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aussi la pensée de la reine. Quoi qu'il en soit, c'est en demandant à la tribune des mesures sévères contre les perturbateurs, que Lafayette fit entendre ces paroles qui, depuis, lui furent tant de fois et si amèrement reprochées que, « l'insurrection « contre le despotisme était le plus saint des devoirs, « et que, sous un gouvernement libre, c'était l'obéis"sance aux lois. "}

Lafayette appuya de tout son pouvoir les mesures de fermeté prises contre la garnison de Nancy qui s'était insurgée, et il réclama l'approbation de l'assemblée en faveur de la conduite que M. de Bouillé tint à cette occasion. Il demanda le jury anglais dans toute sa pureté ; et lorsqu'éclatèrent ces discussions religieuses, dont l'esprit de parti parvint, de part et d'autre, à faire un schisme, il fut, tant à l'Assemblée que dans l'exercice de ses fonctions de commandant-général, l'apôtre et le défenseur de la liberté et de l'égalité des cultes ; il protégea hautement celui-là même qui était le plus impopulaire et qu'on pratiquait dans sa propre famille; aussi reçut-il les remercîmens des prêtres non assermentés, et de plusieurs couvens de religieuses, où on faisait des prières pour Lafayette; il parla en faveur des propriétaires hommes de couleur. « L'Assemblée nationale, dit-il, convoque les co<«<lons pour délibérer sur leurs intérêts; n'est-il

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pas évident que les hommes libres propriétaires, « cultivateurs, contribuables d'une colonie, sont «< colons? Or, ceux dont il est question sont con

«< tribuables, cultivateurs, propriétaires, libres; << sont-ils aussi des hommes? moi je le pense, etc.>> Lafayette ne voulut accepter de la commune de Paris, ni dédommagement, ni appointemens, tout en déclarant cependant qu'il ne mettait pas plus d'importance à les refuser qu'à les recevoir. Le public a su, pour la première fois, par les Mémoires de Bouillé, qu'il avait refusé le bâton de maréchal, l'épée de connétable, et même la lieutenance-générale du royaume; offres positives et plus d'une fois renouvelées. C'est ainsi que, dans les assemblées populaires de l'Hôtel-de-Ville, et particulièrement à l'occasion d'une motion spéciale de l'abbé Fauchet, il avait repoussé les propositions de dictature et de commandement général des citoyens armés. Il alla plus loin : à l'époque de la grande fédération de 90, sachant que toutes les députations arrivaient avec le projet de lui conférer ce commandement général, il se hâta de faire une motion à l'effet d'obtenir un décret tendant à ce que personne ne pût être investi du commandement des gardes nationales de plus d'un département, ou même d'un district. Un jour que, revenant de passer une revue, il était reconduit à l'Assemblée, au bruit des acclamations d'une foule immense et ivre d'enthousiasme, il saisit cette occasion pour déclarer à la tribune sa détermination formelle de rentrer dans la classe des simples citoyens, aussitôt que la constitution serait terminée.

Dans la fameuse séance où fut proclamée l'abo

lition des titres nobiliaires, Lafayette appuya vivement cette proposition; il s'opposa même à toute exception en faveur des princes du sang, et il insista pour que le principe constitutionnel d'égalité entre les citoyens fùt constaté sur-le-champ.

Le 14 juillet 1790, major-général de la fédération, dont le roi était le chef, Lafayette prêta, sur l'autel de la patrie, le serment civique, au nom de quatre millions de gardes nationaux représentés par quatorze mille députés. La popularité dont il jouissait éclata à cette époque, et surtout à cette occasion solennelle, avec un enthousiasme qui lui fit dire dans un discours adressé aux fédérés : « Que l'am«bition n'ait pas de prise sur vous; aimez les amis « du peuple, mais réservez l'aveugle soumission « pour la loi, et l'enthousiasme pour la liberté. « Pardonnez ce conseil, messieurs, vous m'en avez « donné le droit glorieux lorsque, réunissant tous « les genres de faveur qu'un de vos frères puisse « recevoir de vous, mon cœur, au milieu de sa « délicieuse émotion, n'a pu se défendre d'un mou«vement d'effroi. » — En prenant congé de lui, les députations lui firent ainsi leurs adieux : « Les « députés des gardes nationales de France se reti<< reront avec le regret de ne pouvoir vous nom« mer leur chef; ils respecteront la loi constitu«<tionnelle qui arrête en ce moment l'impulsion « de leurs cœurs, et, ce qui doit vous couvrir à ja« mais de gloire, c'est que vous-même avez provoqué cette loi, c'est que vous-même avez prescrit « des bornes à notre reconnaissance. »

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Dans la journée du 28 février 1791, après avoir réprimé une émeute excitée à Vincennes dans le but de l'attirer hors de Paris, lui en fermer les portes, et même attenter à ses jours, Lafayette revint au château, où s'était formé, dans les appartemens et par des passages intérieurs, un rassemblement armé, auquel on a donné le nom de chevaliers du poignard. Les murmures de la garde nationale de service avaient suffi pour dissiper cette étrange réunion, dont le roi lui-même blâma l'imprudence et sentit le danger. La présence de Lafayette démentit le bruit de sa mort déjà répandu. Il demanda que les armes déposées, et parmi lesquelles il y avait effectivement des poignards, fussent livrées à la garde nationale, et un ordre du jour annonça que les chefs de la domesticité, pour nous servir de ses expressions, avaient reçu l'injonction de ne plus souffrir de pareilles entreprises. C'est ainsi qu'il eut continuellement à défendre la liberté et l'ordre public contre les complots et les efforts, souvent simultanés, quelquefois combinés, des diverses factions qui, depuis, et lorsque les institutions régulières furent enfin établies, firent une si violente et si funeste explosion.

Le 11 avril de la même année, une émeute, évidemment préparée dans l'ombre, s'étant opposée au voyage ordinaire du roi à Saint-Cloud, Lafayette fut, pour la première et la seule fois, mécontent de la garde nationale de service; il le

fut aussi des autorités civiles et de la cour; il donna sa démission. La commune en corps et tous les bataillons réunis allèrent le conjurer de reprendre le commandement.

L'évasion du roi, contre laquelle on avait pris toutes les précautions compatibles avec la liberté dont jouissait le chef suprême de l'État, fut pour Lafayette une crise d'autant plus imprévue, que les paroles positives et le ton de sincérité du monarque l'avaient mis récemment dans le cas de démentir les soupçons qui s'élevaient, et de répondre publiquement et sur sa tête que le roi ne partirait pas (1). « En effet, dit un historien, la fu«reur du peuple contre Lafayette fut extrême; elle s'apaisa quand le peuple vit la tranquillité avec « laquelle il s'avançait sans escorte, au milieu « des rugissemens d'une foule prodigieuse qui s'é«tait réunie devant l'Hôtel-de-Ville. Quelques «< lamentations sur le malheur public qui venait d'arriver, et qui semblaient interpeller Lafayette, « lui fournirent l'occasion de dire à ceux qui se « désolaient, que s'ils appelaient cet événement un « malheur, il voudrait bien savoir quel nom ils « donneraient à une contre-révolution qui les pri« verait de la liberté. »

Le même témoin oculaire (2) ajoute que dans

(1) Histoire de France de Toulongeon. Voyez les Pièces justificatives.

(2) Bureaux-Puzy.

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