Page images
PDF
EPUB

public. Exiger la suppression de la construction, ce serait prescrire la réparation d'un préjudice qui n'a pas été causé et imposer une peine qui serait hors de proportion avec la contravention.

En résumé, la Cour de cassation décide, 1o qu'en cas de réparations, faites sans autorisation, à un mur de face situé sur la partie retranchable, le juge de paix doit prononcer l'amende et dans tous les cas ordonner rétablissement des lieux; 2° lorsque le riverain a construit sans alignement le long d'une rue, le juge de paix prononce l'amende mais il ne doit ordonner la destruction des travaux que s'il y a empiètement.

Après avoir exposé les formalités qu'il faut remplir pour arrêter un plan général d'alignement et recherché les effets que produit le plan une fois arrêté, examinons quelles voies de recours sont ouvertes aux parties qui se croient atteintes. L'arrêté préfectoral qui homologue le plan d'alignement peut d'abord être attaqué par la voie hiérarchique, en vertu de l'article 6 du décret du 25 mars 1852 sur la décentralisation.

L'article 52 de la loi du 16 septembre 1807 ouvrait une voie de recours au Conseil d'État, contre le plan d'alignement : « En cas de réclamations des parties intéressées, il sera statué en Conseil d'État, sur le rapport du ministre de l'intérieur. » Ce n'était pas un recours contentieux, mais un recours administratif sui generis. C'est ce que signifiaient ces mots sur le rapport du ministre de l'Intérieur. Aussi l'affaire n'était-elle pas portée à la section du contentieux, mais à la section de l'Intérieur du Conseil d'État. Cette voie de recours est-elle ouverte depuis que la compétence pour! approuver les plans d'alignement a été transférée au préfet? Le décret du 25 mars 1852 ne contient aucune disposition qui abroge le deuxième paragraphe de l'article 52 de la loi du 16 septembre 1807. Le pouvoir d'homologuer et le pouvoir de statuer sur les réclamations sont choses distinctes. Or la loi nouvelle n'a transféré aux préfets que le pouvoir d'homologation, d'où nous concluons que la compétence pour statuer sur les réclamations est restée à l'autorité qui en était investie auparavant. Il n'y avait d'ailleurs aucune raison pour diminuer les garanties accordées aux tiers lorsque le pouvoir d'homologuer passait du Chef de l'État à son subordonné '.

1 V. Serrigny, Questions et traités, p. 87. Mais v. arr. Cons. d'Ét., du 19 juillet 1855, Crouzel et Sensalva.

L'alignement individuel est donné par le maire au riverain qui ve ut construire le long de la rue. S'il y a un plan général, le maire doit s'y conformer, parce que ce plan est la loi de tous les intéressés. En ne le suivant pas, le maire violerait un droit acquis fondé sur un titre. Par conséquent, le tiers lésé pourrait se pourvoir au contentieux contre l'arrêté ministériel qui aurait refusé de réformer l'alignement délivré par le maire, en dehors des lignes tracées sur le plan général1.

S'il n'y avait pas de plan général, les parties intéressées ne seraient pas moins tenues de demander au maire l'alignement individuel. Le maire pourra-t-il, en ce cas, forcer les riverains à reculer ou avancer? La jurisprudence du Conseil d'État avait d'abord décidé que, même en l'absence d'un plan général, un maire pouvait forcer un riverain de la voie publique à reculer ou à avancer. En 1834, cependant, le Conseil d'État avait admis ce tempérament que le maire ne pouvait pas forcer à reculer si l'alignement traçait une ligne qui forcerait plus tard plusieurs propriétaires à reculer2. La jurisprudence a fait un pas de plus. Elle a décidé qu'à défaut de plan général, le maire doit délivrer un alignement conforme à l'état des lieux ou faire approuver pour cette rue spécialement un plan général. Si l'alignement individuel modifiait l'état des lieux, l'arrêté du maire pourrait être déféré au préfet, et si celui-ci le confirmait, la partie intéressée pourrait se pourvoir devant le ministre et au Conseil d'État par la voie contentieuse. Elle pourrait aussi agir directement omisso medio devant le Conseil d'État pour excès de pouvoir.

3

La loi n'astreint à l'alignement que les propriétaires joignant les

1 Le maire ne peut pas refuser de délivrer l'alignement qui lui est demandé en alléguant des projets de travaux. Son refus, même non fécrit, constituerait un excès de pouvoir. Arg. d'analogie tiré du décret du 2 novembre 1864. V. arr. Cons. d'Ét. du 11 janvier 1866.

2 Arr. du 25 juillet 1834, Deshayes et Cressent.

3 Arr. Cons. d'Ét. du 5 avril 1862, Lebrun; 10 février 1865 et 5 mai 1865, Gibaud. Cette jurisprudence du Conseil d'État a été exposée avec une grande clarté par M. L. Aucoc, dans la Revue critique (t. XXI, p. 97-109).

D'après un décret du 27 juillet 1808, le pourvoi en matière d'alignement partiel devait, pour la voirie urbaine, être porté par la voie administrative au Conseil d'État qui statuait sur le rapport du ministre de l'Intérieur. Le Conseil d'État a décidé que cette voie de recours avait été implicitement supprimée par la disposition du décret qui a transporté au préfet le pouvoir d'homologuer les plans généraux. Arr. Cons. d'Ét. du 19 juillet 1855, Crouzet et Sensalva.

[merged small][ocr errors]

chemins publics. Ceux qui bâtissent en retraite ne sont pas sujets à la servitude; puisqu'ils ne construisent pas à la limite de leur propriété, il n'y a pas lieu de les obliger à demander le bornage. Si l'on exigeait l'alignement pour une retraite de quelques lignes, la logique conduirait à la même solution pour plusieurs mètres. A quelle distance de la voie publique le propriétaire serait-il maître chez lui?

Il pourrait se faire qu'au lieu de forcer à reculer, le plan d'alignement eût pour effet de rétrécir la voie publique sur un point déterminé. En ce cas, l'article 53 de la loi du 16 septembre 1807 donne aux propriétaires riverains le droit d'avancer et de requérir l'acquisition des terrains qui sont en dehors du nouveau tracé de la voie. L'administration peut même, mais indirectement, forcer les propriétaires à faire cette acquisition. Elle a en effet le droit, en cas de refus d'acquisition par le propriétaire, d'exproprier le riverain de sa propriété bâtie, en lui payant le prix de sa maison d'après la valeur qu'elle avait antérieurement aux travaux (art. 53, § ult. de la loi du 16 septembre 1807). Comme leur exécution augmentera presque toujours la valeur de la construction, cette dépossession renferme un moyen indirect pour forcer le propriétaire à faire l'acquisition.

-

Voirie vicinale. Le plan général, en matière de voirie vicinale, n'est autre chose que la reconnaissance et la fixation de la largeur du chemin. D'après les articles 15 et 21 de la loi du 21 mai 1836 combinés avec l'article 86 de la loi du 10 août 1871, la commission départementale est compétente pour fixer la largeur des chemins de petite vicinalité, et l'article 15 attribue à la voie publique les parties des propriétés riveraines qui sont atteintes par l'arrêté de la commission départementale. Le classement, dans tous les cas, déterminera la largeur du chemin suivant les indications portées au plan annexé. Quant aux chemins vicinaux de grande et de moyenne communication, leur largeur est fixée en même temps 'que leur classement est fait par le conseil général (loi du 10 août 1871, art. 46, § 7).

L'article 21 de la loi du 21 mai 1836, qui charge le préfet de faire un règlement pour assurer l'exécution de la loi, comprend au nombre des matières qui peuvent être l'objet de ces règlements : «<les alignements, les autorisations de constructions le long des chemins, l'élagage, les fossés et leur curage, et tous autres détails. de surveillance et de conservation. » Ce règlement doit, aux termes

de l'article 21, être communiqué au conseil général et transmis avec ses observations au ministre de l'Intérieur pour être approuvé, s'il y a lieu1. Quant aux chemins ruraux, il faut distinguer entre ceux qui sont reconnus conformément à la loi du 20 août 1881 et ceux qui ne sont pas reconnus. Pour les chemins ruraux reconnus, comme pour les chemins vicinaux, c'est la commission départementale qui en fixe la largeur, suivant un plan qui est annexé à l'arrêté de reconnaissance 2. La police et la conservation de la voie sont confiées à l'autorité municipale (art. 9 de la loi du 20 août 1881). Pour les chemins ruraux non reconnus, l'alignement, en ce qui les concerne, n'est régi ni par les édits de 1607 et 1765 ni par le règlement départemental. Le maire a seulement le droit de faire, pour les chemins ruraux de sa commune, un règlement qui aura pour sanction l'amende prononcée par l'article 471 no 15 du Code pénal3. A défaut de règlement, les parties agiront prudemment en demandant l'alignement avant de construire, mais elles n'encourraient pas l'amende si elles avaient, sans autorisation, bâti le long du chemin rural, à la condition de ne pas empiéter sur la voie publique. En cas d'empiètement, il y aurait lieu d'appliquer l'article 479, no 11, du Code pénal; car l'article 479, no 11 ne distingue pas les diverses espèces de chemins et s'applique, par suite de la généralité de ses termes, aussi bien aux chemins ruraux non reconnus qu'aux chemins vicinaux, classés.

L'alignement individuel est donné par le préfet le long des chemins vicinaux de grande communication ou d'intérêt commun et par le maire le long des chemins vicinaux ordinaires. S'il y a un plan d'alignement, c'est le sous-préfet qui donne l'alignement partiel le long des chemins de grande communication (loi du 4 mai 1864). Le sous-préfet et le maire doivent se conformer au plan général, sous peine de recours contentieux. A défaut de plan, le préfet et le maire ne peuvent pas modifier l'état des lieux.

Grande voirie. Lorsqu'il s'agit d'une voie nouvelle à créer, le plan d'alignement se confond avec celui de la route elle-même. La loi du 3 mai 1841, avec toutes les formalités exigées pour l'expropriation, doit être appliquée. Aucune parcelle de propriété ne

1 V., pour l'alignement le long des chemins vicinaux, t. V, Appendices, p. 622, art. 172 à 176 et 177.

2 T. V, Appendices, p. 656, art. 80 et suiv.

3 C. cass., ch. crim., arr. du 28 juin 1861.

pourra donc être prise, pour la confection de la route, sans une juste et préalable indemnité.

Supposons, au contraire, qu'une route étant déjà ouverte, il s'agisse d'arrêter le plan général de son alignement. La loi est muette sur ce point, et il y a là une lacune à combler par le raisonnement et l'analogie. On décidait, avant le décret de décentralisation, que le plan général, en matière de grande voirie, devait, comme le plan général en matière de voirie urbaine, être homologué par décret en Conseil d'État. Il y avait même, ce semble, une raison plus forte de décider, puisque les grandes routes sont d'un intérêt plus général que les rues des villes.

Le décret du 25 mars 1852, tabl. A, no 50, n'a transféré l'homologation du Conseil d'État au préfet que pour les plans d'alignement des villes. La décentralisation ne s'applique donc qu'à la voirie urbaine, et la grande voirie demeure sous l'empire de l'ancienne pratique'.

L'alignement partiel, en matière de grande voirie, est délivré par le préfet2 lorsqu'il n'y a pas de plan général, et par le sous-préfet partout où il y a un plan général (loi des 4-11 mai 1864).

S'il y a un plan général d'alignement, le sous-préfet doit l'appliquer. S'il ne s'y conformait pas, il violerait un droit acquis, et la partie intéressée pourrait se pourvoir devant le ministre des Travaux publics et au Conseil d'État par la voie contentieuse.

A défaut de plan général, l'alignement ne doit pas moins être demandé au préfet qui est compétent en vertu des dispositions générales qui lui attribuent la surveillance et la conservation des routes3, et en vertu de la loi des 7-14 novembre 1790, qui comprend spécialement dans les attributions des corps administratifs l'alignement des rues des villes, bourgs et villages qui servent de grandes routes. Le préfet aurait, suivant quelques écrivains", le pouvoir de forcer les propriétaires à reculer, parce qu'il lui appartient de fixer les limites du domaine public, sauf à faire régler postérieurement

1 Loi des 4-11 mai 1864.

2 Art. 70, no 3, de la loi du 5 avril 1884.

3 Loi des 22 décembre 1789-janvier 1790, section III, art. 2, et loi des 7-14 septembre 1790, art. 6.

M. Boulatignier, École des communes, 1846, p. 206 et 208, a soutenu que le recours contentieux doit être admis en matière de grande voirie, même en l'absence d'un plan général. — V. contrà, Serrigny, Questions et traités, p. 149, et Chauveau, Journal de droit administratif, 1862, p. 394.

« PreviousContinue »