Page images
PDF
EPUB

:

1787-88.

de leur ressort, étaient réduites à leurs Introd. fonctions judiciaires; les corps de judicature inférieure recevaient, sous le nom de grands bailliages, une partie de leurs attributions; la vérification des lois et l'enregistrement des impôts étaient réservés à la cour plénière c'était ainsi qu'il avait plu nommer une sorte d'assemblée suprême, composée de princes, de pairs, de magistrats, d'officiers militaires, de prélats choisis par le roi; le capitaine des gardes y avait voix délibérative. On avait cru concilier tous les intérêts et toutes les prétentions, et on n'en satisfit aucune; cette cour plénière tint deux séances contre lesquelles les magistrats qui la composaient protestèrent; le public s'en moqua, moqua, et il en resta seulement qu'en vain cherchait-on à mettre quelque chose à la place des étatsgénéraux, eux seuls pouvaient satisfaire l'opinion publique.

Plus on luttait d'efforts inutiles, plus il devenait nécessaire de multiplier les coups

1787-88.

Yutrod. d'autorité; plusieurs parlements de provinPièces j. ce furent exilés : à Grenoble, l'opposition

14).

prit un caractère d'insurgence qui pouvait annoncer l'avenir; le peuple se souleva, le commandant militaire fut investi et assailli dans sa demeure, les troupes refusèrent le service de leurs armes; une assemblée nationale et populaire fut convoquée et se tint à Vizille, malgré les défenses de la cour; ensuite, sur son consentement tardif, une autre assemblée fut convoquée à Romans, où les trois ordres siégèrent réunis: enfin, l'édit de convocation des états-généPièces j. raux parut en date du 5 juillet; cet édit

15.

qui les annonçait formellement, n'était cependant qu'un préliminaire sur la forme à prendre pour les convoquer.

Au ministre Calonne avait succédé le cardinal Brienne, tous deux hommes d'esprit, légers et frivoles, se croyant au dessus

des difficultés, parce qu'ils étaient incaPièces¦. pables de les prévoir. Calonne avait assemblé les notables en 1787, croyant qu'ils en

(6).

1787-88

imposeraient assez aux parlements pour se Introd passer d'états-généraux; sa retraite avertit son successeur que les temps étaient arrivés, et il sut au moins se faire un mérite de ce qui était devenu inévitable, homme de cour, homme d'esprit, homme de lettres homme d'église, il lui manquoit d'être homme d'état; il se hâta d'appeler à lui quelqu'un qui le fût.

Necker, déjà connu et même célèbre par des écrits sages et lumineux, par une administration pure, avait été renvoyé, puis exilé : Brienne le rappela à lui pour porter le poids des affaires, se réservant d'y prêter la main ; mais il éprouva bientôt que, dans les grandes circonstances le tålent et le génie prennent leur place sans qu'on la leur donne.

[ocr errors]

Les assemblées des états de plusieurs provinces préludaient à la grande assemblée de la nation; des troubles s'élevèrent en Bretagne, en Dauphiné, en FrancheComté, et semblaient présager les événe

1787-88.

Introd. ments qui devaient en être la suite; des scissions dans les deux premiers ordres annoncèrent que l'opinion se formait dans tous les états; en Bretagne des scènes violentes ensanglantèrent le lieu des séances; l'autorité fut obligée d'intervenir, et l'on ne manqua de dire qu'elle avait su se rendre néces

pas

saire.

En Dauphiné, les trois ordres s'accordèrent et se réunirent contre l'autorité.

En Franche-Comté, le parlement osa faire enlever, chez un notaire, un acte déposé et signé dans la chambre de l'un des ordres des états séants; et cette violence éclaira sur la force et sur les véritables intentions des cours de justice. Cétait pendant ces assemblées partielles que se traitait déja cette question qui devait tout décider: le mode de représentation de chaque ordre et le mode de délibération. Les uns réclamaient la forme antique des états de 1614, où chaque ordre, indéfiniment représenté, votait séparément; ceux qui consultaient

les or

1787-88.

plus la raison politique, et surtout la force Introd des circonstances, voulaient que dres réunis votassent ensemble, et que le tiers-état, c'est-à-dire, cette portion de citoyens qui n'était ni prêtres ni nobles, eût une représentation numérique, égale à celle des deux autres ordres réunis.

Le roi, par son droit de convocation, tenait la question dans sa main; la cour, qu'il faut, dès cette époque, séparer du roi, n'était pas contraire aux demandes du tiers, et, ne regardant pas au loin, donnant tout au moment présent, elle y voyait un moyen d'abaisser les parlements qui la contrariaient, de faire payer le clergé, et d'affoiblir la noblesse qui n'était pas noblesse de cour, car déja la ligne de démarcation était tracée; la cour, composée de la noblesse riche, ou de la haute finance alliée à la noblesse de cour, ne se regardait plus comme faisant corps avec la noblesse de province et des châteaux. Nous verrons, dans le commencement et dans le cours

« PreviousContinue »