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Lorsque, le 8, la chambre fut envahie, et que ses membres en trouvèrent les portes fermées, Lafayette les invita à se rendre chez lui, et de là plus de deux cents députés allèrent chez le président Lanjuinais signer la protestation suivante.

Protestation contre la fermeture des portes de la Chambre.

Journée du 8 juillet 1815, dix heures du matin.

«Dans la séance du jour d'hier, sur le message par lequel la commission du gouvernement annonçait qu'elle cessait ses fonctions, la Chambre des Représentans passa à l'ordre du jour. Elle continua ensuite ses délibérations sur les dispositions du projet d'acte constitutionnel dont la rédaction lui fut expressément recommandée par le peuple frauçais; et lorsqu'elle suspendit sa séance, elle s'ajourna à ce jour, 8 juillet, à huit heures du matin.

<«< En conséquence de cet ajournement, les membres de la Chambre des Représentans se sont rendus au lieu ordinaire de leurs séances. Mais les portes du palais étant fermées, les avenues gardées par la force armée, et les officiers qui la commandaient ayant annoncé qu'ils avaient l'ordre formel de refuser l'entrée du palais,

«Les soussignés, membres de la Chambre, se sont réunis chez M. Lanjuinais, président, et là ils ont dressé et signé individuellement le présent

procès-verbal pour constater les faits ci-dessus. » A Paris, les jour et an ci-dessus.

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(Suivent les signatures.)

Le comité chargé de présenter la déclaration, aux puissances, n'ayant pu s'en acquitter, Lafayette l'adressa au comte Capo-d'Istria; la lettre qui contenait cet envoi, ainsi que son adhésion, finissait par ces mots : « Avez-vous eu la bonté de parler « d'une femme malheureuse (1) dont la mère a eu « pour moi, pendant ma capitivité, des procédés que je ne puis oublier, dussé-je être aujourd'hui appelé « bonapartiste par les puissans ennemis de Napoléon, quoique ni eux, ni leurs ambassadeurs, ni leurs enfans, ne m'aient jamais rencontré chez lui?>> Il retourna ensuite dans sa retraite de Lagrange, qu'il ne quitta un moment que pour aller porter, dans un banquet américain, son toast à la mémoire des soldats américains et français, morts en défendant leur patrie contre l'invasion étrangère.

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La nomination de Lafayette, élu à la Chambre des Députés, pendant le congrès d'Aix-la-Chapelle, y fit une grande sensation. Durant le cours de ses travaux législatifs comme député, d'abord de la Sarthe, et ensuite de l'arrondissement de Meaux, il défendit avec constance et sans déguisement les principes de toute sa vie. En combattant, en 1819, la résolution de la Chambre des pairs contre la loi des élections, déjà si étroite et si bornée, il demanda

(1) La Reine Hortense.

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le jury recouvrât toutes ses formes protectrices, que le rappel des bannis mît fin aux mesures « de proscription. » Il appela le régime municipal d'alors, «< un arbitraire avoué, une féodalité déguisée; » il dit « que Finstitution des gardes « nationales avait pu seule résoudre le problème de «l'alliance de la liberté, dans un grand État con་་ tinental, avec la sûreté de son territoire et de son <«< indépendance, et il déclara que l'invasion étrangère, en 92, avait seule pu assurer le triomphe «< de l'anarchie, fatale alliance, ajouta-t-il, de l'oli«garchie et du despotisme déjà révélée par quel« ques-uns de ses complices, et que les révélations « de l'histoire flétriront de plus en plus. >> Le tumulte de la séance du 17 mai ayant empêché d'entendre les diverses opinions qui y furent exprimées sur le rappel des bannis, il publia la sienne. En parlant, la même année, sur le budget, il établit « que « le principal objet des sociétés était d'être gouver«nées le mieux et au meilleur marché possible ; » il réclama la plus étroite spécialité dans les articles du budget; il demanda aussi qu'on n'employât que «des Français, et des Français, tant qu'il en « reste, ayant combattu sous les drapeaux de la << patrie; » enfin il rappela sur la garde nationale les trois conditions essentielles de la loi de 91, <«< armement de la nation, subordination de la force << armée à l'autorité civile, et nomination des officiers << par les citoyens. C'est de cette institution, dit-il, que sont sorties ces héroïques armées, produit du

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« patriotisme national et de l'égalité civique, dont <«<les glorieux débris, rentrés dans leurs foyers, y « donnent aujourd'hui l'exemple des vertus domestiques et de tous les sentimens propres aux bons citoyens.»> On trouve dans son discours cette pensée remarquable: «L'Assemblée constituante trouva «<< impossible de rien réformer sans tout changer. Si « les reconstructions furent imparfaites, les princi«pes généraux étaient sans doute, quoiqu'on en dise, «< bien salutaires; car, malgré tout ce qu'on perdit << ensuite par l'anarchie, le terrorisme, le maxi« mum, la banqueroute et la guerre civile, malgré << une lutte terrible contre toute l'Europe, il reste « une vérité incontestable: c'est que l'agriculture, l'industrie, l'instruction publique de la France, << l'aisance et l'indépendance des trois quarts de sa population, et je le répéterai, les mœurs publi«<ques se sont améliorées à un degré dont il n'y a « pas d'exemple dans aucune égale période de l'his<«<toire, ni dans aucune partie de l'ancien monde.»

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En 1820, Lafayette fit une proposition spéciale pour la réorganisation de la garde nationale. « Je « suis plein de confiance, disait-il, pour notre jeune «< armée : elle se montrera, dans l'occasion, toujours brave, toujours patriote, deux conditions <<< essentielles de l'honneur pour les guerriers d'un « pays libre. Nommer nos vétérans, c'est retracer << leur gloire et notre reconnaissance. Mais la patrie « réclame une troisième barrière de notre indépen« dance et de notre territoire, une indispensable

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garantie de la liberté et de l'ordre légal : c'est la garde nationale. » Cette proposition fut ajournée. Le 2 mars, en défendant le droit de pétition, il fit entendre ces mots : « Messieurs, on nous a « parlé de coups d'état, de moyens extrémes, on « a même daigné nous rassurer à cet égard ; et en « vérité, après que le peuple français a tour-à<«< tour épuisé les coups d'état du jacobinisme, du despotisme et de l'aristocratie, lorsqu'il a été chè<< rement averti de ne plus prendre à l'avenir des « ordonnances pour des lois, des commandemens « pour des budgets, et l'arbitraire pour un titre à « l'obéissance, une pareille idée ne pourrait exciter <«< qu'un sentiment de commisération pour les in«sensés qui oseraient s'y livrer. Mais il est une « autre manière trop usitée de commettre des coups « d'état, c'est d'en rendre les Chambres compli

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«ces. »

La même année, répondant aux ministres qui, proposant des mesures contre la liberté individuelle, avaient parlé de doctrines pernicieuses, il dit : « Ce << mot d'ordre vient d'être prononcé officiellement <«< par le ministre que je vois devant moi qu'il <<< veuille bien dire s'il a prétendu parler de cette « déclaration de principes qui appela les Français « à la liberté, sur laquelle les révolutionnaires de « 1793 demandaient qu'on étendît un voile, tan« dis qu'elle était invoquée, au nom d'un culte « opprimé, dans le premier manifeste des Vendéens, << et au nom de l'humanité égorgée, dans les procla

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