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signe comme celle adressée au marquis d'Argens, le 2 mars 1763 (Christmoque). Enfin un roi! Frédéric de Prusse parapha comme témoin l'acte de naissance qui attribue à Voltaire et aux philosophes la paternité, non pas de la révolution de 1789, mais la paternité de la révolution de 1793, de celle qui brisa la couronne de la royauté et les croix de la religion. Il écrivait le 16 mars 1771:

« A quoi ne doit pas s'attendre le siècle qui suivra le nôtre la cognée est mise à l'arbre, les philosophes s'élèvent contre les abus d'une superstition révérée. Cet édifice va s'écrouler, et les nations transcriront dans leurs annales que Voltaire fut le promoteur de cette révolution.

Voltaire, comblé, rassasié de gloire et vainqueur de l'infâme, montera dans l'Olympe, soutenu par le génie de Lucrèce. »

Et Voltaire, en effet, vainqueur de l'infame, laissa après lui des législateurs de la

force de ce Poultier, qui, dans la séance de la Convention du 8 frimaire an 11, s'écriait :

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........... Déjà, et heureusement les

églises sont désertes dans le Gard.

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S'il est besoin de preuves plus convaincantes pour établir, au compte des philosophes, la paternité de la Terreur, nous les trouvons dans la lettre écrite par le marquis de Condorcet au duc d'Aranda, ministre du roi d'Espagne, et l'un des adeptes du philosophisme révolutionnaire :

<< La philosophie va régner dans l'Europe. Ses ministres deviennent ceux des rois, et la liberté française, après avoir trouvé en vous son admirateur pendant vos disgrâces, va reconnaître un de ses défenseurs contre la superstition et le despotisme. Le destructeur des jésuites sera l'ennemi de toutes les tyrannies.... Il me semble voir Hercule lui-même nettoyant l'étable d'Augias, en vous voyant écraser cette vile canaille, qui, sous le nom de prêtres

et de nobles, sont l'ulcère de l'État.... Vous êtes maintenant l'exécuteur testamentaire des philosophes avec lesquels vous avez vécu. et l'ombre de d'Alembert plane sur les lieux que vous habitez.... Vous allez apprendre à l'Europe que le plus grand service qu'on pourra rendre aux rois sera de briser le sceptre du despotisme et de les armer d'une sage constitution, qui, en les rendant les premiers serviteurs du peuple, les remettra à la place qu'ils doivent occuper pour leur bonheur et pour le nôtre. »

Tels étaient les dissolvants qui minaient le trône de Louis XVI et les bases de la vieille société française; le respect de la royauté n'existait plus, la religion s'appelait l'infame, l'esprit révolutionnaire avait tout envahi; les rois et les dieux s'étaient évanouis. La corruption la plus effrénée ré

1. Un réquisitoire de l'avocat général Séguier du 18 août 1770, indiquait vainement le danger; ce magistrat s'écriait d'une voix prophétique :

«

L'impiété ne borne pas ses projets d'innovation

gnait seule, elle était la loi de la société française; née sous la Régence, elle avait gangrené peu à peu les trois ordres de l'État, et, ce qu'on aura peine à croire, tant sont enracinées les erreurs historiques dans

à dominer sur les esprits, et à arracher de nos cœurs tout sentiment de la Divinité : son génie inquiet, entreprenant, ennemi de toute dépendance, aspire à bouleverser toutes les constitutions politiques; et ses vœux ne seront remplis que lorsqu'elle aura mis la puissance exécutive et législative entre les mains de la multitude; lorsqu'elle aura détruit cette inégalité nécessaire de rangs et de conditions; lorsqu'elle aura avili la majesté des rois, rendu leur autorité précaire et subordonnée aux caprices d'une foule aveugle; et lorsque enfin, à la faveur de ces étranges changements, elle aura précipité le monde entier dans l'anarchie et dans tous les maux qui en sont inséparables. Peut-être même, dans le trouble où ils auront jeté les nations, ces prétendus philosophes, ces esprits indépendants se proposeront-ils de s'élever au-dessus du vulgaire et de dire aux peuples que ceux qui ont su les éclairer sont seuls en état de les gouverner. La liberté indéfinie trouverait dans le caractère de la nation, dans son activité, dans son amour pour la nouveauté, un moyen de plus pour y préparer les plus affreuses révolutions. »

l'esprit d'un peuple que des philosophes de toute espèce façonnent depuis plus d'un siècle à l'exécration de la royauté, Louis XV fut de tous les Français celui qui résista le plus longtemps à l'entraînement général. Vainement les roués de la Régence, les vétérans de la débauche et de l'orgie multiplièrent autour de lui les tentations et poussèrent jusque dans ses bras les femmes les plus séduisantes, vainement ils raillèrent sa timidité, le roi de France resta sans maîtresse pendant plusieurs années.

Mais les roués l'emportèrent, à la fin, sur les scrupules du monarque, et lorsque Marie-Antoinette vint épouser à Versailles l'héritier de la couronne, ce fut une courtisane, la comtesse du Barry, qu'elle rencontra sur les marches du trône. Une maîtresse, sortie des bas-fonds de la société, occupait la place de la reine; grands seigneurs et grandes dames non-seulement s'inclinaient devant elle, mais sollicitaient comme faveur d'être admis à ses réunions intimes.

une

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