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trier, n'est plus aujourd'hui que la victime d'Élisabeth; l'horreur de sa condamnation, la dignité et le calme de sa mort ont effacé ses crimes, et personne ne refuse son attendrissement et sa pitié à ses malheurs.

Voilà ce que deux siècles de postérité ont fait pour Marie Stuart, et comment la vérité historique, altérée par la poésie, a été définitivement vaincue. Schiller, en Allemagne, a porté l'apothéose de Marie Stuart sur le théâtre; M. Lebrun l'a présenté et l'a fait adopter au grand Théâtre-Français; Walter Scott lui a consacré deux volumes de ses récits historiques.

Les intérêts ou les passions qui pouvaient, avec justice, dresser un acte d'accusation contre Marie Stuart n'ont plus de représentant, et l'indulgence qui lui est acquise provient autant de la poésie et du dramatique de ses fautes et de ses crimes, que de la longue et sanglante expiation qui les suivit.

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a mémoire de la reine Marie-Antoinette a-t-elle, depuis soixante

cinq ans, trouvé la même indulgence? a-t-elle seulement comparu devant des juges impartiaux pour subir un équitable jugement?... Non, la reine de France est encore en présence des passions révolutionnaires qui exigèrent sa mort. Ce que nous entreprenons aujourd'hui, ce n'est pas une nouvelle histoire de sa vie, et nous ne comptons pas faire un appel à cette indulgence miséricordieuse, si facilement accordée à Marie Stuart; un tel rapprochement nous semblerait une injustice.

Il nous suffira d'apprécier froidement les

imputations calomnieuses dont on a essayé de la flétrir, de remonter aux causes de ces imputations et de prendre l'histoire ellemême, telle qu'elle a été écrite jusqu'à ce jour, les pièces dont ses ennemis les plus acharnés ont argué, pour démontrer la lâcheté et le mensonge de l'assassinat moral qu'elle a subi avant et depuis l'exécution du 16 octobre 1793.

Le manuscrit que nous livrons pour la première fois au public, nous a paru merveilleusement propre à faciliter la publication d'un travail dont nous avions depuis longtemps rassemblé les éléments, et lorsque M. Techener nous fit connaître cette instruction, léguée par l'empereur François à ses enfants, nous acceptâmes avec empressement la tâche de rédiger la préface d'un document d'une si haute importance. Ce manuscrit fut remis à la jeune archiduchesse Marie-Antoinette le jour où elle quitta la cour de l'impératrice Marie-Thérèse, sa mère, pour venir régner en France;

il a gardé sa reliure allemande, et il porte sur ses plats les armes de France accolées aux armes de la maison d'Autriche. Son authenticité irrécusable est d'ailleurs facile à constater, car dans le codicille qui suit cette instruction, l'empereur François dit en propres termes :

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Que ladite instruction en original doit être conservée dans le trésor, là où l'on conserve les papiers les plus secrets de la

maison. »

Sauvé comme par miracle de la destruction qui a atteint tant de documents précieux, ce livre vient, après plus de soixante ans, attester, contrairement aux accusations des bourreaux de 1793, que l'éducation donnée à la jeune archiduchesse, destinée au trône de France, fut aussi morale et aussi religieuse que l'était, vers la fin du XVIII° siècle, l'éducation des personnes le plus sagement élevées. La tendre sollicitude d'un père s'y montre à chaque ligne, à côté des

sentiments de la plus ardente charité et de la plus exacte justice; la philosophie véritable n'a jamais trouvé de plus nobles paroles que celles dont se sert l'empereur François en recommandant les pauvres à ses enfants :

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....

Il faut considérer si Dieu a mis que, cette créature telle que vous dans un état déplorable, elle n'est pas moins une créature faite à son image et ressemblance, et envers le Créateur nous sommes tous égaux, et ce n'est pas le bien qui nous distingue; il n'y a donc que notre conduite qui nous peut donner de la préférence sur les autres créatures, et cette égalité bien réelle doit nous faire avoir pitié des pauvres et tâcher d'employer partie des biens que Dieu nous accorde à secourir les pauvres. »

Plus loin, comme un pressentiment des destinées malheureuses réservées à MarieAntoinette, nous trouvons une dernière recommandation dont le souvenir s'est bien

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