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1." Ep. très-grande, sur les événements suivants; on y 1789. vit une réunion d'hommes prononcés, et des volontés invariables; on ne craignit plus de se rallier à eux, ni d'être abandonné par un corps que rien n'avait pu ébranler ni étonner, et que la crainte ni la séduction, n'avaient pu atteindre. Les provinces s'attachèrent à des représentants qui n'avaient pas démenti leur confiance; et si, à cette époque, l'assemblée eût voulu appeler à elle une force armée, il est hors de doute que les provinces n'eussent marché à ses ordres. La pensée en vint à ceux qui, par caractère, par systême, ou par intérêt, ne voulaient garder aucun ménagement; des hommes plus froids, et qui ne voulaient que le bien public, arrêtè

rent ce mouvement. em

Le lendemain de la séance du Jeu de Paume, l'assemblée des communes se rendit à l'église de Saint-Louis, où cent quarante-neuf membres du clergé s'étaient réunis à elle. Cette démarche était déja résolue, et c'était même pour l'empêcher que l'on avait essayé la veille de suspendre les séances.

La majorité du clergé se rendit à l'assemblée nationale, et y prit séance fixe; plusieurs évêques 24 juin. s'y joignirent; la majorité, constatée

par l'appel, se trouva de cent cinquante et un présents, contre cent quarante-quatre absents : cette démarche était par conséquent légale; une plus

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délicate, suivit immédiatement, et, deux jours 1. Ep. après, on vit se réunir à l'assemblée nationale, une partie des membres de la chambre de la no- 27 juin. blesse. Ils ne furent d'abord que quarante-quatre; plusieurs, retenus par l'ordre positif de leur mandat, restaient encore dans la chambre de leur ordre, et y occupèrent, plusieurs jours, un poste difficile, et y remplirent des devoirs devenus pé- Pièces i nibles avec franchise et dévouement. L'état de minorité des dissidents exigeait des mesures à la fois publiques et tempérées ; ils adressèrent à la chambre de la noblesse, une lettre motivée. Les députés de Paris, qui faisaient partie de cette scission, publièrent une lettre qui annonçait à leurs commettants, et leur démarche et une explication détaillée de leur conduite. Plusieurs avaient, dans leur mandat, l'ordre formel de ne quitter les états - généraux, sous aticun prétexte et ceux-là durent voir les états-généraux, là où se trouvaient réunis un ordre et la majorité légale d'un autre ; plusieurs, à cette considération, joignaient celle plus impérieuse des circonstances, et une persuasion intime que, dans l'état où l'on avait amené les affaires, leur cours ordinaire ne pouvait plus les terminer : qu'eût fait seul l'ordre de la noblesse? Un parti unique, peut-être, était encore à prendre; mais le roi le pouvait seul, par un acte d'autorité qui eût trouvé des partisans, même parmi les

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hommes sages qui voulaient le bien public, présent réel et sûr, plutôt qu'un mieux difficile et incertain, c'était de réunir la majorité de la noblesse et la minorité du clergé, et d'en former une seconde ou première, ou plutôt une autre chambre à laquelle on eût donné une attribution intermédiaire quelconque, sauf à régler définitivement sa formation par la constitution même. On eût fait alors ce qu'on a fait depuis, et l'on eût évité les crises qu'il a fallu pour en revenir à ce mode de gouvernement. Mais les événements extérieurs qu'il eût fallu diriger, maîtrisaient toutes les délibérations; pendant la première séance qui suivit la réunion de la minorité de la chambre de la noblesse, des députés, au nom de cette chambre, se présentèrent à l'assemblée nationale; il fut déja agité en quelle qualité on les pouvait recevoir, et la réponse du président fut : « L'assemblée nationale

me charge de vous dire qu'elle n'a pu vous << recevoir; et ne peut vous reconnaître que «< comme des députés non-réunis ». Tout cependant se passait fraternellement ; cette députation fut reçue et reconduite par tous les membres de la noblesse déja réunis. Dès le lendemain, le roi écrivit à l'ordre de la noblesse : << Uniquement occupé à faire le bien général de << mon royaume; mais desirant, par-dessus tout, << que l'assemblée des états-généraux s'occupe

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des objets qui intéressent toute la nation, I." Ep: d'après l'acceptation volontaire faite de ma « déclaration du 23 de ce mois, j'engage ma 27 juin. » fidelle noblesse à se réunir, sans délai, aux

« deux autres ordres ». La minorité du clergé reçut une lettre semblable, et la réunion de tous les ordres s'effectua le même jour. Tout semblait / devoir être terminé par cette réunion si desirée, si poursuivie; mais il manquait à cette grande démarche, ce qui pouvait y donner la confiance et le prix ; il y manquait le libre exercice des volontés. Les événements préparés dans la capitale, et bientôt dans toute la France, ôtaient déja le mérite et le lustre des grands sacrifices.

Peu de jours avant la réunion, une multitude nombreuse s'était assemblée devant la demeure de l'archevêque de Paris, à Versailles ; on avait cru sa détermination, dans l'affaire de la réunion, importante. On se souvenait du rôle qu'avaient joué les archevêques de Paris, pendant les anciens troubles. Quelques actes de violence furent commis; on jeta des pierres dans sa maison; la garde armée fut obligée d'intervenir; mais, dès cette époque, on put connaître ses dispositions. Deux détachements, l'un de la garde suisse, l'autre de la garde française, étaient rangés devant la maison; ceux-ci déclarèrent qu'ils ne tireraient pas, et que, si les gardes suisses faisaient feu, ils tireraient sur eux.

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Tel était déja l'esprit public, même parmi les troupes ; tous les mouvements se communiquaient au dehors, comme les commotions extérieures se faisaient sentir au dedans ; et, dans cette réaction mutuelle et journalière, se formait l'esprit public, tantôt exagéré, dans l'assemblée, par l'influence extérieure, tantôt calmé et modifié, au dehors, par l'influence de l'assemblée; l'opinion dominante du moment ne connaissait pas encore précisément son but, ou plutôt il n'y avait point encore d'opinion dominante. Le peuple, dévoué à l'assemblée nationale était disposé à vouloir tout ce qu'elle voudrait; mais, ne le sachant pas, il croyait n'en jamais faire trop; il ne manquait déja pas d'agitateurs, les uns exagérés par enthousiasme, les autres par systême, les autres par intérêt; l'assemblée, étrangère à elle-même, ne se connaissait point; composée de partis, qui avaient débuté par se mettre en opposition, il resta toujours une méfiance d'ordre à ordre, ensuite d'homme à homme, que les chefs de parti, ou ceux qui voulaient y jouer un rôle, eurent soin d'entretenir, et dont ils surent se servir trop habilement dans la suite.

Paris était agité, et par l'inquiétude des esprits, et par les émissaires de l'étranger, pour qui un peuple, en révolution, est toujours un objet de spéculation; la rareté réelle ou factice

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