Page images
PDF
EPUB

aimable. Lorsqu'elle se rendait à la chapelle, dès les premiers pas qu'elle avait faits dans cette longue galerie, elle avait découvert, jusqu'à l'extrémité de cette pièce, les personnes qu'elle devait saluer avec les égards dus au rang, celles à qui elle accorderait une inclination de tête; celles enfin qui devaient se contenter d'un sourire, en lisant dans ses yeux un sentiment de bienveillance fait pour consoler de n'avoir pas de droits aux honneurs.

<< Louis XV fut enchanté de la jeune dauphine; il n'était question que de ses grâces, de sa vivacité et de la justesse de ses reparties. Elle obtint encore plus de succès auprès de la famille royale, lorsqu'on la vit dépouillée de tout l'éclat des diamants dont elle avait été ornée pendant les premiers jours de son mariage 1.

[ocr errors]

Tous ces souvenirs de la personne phy

1. Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, par Mme Campan, tomé I, chap. 11.

sique de la reine Marie-Antoinette s'accordent entre eux pour établir la parfaite ressemblance du portrait de Dumont, pour constater qu'en répandant sur ses traits le charme qui séduit, qu'en donnant à toute sa personne les grâces qui attirent, et la douce majesté qui inspire le respect, l'artiste n'a fait que copier exactement son modèle.

Entre cette figure qui exprime si bien un bonheur resplendissant d'amour maternel, au milieu de ses enfants, objets de sa tendre sollicitude, et la victime vieillie, presque décharnée, brisée, mais non vaincue par toutes les souffrances que l'imagination peut se figurer; entre le jour où Dumont peignit la souveraine heureuse et belle, et la brumeuse matinée qui vit David esquisser sans la moindre émotion la grande victime de la Convention et de la Commune de Paris, quels événements avaient donc eu la puissance de détruire la beauté, les grâces, le bonheur de la reine Marie-Antoinette?

Certainement, cette femme que nous voyons si misérablement liée sur une charrette, cette reine, sans couronne, qui n'a conservé de la royauté que la dignité et le courage, a dû supporter d'effroyables tortures, avant d'arriver à ce comble de misère qui ne laisse subsister qu'une ruine à la place de ce qui fut si grand, si noble et si beau!

ous trouvons malséante la pudeur de ces écrivains qui craignent de

descendre jusqu'au fond du bourbier, d'où l'on a tiré les calomnies auxquelles sont restés longtemps condamnés les héros dont ils se font les historiens. Les déguisements et les ménagements de langage ne sont pas de notre goût; nous pourrons révolter les âmes honnêtes par la crudité de nos explications, mais nous les révolterons contre les calomniateurs connus ou anonymes de la reine; et, pour mieux faire comprendre la grandeur et le courage de la victime, la transformation subie par elle et que constatent physiquement les deux portraits dont

nous venons de parler, nous dirons ce qu'elle a souffert comme épouse, comme mère, comme femme et comme reine.

Dès l'année 1789, Brissot de Varville publiait dans un dégoûtant pamphlet en deux volumes, qui a pour titre : Essai historique sur la vie de Marie-Antoinette reine de France et de Navarre, rédigé sur plusieurs manuscrits de sa main, les premiers éléments de l'acte d'accusation libellé par Fouquier-Tinville, quatre ans après. Déjà les Mémoires de Mme de Lamotte avaient paru à Londres, et Brissot de Varville avoue, dans sa préface, que le livre qu'il donne au public n'est que la reproduction d'une publication antécédente, portant pour titre :

Les Passe-temps d'Antoinette.

Ces pamphlets, où se trouvent entassées les plus abominables calomnies, doivent être elassés parmi les livres orduriers qui faisaient alors les délices de la cour, de la bourgeoi

« PreviousContinue »