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reine de France? que penseront-ils de la générosité d'un grand peuple, si indulgent en général pour toutes les femmes, et qui, pour la reine Marie-Antoinette seule, s'est montré sans justice? Ils chercheront alors les fautes de cette femme, qu'Antoine Fouquier-Tinville compare à Messaline, à Brunehaut, à Frédégonde, à Catherine de Médicis, et dont il termine enfin le portrait par l'infame calomnie que nous avons le courage de rapporter.

« La veuve Capet, immorale sous tous les rapports et nouvelle Agrippine, est si perverse et si familière avec tous les crimes, qu'oubliant sa qualité de mère et la démarcation prescrite par les lois de la nature, elle n'a pas craint de se livrer, avec LouisCharles Capet, son fils, et de l'aveu de ce dernier, à des indécences dont l'idée et le nom seul font frémir d'horreur. »

1. « Dans la matinée du 13 vendémiaire an II (14 oc. tobre 1793), Simon, qui par l'entremise du citoyen

La postérité cherchera, comme nous, la preuve de ces crimes qui faisaient frémir d'horreur Fouquier-Tinville. Elle cherchera les preuves de cette légèreté de mœurs qui lui a été attribuée par ceux qui pensent qu'une calomnie repose toujours sur quelque fondement. La postérité fera, en un mot, ce que nous avons fait; elle ne rencontrera pas, plus que nous ne les avons rencontrées, les preuves des crimes et des légèretés de la reine.

Daujon, officier municipal, avait le mot d'Hébert, prévient Chaumette que le petit Capet se trouve disposé à répondre à toutes les questions qu'on aurait à lui faire dans l'intérêt de la justice. Le maire et le procureur de la commune décident qu'ils se rendront au Temple, accompagnés de deux membres du conseil général (Laurent et Friry). Avis est donné à Simon de se tenir prêt pour le surlendemain. Le 15 vendémiaire (6 octobre), Pache et Chaumette arrivent à la tour avec leur escorte. Leur entrée dans la chambre de Simon impose d'abord au jeune prince, dont l'ivresse, préparée avant l'heure, commençait à se passer, et dont le front perdait insensiblement la fu gitive rougeur que l'eau-de-vie y avait fait éclore. L'é

Pourquoi réveiller ces tristes souvenirs, nous ont dit plusieurs de ces esprits à la conscience facile, qui acceptent les injustices du passé, dans la crainte d'apporter quelque trouble à la jouissance paisible de leur tranquillité présente; laissez les morts en paix; de quel intérêt, est pour nous, l'innocence ou la culpabilité de la reine?

Nous croyons n'avoir pas besoin d'expliquer le sentiment qui nous a fait repousser ces conseils égoïstes.

Le peuple français compte une sainte

clair de son œil s'éteignait par degrés, et sa tête déjà se penchait froide et morne comme auparavant ; mais, poursuivi, harcelé, traqué comme une pauvre gazelle, épuisé de fatigue, il cède enfin; il n'eût jamais tant résisté pour se laisser conduire au supplice. Heussée, administrateur de police, fait lecture d'un interrogatoire écrit d'avance, et, si l'on en croit une tradition contemporaine, préparé par Daujon, et dans lequel l'enfant répond comme on voulait qu'il répondît; ensuite on le fait signer comme on voulait qu'il signât.» (Louis XVII, sa vie, son agonie, sa mort, etc., par A. de Beauchesne. Paris. 1853; tome II, p. 116, 117.)

héroïne dans son histoire : Jeanne d'Arc! Son innocence, son courage, son dévouement n'ont pu la sauver des flétrissures dont Voltaire a outragé sa renommée; les continuateurs de Voltaire se sont acharnés sur l'héroïne de la royauté, sur la reine Marie-Antoinette. Depuis plus de soixante ans des écrivains, qu'il est inutile de nommer ici, ont employé les ressources de leur talent à la réhabilitation de ses bourreaux, et, pour y parvenir, ils ont dissimulé, autant qu'il leur a été possible de le faire, l'horrible tyrannie de la Terreur et les làches crimes de la Convention.

L'histoire de la révolution française, poétisée, a opéré a opéré un singulier travail de démoralisation,, non-seulement en France, mais dans l'Europe entière; tout progrès a été attribué aux révolutions et aux révolu tionnaires, tous les crimes accomplis par les révolutions et par les révolutionnaires ont été amnistiés, justifiés même par la nécessité du progrès. Qu'est-il résulté de cette

poétisation?... la persuasion, pour un grand nombre d'esprits infimes, que l'état révolutionnaire seul peut enfanter le progrès : qu'à lui seul appartient de conduire la société vers ses destinées futures, et que, dans l'intérêt de l'humanité, il faut entretenir chez les peuples l'esprit révolutionnaire. Aussi n'a-t-on rien négligé pour réhabiliter la Convention. On lui a tout sacrifié; on a tout abaissé devant elle d'abord, puis, peu après, devant la sainte montagne ! et lorsqu'une voix timide s'élevait pour protester contre ses échafauds, ses mitraillades et ses noyades, mille jeunes montagnards de notre siècle lui répondaient empruntant la phrase de Vergniaud :

« Le sang qui a coulé était-il donc si pur?"

1. La notice biographique sur Saint-Just, placée en tête de ses œuvres, imprimées en 1833, se termine par la phrase suivante :

« Ainsi périt assassiné le plus vertueux des hommes! »

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