Page images
PDF
EPUB

ordres du conseil municipal, que la délibération de ce dernier est toujours indispensable, même dans les cas où l'autorisation du conseil de préfecture n'est pas exigée. Ainsi, devant les juridictions administratives, le maire ne peut agir qu'en vertu d'une délibération du conseil municipal'. D'un autre côté, lorsque le maire agit au possessoire ou fait acte conservatoire, il ne peut pas à la vérité, à cause de l'urgence, être forcé à se pourvoir de l'autorisation du conseil municipal avant d'agir; mais il doit obtenir cette délibération avant la fin de l'instance, parce qu'il ne peut intenter un procès qu'avec le consentement de la commune, c'est-à-dire du conseil municipal.

Lorsque le conseil municipal refuse de plaider, tout contribuable inscrit aux rôles de la commune a le droit d'exercer l'action à ses frais et risques. Mais la loi l'astreint à demander l'autorisation du conseil de préfecture, quoiqu'il s'engage à supporter les dépens en cas de perte du procès. Comment expliquer la disposition qui exige cette formalité? Lorsque le contribuable agit pour la commune, celle-ci est mise en cause, et le jugement qui est rendu a l'autorité de la chose jugée, tant à l'égard de la commune qu'envers le contribuable partie au procès. Or, il pourrait se faire que l'action fût prématurée et que le conseil municipal eût refusé d'agir, parce qu'il y avait avantage à attendre que les preuves complètes fussent réunies. Il ne faut pas qu'un contribuable, par une demande intempestive, compromette les chances qu'aurait la commune de triompher si le procès était fait à propos. Le conseil municipal, en refusant d'agir, n'a peut-être fait aucune attention à la question des frais et n'a voulu qu'ajourner l'action à un moment plus favorable. Peut-il dépendre du premier contribuable venu de déranger ce calcul de prudence? C'est pour ce motif que le contribuable est obligé de se pourvoir de l'autorisation du conseil de préfecture comme la commune elle-même 3.

1 V. arr. Cons, d'État du 10 février 1865, ville de Nantes, et Cour de cass., 2 mars 1880. La délibération prise postérieurement couvre la nullité qui n'avait pas été demandée.

2 Cabantous, Répétitions écrites, p. 533, décide que le contribuable ne peut se substituer à la commune qu'en demandant et non en défendant. La loi ainsi entendue serait bien incohérente, et quoique le § 2 de l'art. 49 de la loi du 18 juillet 1837 ne parle formellement que du contribuable demandeur, l'esprit de la loi veut que le contribuable puisse défendre aux lieu et place de la commune. V. en ce sens Serrigny, t. I, p. 536, no 417.

L'autorisation est-elle nécessaire au contribuable même pour agir devant les tri

Le contribuable qui agit pour la commune est-il obligé d'obtenir une nouvelle autorisation du conseil de préfecture à l'effet de se pourvoir devant un autre degré de juridiction? Nous ne le pensons pas. La question d'opportunité a été tranchée par l'autorisation qu'a donnée le conseil de préfecture pour agir en première instance. Le recours à une juridiction supérieure n'aurait donc que l'inconvénient de donner lieu à de nouveaux frais, mais les frais sont à la charge du contribuable. Au reste, le texte de l'art. 49 (art. 123 de la nouvelle loi) est d'accord avec ces considérations. Il ne répète pas, pour le contribuable qui agit au nom de la commune, la nécessité d'obtenir une autorisation nouvelle à chaque degré de juridiction, de sorte que ce renouvellement d'autorisation est, par le texte comme par la raison de la loi, spécial à l'action qu'intente le maire au nom de la commune1.

Supposons maintenant que la commune soit défenderesse. L'art. 51 de loi du 18 juillet 1837 (art. 124 de la loi du 5 avril 1884) oblige tout demandeur, qui veut agir en justice contre une commune, à remettre au préfet un mémoire exposant les motifs de la réclamation. Comme ce mémoire a pour effet d'interrompre la prescription, le demandeur a le plus grand intérêt à fixer l'époque où il a été remis. Aussi peut-il exiger qu'il lui soit délivré un récépissé. Le préfet transmet le mémoire au conseil municipal avec invitation à se réunir en session extraordinaire pour en délibérer. La délibération du conseil municipal sera transmise au conseil de préfecture, qui décidera si la commune sera autorisée à ester en justice (art. 125). Le conseil de préfecture doit statuer dans les deux mois, à partir de la date du récépissé qui a été délivré au demandeur lors de la remise du mémoire. Après les deux mois, si le conseil de préfecture n'a pas statué, son silence vaut autorisation implicite pour la commune d'ester en justice. Si le conseil refuse l'autorisation de plaider, le maire

bunaux administratifs? Il pourrait y avoir danger pour les intérêts de la commune à faire juger la question prématurément, et ce motif a décidé plusieurs jurisconsultes à soutenir que le contribuable ne pourrait agir qu'avec autorisation devant les juridictions administratives. Cons. d'Ét., 20 avril 1854, Jean; 31 mai 1862, commune de Garons; Aucoc (Sections, no 265) et Serrigny (t. I, p. 533, no 413).

1 La Cour de Metz, 31 mai 1842 (Sir., V., 42, II, 299) et celle d'Orléans (16 août 1844) exigent pour le contribuable, comme pour la commune, le renouvellement de l'autorisation du conseil de préfecture à chaque degré de juridiction. La Cour de cassation, 27 mai 1846, a décidé que le contribuable n'étant pas en tutelle, il n'y a pas lieu à renouveler l'autorisation à chaque degré de juridiction. V. dans le même sens Reverchon, p. 120, et Serrigny, t. I, p. 533, no 412.

pourra, en vertu d'une délibération du conseil municipal, se pourvoir devant le Conseil d'État, qui jugera la question administrativement. Le Conseil d'État statuera dans les deux mois à partir de l'enregistrement de la demande à son secrétariat (art. 125).

La remise d'un mémoire au préfet est une tentative de conciliation par laquelle le législateur a remplacé la conciliation ordinaire que rend impossible la minorité de la commune (art. 48 et suiv. du Code de procéd. civ.). Averti par ce mémoire, le préfet peut amener le conseil municipal à faire un arrangement qui préviendra le procès. Comme cette formalité est imposée au demandeur dans l'intérêt de son adversaire, il ne faut pas qu'elle nuise à la partie. C'est pour cela que, d'après l'art. 51 (art. 124, § 3, de la loi du 5 avril 1884), elle interrompt la prescription et toutes déchéances. La loi n'ajoutait pas que cette interruption aurait lieu à la charge par le demandeur d'intenter une action en justice dans un délai déterminé; elle ne reproduisait pas la disposition de l'art. 2243 du Code civil. Cette lacune a été comblée par la loi du 5 avril 1884, art. 124, § 3, qui n'attache l'effet interruptif au dépôt du mémoire qu'à la condition d'être suivi dans les trois mois d'une demande en justice1.

L'article 124 de la nouvelle loi municipale, pas plus que l'art. 51 de l'ancienne, ne dit que la présentation du mémoire ait pour effet de faire courir les intérêts au profit du créancier. Cependant, comme il serait injuste que la formalité administrative exigée dans l'intérêt de la commune préjudiciât au demandeur, nous pensons que le mémoire ferait courir les intérêts à deux conditions: 1o que le demandeur eût conclu dans le mémoire au paiement des intérêts; 2o que le dépôt du mémoire fùt suivi d'une action en justice, de sorte que la remise servit seulement à fixer le point de départ du cours des intérêts. La pensée équitable qui a inspiré l'art. 51 de la loi du 18 juillet 1837 nous conduit à étendre aux intérêts les effets de la remise du mémoire, quoique le législateur n'ait parlé en termes formels que de l'interruption de la prescription et des déchéances".

Le demandeur est obligé d'arrêter son action tant que l'autorisation n'a pas été donnée par le conseil de préfecture, ou au moins

1 L'article 1er du décret du 20 décembre 1855, sur la procédure en matière de propriété domaniale en Algérie, dispose que la remise du mémoire interrompt la prescription « lorsqu'il aura été, dans les trois mois de la date, suivi d'une assignation en justice. » Cette disposition a été imitée par la loi municipale.

2 La Cour de cassation décide que la remise du mémoire ne fait pas courir les in

jusqu'à l'expiration du délai de deux mois que fixent les art. 121 et 125. Après l'expiration du délai, s'il n'y a pas de décision, la commune est censée avoir été autorisée à ester en justice. Si l'autorisation est refusée, le demandeur poursuit son action contre la commune et la fait condamner par défaut. C'est la seule manière dont elle puisse être condamnée, tant qu'elle n'est pas autorisée à ester en justice. La loi dit en effet formellement, « qu'en aucun cas le maire ne peut défendre à l'action tant qu'il n'y a pas été autorisé » (art. 124 in fine). La commune condamnée par défaut ne pourra former opposition que si elle obtient l'autorisation de plaider. Tant qu'elle n'aura pas obtenu cette faculté, elle se trouvera en présence d'un jugement qui la condamne, sans pouvoir le faire réformer.

Nous avons décidé que le consentement de la majorité du conseil municipal est indispensable à la commune demanderesse, et qu'à défaut de délibération approbative, le conseil de préfecture devrait même rejeter comme irrecevable la demande d'autorisation. En serait-il de même si la commune était défenderesse? Le maire pourrait-il se faire autoriser à plaider contrairement à la délibération du conseil municipal? Plusieurs interprètes ont décidé que le maire aurait le droit de défendre avec l'autorisation du conseil de préfecture, en se fondant sur les termes de l'art. 52, qui dit : « Dans tous les cas, la délibération du conseil municipal sera trans<< mise au conseil de préfecture, qui décidera si la commune doit «< être autorisée à ester en jugement'. » Or, disent ces jurisconsultes, il serait bien inutile de faire statuer le conseil de préfecture dans les cas où la majorité du conseil municipal s'est prononcée contre le procès, si l'autorisation de plaider ne pouvait pas être accordée. Tout serait arrêté par le refus du conseil municipal, et il n'y aurait pas à transmettre sa délibération au conseil de préfecture. Cet argument, si faible qu'il soit, ferait aujourd'hui défaut; car ces mots (dans tous les cas), ne se retrouvent pas dans l'art. 125, et c'est avec l'intention de prévenir cette controverse qu'ils ont été supprimés.

Lorsque le conseil municipal a été d'avis de plaider et que le conseil de préfecture a donné l'autorisation, que faudrait-il décider si

térêts arr. du 23 décembre 1840. Ville de Remirement et 25 mars 1874 (D. P. 1874, I, 201). — V. Contrà Cour de Paris, arr. du 30 avril 1859 (S. D. 1855, I, 625). Dans le sens développé au texte, Foucart, t. II, p. 328, 4o édit. et Chauveau, Instruction administrative, 5e édit., t. I, p. 25, no 41.

1 V. Serrigny, t. I, p. 556, no 437.

Contrà, Reverchon, p. 90 à 103.

le maire n'agissait pas ou ne défendait pas pour la commune? Nous pensons que, dans ce cas, le préfet aurait le droit de procéder d'office ou par un délégué spécial, conformément à l'art. 85 de la loi du 5 avril 1884 (ancien art. 15 de la loi du 18 juillet 1837). La raison est que le maire manque à son devoir et qu'il néglige de faire un acte qu'il doit faire; car, d'après la loi, il est chargé de représenter la commune, soit en demandant, soit en défendant. Lorsque les conditions d'autorisation ont été remplies, le maire est chargé de faire un acte déterminé qui consiste à représenter la commune en justice.

Le conseil de préfecture, dans les cas que nous venons d'examiner, n'est qu'un tuteur; il ne juge pas, il examine quel est l'intérêt de la commune. Aussi ne pourrait-il pas, après avoir décidé qu'il n'y avait pas lieu à autoriser l'action à cause de l'incompétence des tribunaux ordinaires, retenir l'affaire pour la juger comme affaire de sa propre compétence. Il n'a pas été saisi comme juge, et par conséquent il ne peut pas s'emparer d'une affaire qu'il a connue. accidentellement'.

Les principes de la chose jugée ne s'appliquent pas à l'arrêté du conseil de préfecture, qui donne ou refuse l'autorisation de plaider. Il pourrait donc rétracter sa première décision, et, après avoir refusé, accorder l'autorisation, ou inversement. La même observation s'applique à la décision du Conseil d'État. Il est facile de comprendre, en effet, qu'en présence de nouveaux documents le conseil de préfecture change d'avis, semblable au tuteur qui interroge les chances de son pupille et conforme ses actes à l'appréciation qu'il en fait d'après les circonstances". D'un autre côté, l'autorisation du conseil de préfecture ne faisant aucun grief à l'adversaire, celui-ci ne pourrait pas se pourvoir contre l'arrêté, pas plus que l'adversaire d'un mineur ne pourrait attaquer la délibération d'un conseil de famille autorisant le tuteur à plaider3.

La commune qui a gagné son procès en première instance n'a

1 Cons. d'Ét., 15 février 1850, Molinet; 3 juillet 1861, Goja.

[blocks in formation]

2 Conseil d'État, 9 février 1833, commune de Saint-Pierre. Cependant, si l'instance était engagée, le conseil de préfecture ne pourrait pas, en rétractant l'autorisation, arrêter l'instance. En ce sens, Serrigny, t. I, p. 540, no 422. La rétractation ne devra être prononcée que sur la production de nouveaux documents. Ordonn. du 1er juillet 1839, commune du Bourg-Saint-Léonard.

[ocr errors]

3 Conseil d'Etat, 22 février 1838, Serre, et du 6 décembre 1866, de TalleyrandPérigord.

« PreviousContinue »