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dente dauphine, et lorsque Louis XVI monta sur le trône la maison de la jeune reine prit pour modèle la maison de la feue reine Marie Leczinska. Sa cassette particulière, malgré l'énorme changement survenu dans les valeurs, demeura fixée à quatre cent mille livres, comme l'avait été celle des deux reines femmes de Louis XIV et de Louis XV; et ce fut seulement en 1781, à la naissance du premier dauphin, que le roi l'augmenta de deux cent mille livres.

Avec ces faibles ressources, la reine fonda en 1774 un hospice à Versailles, pour un certain nombre de femmes âgées; à ses permières relevailles, en 1778, elle établit un asile semblable pour les pauvres femmes en couche. On lui dut encore la fondation d'une école préparatoire de dessin établie rue Guénégaud, pour seize élèves gratuits nés dans les familles peu aisées',

1. Le peintre Gérard protégé du bailli de Suffren y obtint une des seize places.

ainsi que la création d'une petite école militaire, où vingt-cinq jeunes Français, privés des dons de la fortune, trouvèrent une éducation gratuite. Cette création eut lieu, de l'agrément du roi, en l'année 1774; l'établissement modeste en apparence, mais bien pourvu de ce qui lui était nécessaire, ouvrit dans une agréable maison du faubourg Saint-Martin.

Les accusateurs de la reine mirent tous leurs soins à faire oublier ces charitables fondations. Elle était aimée du peuple ; il fallait lui en aliéner les cœurs, et l'on n'y parvint que trop au moyen des fables les plus grossières.

Une seule anecdote donnera la mesure de la loyauté de ses ennemis.

Durant les agitations et agressions de l'année 1792, le parti républicain trouva convenable de renouveler contre MarieAntoinette l'accusation d'envoi d'argent à l'étranger. La rumeur publique et un petit

journal du matin annoncèrent la saisie d'un tonneau de numéraire sur la route d'Allemagne, et toute une matinée, ce tonneau resta dans la cour de l'hôtel de ville, où des flots de curieux se précipitèrent pour le contempler.

« Ce journal du matin n'attribuait pas explicitement à la reine cette expédition de numéraire pour l'Allemagne, mais il l'insinuait. M. l'abbé de Bévy, par ordre de Leurs Majestés, se rendit à l'hôtel de ville, afin d'y voir les choses par lui-même. Vif et entreprenant par caractère, il franchit le ruban tricolore qui servait de barrière aux spectateurs, il s'approcha du tonneau redoutable et le découvrit sans balancer.... Le croirait-on! au lieu de numéraire, ce tonneau était rempli de vieille ferraille! L'abbé de Bévy, indigné, commençait à s'en expliquer à haute voix pour y attirer le peuple. Mais M. Perron, administrateur, lui ferma la bouche et l'entraîna lui disant avec

émotion Vous voulez donc nous faire égorger, et vous faire massacrer même1. »

vous

Pour en finir avec cette stupide allégation d'exportation de numéraire et de dissipation des deniers de l'État en dépenses de luxe et de toilette, nous demanderons au prince de Ligne une réfutation de ces deux calomnies.

« .... La reine empêcha, comme Française et Autrichienne à la fois, la guerre qui, sans elle, se serait allumée au sujet de l'Escaut. Les 10 millions qu'elle engagea le roi à prêter à la république de Hollande, pour payer les frais et apaiser l'Empereur son frère, ont donné occasion à la plus bête de toutes les calomnies, qu'elle lui faisait passer des trésors. Nous n'en avions pas

1. Mémoires secrets et universels des malheurs et de la mort de la reine de France, par Lafont-d'Aussone, tome II, p. 79.

besoin; la maison d'Autriche était mieux dans ses affaires que la maison de Bourbon.

« Les reproches sur son luxe étaient aussi mal fondés ; il n'y a jamais eu de femme de chambre, de maîtresse de roi ou de ministre qui n'en eût davantage.... Quant au reproche sur son jeu, je ne lui ai jamais vu perdre plus de deux cents louis, et encore était-ce à ces jeux d'étiquette où elle avait peur de gagner ceux qui étaient obligés de faire sa partie. »>

L'accusation d'avoir été d'intelligence avec les émigrés pour conspirer avec eux contre la sûreté de l'État, exige une réponse brève mais nette et décisive, et nous nous trouvons en mesure de la faire, grâce à l'obligeance avec laquelle M. Chambry,

1. Le cinquième chapitre de l'Histoire de MarieAntoinette, par MM. de Goncourt, renferme les documents les plus précieux sur la répulsion de la reine pour les entreprises des émigrés.

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