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Déclare que la France est une monarchie gouvernée par le roi, suivant les lois :

Que de ces lois, plusieurs, qui sont fondamentales, embrassent et consacrent,

Le droit de la maison régnante au trône, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, à l'exclusion des filles et de leurs descendants;

Le droit de la nation, d'accorder librement des subsides, par l'organe des états-généraux, régulièrement convoqués et composés ;

Les coutumes et les capitulations des provinces;
L'inamovibilité des magistrats;

Le droit des cours, de vérifier, dans chaque province, les volontés du roi, et de n'en ordonner l'enregistrement qu'autant qu'elles sont conformes aux lois constitutives de la province, ainsi qu'aux lois fondamentales de l'état ;

Le droit de chaque citoyen, de n'être jamais traduit, en aucune manière, pardevant d'autres que ses juges naturels, qui sont ceux que la loi lui désigne ;

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Et le droit, sans lequel tous les autres sont inutiles celui de n'être arrêté par quelque ordre que ce soit, que pour être remis, sans délai, entre les mains de juges compétents.

Proteste ladite cour contre toute atteinte qui serait portée aux principes ci-dessus exprimés;

Déclare unanimement qu'elle ne peut, en aucun cas, s'en écarter : que ces principes également certains obligent tous les membres de la cour, et sont compris dans leur serment; qu'en conséquence, aucun des membres qui la composent, ne doit, ni n'entend autoriser, par sa conduite, la moindre innovation à cet égard, ni prendre place dans aucune compagnie qui ne serait pas la cour elle-même, composée des mêmes personnages, et revêtue des mêmes droits; et, dans le cas où la force,

en dispersant la cour, la réduirait à l'impuissance de maintenir par elle-même les principes contenus au présent arrêté, ladite cour déclare qu'elle en remet, dèsà-présent, le dépôt inviolable entre les mains du roi, de son auguste famille, des pairs du royaume, des étatsgénéraux, et de chacun des ordres réunis, ou séparés, qui forment la nation.

Cette déclaration, que l'opinion publique accueillit alors comme un acte de courage, et qui fut telle, semblait présager la déclaration des droits que l'on a tant reprochée comme la cause première de l'exagération des principes et des excès des révolutionnaires on oublie frop que, si elle fut souvent une arme entre les mains des malveillants, elle fut aussi le moyen d'opposition à leurs entreprises. C'est par les principes vrais qu'elle contient qu'ont été combattus les principes faux ou captieux, ou exagérés: on a trop injustement reproché à la première assemblée toutes les calamités qui ont, après elle, affligé‚ ̈ tourmenté, déchiré la France; ce serait vouloir faire le procès à la mere de Robespierre pour l'avoir enfanté. Les malheurs publics n'ont point eu pour cause l'imperfection très-réelle de la première constitution faite en 1791, mais bien les efforts violents qu'il fallut pour la détruire, et pour faire, à la hâte et d'assaut, ce que le temps seul eût fait len

ement.

N. IV. (Page 12.)

Discours de M. d'Espréménil, au moment où il s'est remis entre les mains du sieur d'Agoust.

MESSIEURS

Quand les Gaulois, victorieux, entrèrent dans Rome, qu'ils avaient emportée d'assaut, les sénateurs romains,

revêtus de la pourpre, et assis dans leurs chaises curules, attendaient, avec une contenance tranquille et fière, l'esclavage ou la mort. Tel est aussi le grand spec tacle que vous donnez , en ce moment à l'univers après avoir généreusement combattu pour la défense des lois constitutives de la monarchie; après avoir opposé aux efforts du despotisme, une résistance efficace et persévérante; après avoir, dans cette lutte trop inégale de la justice contre le pouvoir, allié la respectueuse soumission de fidelles sujets, à la sagesse courageuse de magistrats zélés; après avoir essuyé un exil qui pourtant n'en était pas un, par son rapproche, sa briéveté, son universalité, et les honneurs qui en ont été les compagnes;

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Après avoir revendiqué (mais en vain) deux de vos membres que l'autorité aurait frappés et punis avant qu'ils eussent été jugés, sans qu'ils fussent coupables; après avoir soutenu, comme vous le deviez, autant qu'il était en vous, la cause du peuple et les vrais intérêts du roi; enfin, après avoir déposé vos droits, vos dernières protestations, vos dispositions testamentaires entre les mains de la nation attentive et gémissante, vous vous étiez retranchés dans ce sanctuaire, comme dans une citadelle inexpugnable.

Mais, au milieu et au séjour de la paix, quel bruit de guerre s'est fait entendre? Tout est hérissé de baïonnettes; à l'ombre de la nuit, en silence, une armée s'avance en ordre de bataille; huit cents hommes et cavaliers et fantassins, soit étrangers, soit nationaux, tous étonnés, honteux de cette expédition clandestine et nouvelle, qui leur promet beaucoup de fatigues, quelques périls et point de gloire; huit cents soldats se sont emparés de toutes les avenues, de toutes les portes, de toutes les issues; déja les portes sont occupées, le

blocus est formé, les haches, les massues sont levées, et n'attendent plus qu'un dernier signal. Eh! quelle est donc cette place qu'il faut ainsi assiéger, où sont les ennemis qu'il faut forcer jusque dans leurs retranchements? C'est le Palais, c'est vous-mêmes, messieurs.

La sainte indignation qui transporte l'orateur de Rome, à la vue des cohortes dont le sénat est investi, je ne puis ni ne dois la faire passer dans vos ames; je ne

'écrierai pas, avec le défenseur de Milon,: Sommesnous à la ville ou parmi les barbares, dans le barreau ou dans un camp, revêtus de la toge ou de la cuirasse? Les armes doivent protéger la justice, mais non pas lui faire violence, et Mars fait taire ses foudres pour entendre les oracles de Thémis, N'ayant d'autre égide que celle des lois, d'autre glaive que la vérité, vous leviez vos mains pacifiques vers le trône, vous défériez les ordres rigoureux d'un monarque trompé, au tribunal d'un roi bienfaisant, et voilà que des bataillons nombreux ont formé autour de vous une formidable armée.

Qu'ils entrent, les instruments passifs ou forcés de vexations qu'ils ignorent ou dont ils gémissent, qu'ils viennent souiller de carnage ce temple, et égorger, sous les yeux et sur l'autel de la justice, ces glorieux martyrs; et vous, qui n'avez pas osé refuser une commission aussi délicate que pénible, craignez que le souvenir de cette nuit désastreuse n'imprime à votre nom une tache ineffaçable, et que tous vos titres militaires et civils ne soient ternis par le titre d'oppresseur de la magistrature.

Mais que fais-je, messieurs? je parle de la liberté publique, moi, qui ne peux, ni ne veux la rechercher pour moi-même, je vous l'ai déja dit.

Quand, sous les livrées de la servitude, je me suis réfugié dans cet asile, mon déguisement, ma fuite n'avaient

pas pour motifs la pusillanimité et la crainte. L'inutilité des médiations que vous avez bien voulu tenter, je vous l'avais prédit; elle n'a rien qui m'étonne.

Que les rois sont à plaindre! prompts à punir, lents à pardonner, l'imposture les trouve moins inaccessibles que la vérité, et leur puissance, dont on abuse pour faire le mal, on l'enchaine lorsqu'il s'agit de le réparer.

Non, ce n'est point à notre souverain que l'on doit imputer ces coups multipliés d'autorité qui coûtent à son cœur paternel, et certainement, toutes les fois qu'il lui faut signer quelque acte de proscription, à l'exemple de cet empereur, les délices du genre humain, il desirerait ne pas savoir écrire. Je ne doute pas que les calomniateurs de la magistrature ne m'aient peint sous les couleurs les plus noires, qu'ils ne m'aient représenté attisant le feu de la sédition, et exerçant sur vos opinions un tyrannique empire.

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Cependant, qui fut jamais animé pour ses maîtres d'un respect plus profond, d'un plus entier dévouement? Vous le savez aussi, messieurs, plus jaloux de votre estime que de vos suffrages, et m'efforçant de suppléer, par mon zèle, à la médiocrité de mes talents, je n'ai rien dit, rien écrit qui n'ait été corrigé ou approuvé par eux.

Mais il fallait à nos ennemis encore deux victimes, et j'ai, dirais-je, le malheur ou le bonheur d'avoir été choisi pour devenir le quatrième Décius du parlement. Adieu, magistrats, en qui j'ai toujours eu plutôt mes modèles que mes confrères, et dont le courage, loin d'être ralenti, sera ranimé par ma confiance. O ma femme ! ô mes enfants! vous que je ne puis pas même embrasser, vous que je ne reverrai peut-être jamais, votre époux, votre père vous dit adieu. Dans cette île solitaire où je vais être relégué, je prierai le ciel pour

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