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différentes. La police spéciale est faite sous l'autorité de ceux qui sont préposés à la police générale, mais par des agents particuliers dont les attributions sont limitées à cet objet. Des commissaires attachés à la Bourse, aux gares de chemins de fer, aux halles et marchés sont des agents de la police spéciale.

La police générale et la police municipale ont des matières communes et il n'est pas toujours facile d'établir sur ce terrain commun les limites de leur compétence. Un désordre local peut quelquefois prendre une extension et une intensité telles qu'il menace de se transformer en révolte ou révolution. La police générale, en ce cas, domine et absorbe la police municipale. De même, il peut se faire, en matière, par exemple, de représentations théâtrales, que la police et la censure aient autorisé une pièce pour toute la France et qu'en raison de l'état des esprits dans une commune, l'autorité municipale en interdise la représentation. C'est ce qui est arrivé plus d'une fois pour l'opéra des Huguenots qu'on jouait à Paris et que la police municipale interdisait dans les villes, ou parce que la population est divisée au point de vue religieux, cette pièce aurait donné lieu à des manifestations bruyantes et même dangereuses.

La loi municipale du 5 avril 1884 a donné au préfet, c'est-à-dire au chef de la police générale dans le département, le pouvoir de forcer la main au maire lorsqu'il néglige de prendre certaines mesures de police municipale. En principe, le maire est chargé de la police municipale sous la surveillance et non sous l'autorité de l'administration supérieure. Le préfet peut annuler ses arrêtés; mais le préfet n'a pas l'initiative et il ne lui appartient pas de se substituer à l'autorité municipale. La question était controversée avant la loi du 5 avril 1884, car plus d'un jurisconsulte soutenait que le préfet a le pouvoir de faire, par un délégué spécial, les actes que le maire négligerait de faire. L'art. 99 de la loi municipale donne au préfet le droit de mettre le maire en demeure d'assurer la salubrité, la sûreté et la tranquillité publiques dans la commune, même d'y pourvoir en cas de résistance ou négligence. « Les pouvoirs qui appartiennent au maire, dit cet article, en matière de police ne font pas obstacle au droit du préfet, pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes les mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. Ce droit ne pourra être exercé par le préfet, à l'égard d'une seule commune, qu'après une mise en

demeure au maire restée sans résultat. » L'exception n'est faite que pour les mesures intéressant la salubrité, la sûreté et la tranquillité publiques. Les autres matières énumérées dans l'art. 97 comme appartenant à la police municipale ne peuvent être traitées de la même manière et le préfet ne vaincra la résistance, le refus ou la négligence du maire qu'en suspendant ou provoquant la destitution s'il y a motif suffisant.

Art. 97. « La police municipale comprend notamment1 :

«< 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou aux autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute, ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles;

«< 2o Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique. telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants, et tous actes de nature à compromettre la tranquilate publique ;

<< 3o Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafes, églises et autres lieux publics;

« 4° Le mode de transport des personnes décédées, les inhumations et exhumations, le maintien du bon ordre et de la décence dans les cimetières, sans qu'il soit permis d'établir des distinctions ou des prescriptions particulières à raison des croyances ou du culte da défunt ou des circonstances qui ont accompagné sa mort;

<< 5° L'inspection sur la fidélité du débit des denrées qui se vendent au poids ou à la mesure, et sur la salubrité des comestibles exposés en vente;

<< 6o Le soin de prévenir par des précautions convenables, et celti de faire cesser par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux, tels que les incendies, les inondations, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties.

1 Le mot notamment fait que l'énumération n'est pas limitative, mais elle est 5 développée qu'elle peut être considérée comme étant complète.

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en provoquant, s'il y lieu, l'intervention de l'administration supérieure ;

<< 7o Le soin de prendre provisoirement les mesures nécessaires contre les aliénés dont l'état pourrait compromettre la morale publique, la sécurité des personnes ou la conservation des propriétés;

<< 8° Le soin d'obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces. »

Le maire a le droit de faire des règlements de police. La contravention à ces règlements s'ils sont légalement faits, est punie d'une amende de simple police. Mais il faut qu'ils soient légalement faits. L'illégalité par le contrevenant comme exception à la poursuite peut être pour le juge de paix un motif de renvoyer l'inculpé. Le juge de paix n'annulera pas le règlement, cette mesure générale étant au-dessus de ses pouvoirs; mais il refuserait de faire application à l'inculpé d'un règlement qui ne lui paraît pas légalement fait (V. Excès de pouvoir)'.

Les arrêtés réglementaires du maire portent tantôt règlement permanent et tantôt règlement temporaire. Les règlements temporaires sont immédiatement exécutoires et le préfet peut les annuler, les faits d'exécution passés demeurant irrévocables. Quant aux arrêtés portant règlement permanent, ils ne sont exécutoires qu'en vertu de l'approbation préfectorale et un mois après la transmission de l'ampliation au préfet par le sous-préfet. En cas d'urgence, le préfet peut en autoriser l'exécution immédiate (art. 95 de la loi du 5 avril 1884). On peut citer comme règlements temporaires ceux qui sont relatifs, en matière rurale, au ban de vendanges, et en matière urbaine à des arrêtés portant règlement de réunions ou représentations accidentelles (V. Ban de vendanges).

D'après la rédaction des art. 97 et 99 la distinction, quant à l'objet, entre la police générale et la police municipale serait difficile; car l'art. 97 commence par dire que « la police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté et la salubrité publiques, et qu'elle comprend notamment (suit l'énumération). Tous les paragraphes de cette énumération ne sont donc que des applications des mesures destinées à assurer le bon ordre, la sûreté et la salubrité publiques. Or, en matière de sûreté, de bon ordre et de salubrité

1 Nous avons vu que la jurisprudence incline à décider que les règlements peuvent être attaqués pour excès de pouvoir.

les préfets peuvent forcer la main aux maires et faire, même pour une seule commune, un règlement local après une sommation au maire restée sans résultat. Avec ces dispositions il ne reste de la police municipale que le droit pour le maire de faire les arrêtés ou prendre les mesures avant que l'administration supérieure ne le mette en demeure. Les droits du maire ont un droit d'antériorité à l'égard des pouvoirs du préfet, et s'il n'est pas négligent, le maire peut s'assurer de fait l'exercice de la police municipale.

A Paris, l'importance de l'agglomération et les difficultés qui en résultent pour la police ont fait concentrer les pouvoirs aux mains d'un préfet de police qui est à la fois chargé de la police générale et de la police municipale.

Préfet de police. La loi du 28 pluviôse an VIII, art. 16, portait qu'à Paris un préfet serait chargé de la police. C'est en exécution de cette disposition que fut rendu, sur les attributions du préfet de police, l'arrêté consulaire du 12 messidor an VIII qui est toujours en vigueur; il a cependant été modifié d'une manière importante par le décret des 10-24 octobre 1859.

Les attributions du préfet de police, telles que le décret du 12 messidor an VIII les a établies, se divisent en deux catégories : 1o la police générale; 2o la police municipale. Dans la pratique, la police générale se subdivise en police politique et police de sûreté.

La police politique a pour mission de découvrir les complots qui se forment dans le mystère, et de les déjouer avant qu'ils n'éclatent. Elle est essentiellement préventive, et le plus grand nombre des agents qu'elle emploie sont secrets. L'indignité des auxiliaires dont elle est obligée de se servir a fait attaquer sa moralité d'abord, et l'on en est venu, ensuite, à nier son utilité. L'utilité de cette police tient à ce qu'il vaut mieux prévenir que réprimer. Une répression, même vigoureuse, a l'inconvénient de démontrer aux populations que le gouvernement est attaqué, et le peuple ne croit pas à la solidité d'une autorité dont l'existence est menacée. Exposer dans des débats publics comment une conspiration s'est formée, montrer les causes de son échec et dire ce qui a manqué pour qu'elle réussît, c'est enseigner à d'autres conspirateurs la voie, les moyens, le but. Quant à la moralité, nous nous bornerons à dire avec M. Vivien: «< A toutes les époques, une police politique a tenu le gouvernement au courant des menées de ses adversaires. Peut-être dans les temps des passions violentes ne trouvera-t-on ni agents ni crédits financiers affectés à cet objet, mais la délation qui se donne

par fanatisme n'est pas plus sincère que celle qui se vend par intérêt; souvent, le dénonciateur qui se pique le plus de désintéressement, recherche pour salaire les places, la faveur politique, la participation aux affaires publiques. Somme toute, si une police secrète est nécessaire, la moins mauvaise est encore celle dont les agents, soumis à des devoirs clairement définis, peuvent être expulsés en cas d'infraction; de tels instruments, plus dociles, plus souples, plus faciles à contenir, sont moins dangereux pour la main qui s'en sert1. »

La police de sûreté s'étend à tout ce qui intéresse la défense des personnes et des propriétés. Elle prévient le crime et prépare la répression. Les passeports pour l'intérieur et l'étranger, le visa des passeports des voyageurs étrangers, les permis de séjourner à Paris, la mendicité et le vagabondage, les prisons, les attroupements, les maisons publiques, les théâtres, les cultes, les ports d'armes, telles sont les principales dépendances de la police de sûreté.

La police politique et la police de sûreté sont exercées par le préfet de police, sous l'autorité du ministre de l'intérieur. En 1851, on avait établi un ministère de la police, avec des inspecteurs généraux et des inspecteurs à résidence dans les départements. Mais les conflits qui s'élevèrent entre le ministre de l'intérieur et le ministre de la police à Paris, et dans les départements entre les préfets et les inspecteurs, ne tardèrent pas à démontrer qu'on avait créé un rouage embarrassant; le gouvernement comprit qu'en cette matière plus qu'en toute autre il fallait tendre à unir plutôt qu'à diviser les attributions.

En ce qui concerne la police municipale, le préfet de police a une autorité propre pour laquelle il ne relève pas du préfet de la Seine, à la différence des maires qui relèvent de leur préfet. Entre les deux préfets les lois et règlements ont divisé les attributions, et chacun exerce les siennes avec une indépendance réciproque. Le décret du 12 messidor an VIII confiait au préfet de police tout ce qui intéressait la liberté et la sûreté de la voie publique, la salubrité de la cité, les incendies, débordements et accidents sur la rivière, taxes et mercuriales, la surveillance des lieux publics, la libre circulation des subsistances, la protection et préservation des monuments et édifices publics, enfin la petite voirie . Ce décret est

1 Études administratives, 2e édit., t. II, p. 195.

les

2 A Paris, la distinction entre la grande et la petite voirie a une signification particulière. Tandis qu'en général la grande voirie se distingue de la petite par la

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