisme soient détruits, << et que la liberté, parce qu'elle est constituée et «< chérie parmi nous, y soit déjà suffisamment éta«blie. Elle ne le serait point, si d'un bout de l'empire à l'autre tout ce que la loi ne défend pas « n'était pas permis; si la circulation des personnes, « des subsistances, du numéraire, éprouvait quela que résistance; si ceux qui sont appelés en ju«gement pouvaient être protégés contre la loi; si « le peuple, négligeant ses plus précieux devoirs et sa dette la plus sacrée, n'était ni empressé « de concourir aux élections, ni exact à payer les << contributions publiques; si des oppositions arbi« traires, fruit du désordre ou de la méfiance, pa«ralysaient l'action légale des autorités légitimes; << si des opinions politiques ou des sentimens per

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<< sonnels, si surtout l'usage sacré de la liberté de « la presse pouvaient jamais servir de prétexte à « des violences; si l'intolérance des opinions religieuses, se couvrant du manteau de je ne sais quel patriotisme, osait admettre l'idée d'un culte « dominant ou d'un culte proscrit; si le domicile << de chaque citoyen ne devenait pas pour lui un << asile plus inviolable que la plus inexpugnable « forteresse; si, enfin, tous les Français ne se croyaient pas solidaires pour le maintien de leur « liberté civile, comme de leur liberté politique, << et pour la religieuse exécution de la loi ; s'il n'y « avait pas dans la voix du magistrat qui parle en « son nom, une force toujours supérieure à celle << des millions de bras armés pour la défendre.

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« Puissent tous les caractères, tous les bienfaits « de la liberté, en consolidant de plus en plus le « bonheur de notre patrie, récompenser dignement « le zèle de toutes les gardes nationales de l'empire, armées pour la même cause, réunies par « un même sentiment! et qu'il me soit permis de « leur exprimer ici une reconnaissance, un dé« vouement sans bornes, comme le furent, pen«dant cette révolution, les témoignages de con«< fiance et d'amitié dont elles m'ont fait jouir.

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Messieurs, en cessant de vous commander, à << cet instant pénible de notre séparation, mon cœur, pénétré de la plus profonde sensibilité, recon« naît plus que jamais les immenses obligations qui l'attachent à vous. Recevez les vœux de l'ami

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«<le plus tendre, pour la prospérité commune, <«< pour le bonheur particulier de chacun de vous, <«<et que son souvenir, souvent présent à votre pensée, se mêle au serment qui nous unit tous « de VIVRE LIBRE OU MOurir.

« LAFAYETTE. »

Il fit le même jour un discours d'adieux à la commune, et quitta cette capitale où il avait constamment joui d'une popularité immense, d'autant plus pure et d'autant plus remarquable qu'elle avait sans cesse été employée à réprimer les intrigues factieuses, les excès de fureur ou la licence qui ont pris depuis un si terrible et si funeste développement. Il se retira dans son pays natal, à cent vingt lieues de Paris. Partout sur son passage on le combla d'honneurs volontaires et de marques d'affection. La garde nationale de Paris lui offrit la statue de Washington, et une épée forgée des verroux de la Bastille. Plusieurs citoyens tentèrent de rappeler Lafayette, en le faisant nommer maire au lieu de Péthion, qui était porté par les Jacobins. La cour employa son influence en faveur de Péthion; et comme les amis du général savaient qu'il n'ambitionnait pas cette dignité, le candidat des Jacobins et de la cour eut un succès facile.

Pendant ce temps, l'émigration devenait générale; les rassemblemens s'armaient au dehors; la coalition se développait; il devint nécessaire de former trois armées de cinquante mille hommes. Luckner, Rochambeau et Lafayette, furent les

trois généraux choisis pour les commander. Lorsque, passant par Paris pour se rendre à son quartier-général, Lafayette se présenta à l'Assemblée législative, le président lui dit que la nation opposait avec confiance à ses ennemis la Constitution et Lafayette. Il s'occupa avec succès des moyens de rétablir la discipline, fit un réglement plus sévère que les réglemens en vigueur, et parvint à faire considérer la négligence comme un signe d'aristocratie, et l'exactitude comme le caractère du patriotisme; enfin, il fit naître et régner dans l'armée cette simplicité si opposée à l'ancien luxe des troupes françaises, et qui depuis a tant facilité nos triomphes.

Pendant ce temps, le ministre Narbonne, qui avait la confiance des généraux et des troupes, perdit sa place, et la chute de ses collègues suivit de près la sienne. On leur substitua un ministère que les jacobins et l'intendant de la liste civile formèrent d'un commun accord; Dumouriez en fut le chef. La guerre ne tarda pas à être déclarée.

Parmi les intrigues étrangères et intérieures qui eurent lieu alors, on en trama une dans le but de perdre Lafayette. Le 24 au soir, il reçut l'ordre de former un corps d'armée et un train d'artillerie pour étre le 30 à Givet; il fut prêt en vingt-quatre heures, et fit en cinq jours cette marche imprévue de cinquante-six lieues, de manière que, tandis les échecs de Lille et de Mons affligeaient les bons citoyens, on ne put que le remercier, lui, de

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