triotisme qui l'animaient, se mit en marche pour Versailles, après avoir été passée en revue par Lafayette, dans les Champs-Élysées. La veille, une faible avant-garde, commandée par le colonel Poque, avait été dirigée sur ce point, pour suivre les mouvemens de l'ennemi, et réclamer les diamans de la couronne, que la famille royale avait emportés. Cette mission donna lieu à l'échange de quelques parlementaires, et c'est en cette qualité que le colonel Poque, dont le caractère sacré fut indignement méconnu par un général, aujourd'hui en activité de service (1), reçut le feu d'un peloton suisse, qui tua le cheval et fracassa le pied de ce brave officier. Dans la nuit qui suivit le départ de l'armée patriote, Lafayette reçut, à l'Hôtel-de-Ville, la visite d'un officier général qui, s'étant trouvé à Rambouillet au moment où Charles X passait la revue de ses troupes, avait profité de cette occasion pour recueillir les détails les plus exacts sur les forces de l'armée royale. Cette armée se composait encore de quarante pièces de canon et d'un effectif de douze mille hommes, dont trois beaux régimens de cavalerie. Lafayette ne fut pas sans inquiétude en pensant que cette artillerie et cette cavalerie, qu'on lui disait être (1) Je dois dire ici que lorsque Lafayette ordonna que le général qui avait fait tirer sur un parlementaire passât à un conseil de guerre, le colonel Poque eut la générosité d'implorer la grâce de ce Vandale, et d'insister même pour que son nom ne fût pas mis à l'ordre du jour. animées du plus mauvais esprit, pouvaient, dans les plaines de Rambouillet, combattre avec avantage les patriotes, dont la formation avait été si spontanée et si incomplète. Il transmit aussitôt les renseignemens qu'il venait de recevoir au général Pajol, en l'engageant, en cas d'attaque, à gagner les bois, où les volontaires ne manqueraient point de reprendre leur supériorité. Heureusement le mouvement rapide et hardi de l'armée parisienne en avait imposé à la famille royale, et le choc redouté n'eut pas lieu. Les trois commissaires du gouvernement provisoire, MM. Maison, OdilonBarrot et de Schonen, arrivèrent à Rambouillet, où l'on convint que les diamans de la Couronne seraient rendus, et que la famille royale se retirerait sur Cherbourg à petites journées, et suivie des troupes qui voudraient l'accompagner jusqu'à la frontière. Ce fut encore un spectacle sans exemple dans les annales du monde, que celui que présenta cette immortelle journée. D'un côté, un roi parjure qui, après avoir déchiré le pacte fondamental, proclamé le pouvoir absolu, fait mitrailler et égorger ses compatriotes pendant trois jours, ordonné d'arrêter et de fusiller ces mêmes hommes qui le tenaient alors en leur pouvoir, traversait la France entière, sous la protection de trois commissaires revêtus de la cocarde tricolore, à travers des populations encore émues de colère, sans cependant, qu'un seul ressentiment vînt insulter à des malheurs si mérités. D'un autre côté, quinze ou vingt mille volontaires parisiens regagnant leurs foyers, sans qu'un seul excès eût marqué leur passage. C'étaient ensuite les voitures de la cour, couvertes de dorures et traînées par huit chevaux caparaçonnés, remplies au dedans, surchargées au dehors de patriotes riant aux éclats de se trouver assis sur le velours de la royauté, mais respectant jusqu'à ces débris d'une vanité châtiée. Voici l'ordre du jour que Lafayette publia à l'issue de cette expédition aventureuse. ་་ ་་ Ordre du jour du 5 août. «Tant de prodiges ont signalé la dernière se« maine, que, lorsqu'il s'agit de courage et de dé<< vouement, on ne peut plus s'étonner de rien. Le « général en chef croit néanmoins devoir exprimer « la reconnaissance publique et la sienne, pour la promptitude et le zèle avec lesquels la garde na«<tionale et les corps volontaires se sont précipités <«< sur la route de Rambouillet, pour mettre fin « à la dernière résistance de l'ex-famille royale. Il « doit aussi des remercîmens aux braves de Rouen, « Louviers et Elbeuf, qui, venant fraterniser avec « nous, n'ont pas cru pouvoir mieux remplir cet objet qu'en s'unissant à l'armée d'expédition, sous « les ordres du général Pajol et du colonel Jacque<< minot. ་་ ་་ « Au milieu des services rendus à la patrie par «< la population parisienne et les jeunes gens des ་་ écoles, il n'est aucun bon citoyen qui ne soit pé« nétré d'admiration, de confiance, je dirai même « de respect, à la vue de ce glorieux uniforme de « l'École Polytechnique, qui, dans ce moment de «< crise, a fait de chaque individu une puissance pour << la conquête de la liberté et le maintien de l'ordre « public. Le général en chef prie les élèves de l'É་་ cole Polytechnique de désigner un de leurs cama«<rades pour rester auprès de lui en qualité d'aidede-camp. « Le colonel Poque, aide-de-camp du général en «< chef, était envoyé depuis quatre jours, par la com<< mission provisoire et par lui, pour suivre le mou«ment des troupes royales, et remplir une mission << de patriotisme et de générosité. C'est, lorsqu'il «attendait le retour d'un parlementaire, qu'on a « tiré sur lui, et qu'il a été grièvement blessé. Une « enquête sévère aura lieu sur cet attentat. Le gé« néral en chef se borne dans ce moment à faire «< connaître la conduite intrépide, intelligente et généreuse du colonel Poque, et à rendre justice « au jeune M. Dubois, qui a montré dans cette oc<«< casion une intelligence et un courage remarqua« bles, ainsi qu'au brave brigadier de cuirassiers « Pradier, et quelques autres qui étaient près du « colonel. « Les braves volontaires qui, sous les ordres de << leur intrépide chef Joubert, ont tant fait dans les « trois grandes journées, se sont encore distingués << sous les ordres du même chef, vraiment digne |