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révolution française, mais comme les instigateurs de la Terreur, les complices antécédents de Robespierre. Nous citerons, pour corroborer notre opinion, l'aveu même que Robespierre fit dans son fameux discours du 18 floréal an 11 de cette paternité et de cette complicité.

« La raison humaine marche depuis longtemps contre les trônes, à pas lents et par des routes détournées, mais sûres.... Dès longtemps les observateurs éclairés pou

1. Le Mercure de France du samedi 7 août 1790, rendant compte de la vie de Voltaire par le marquis de Condorcet, s'exprime ainsi :

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« Il semble qu'il étoit possible de développer davantage les obligations éternelles que le genre main doit à Voltaire. Les circonstances actuelles fournissoient une belle occasion. Il n'a point vu tout ce qu'il a fait; mais il a fait tout ce que nous voyons. Les observateurs éclairés, ceux qui sauront écrire l'histoire prouveront à ceux qui savent réfléchir, que le premier auteur de cette grande révolution qui étonne l'Europe, et qui répand de tout côté l'espérance chez les peuples et l'inquiétude dans les cours c'est sans contredit Voltaire. C'est lui qui a fait tom

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vaient apercevoir quelques symptômes de la révolution. Tous les événements imposants y tendaient; les causes mêmes des particuliers susceptibles de quelque éclat s'attachaient à une intrigue politique. Les hommes de lettres renommés, en vertu de leur influence sur l'opinion, commençaient à en obtenir quelqu'une dans les affaires. Les plus ambitieux avaient formé dès lors une espèce de coalition qui augmentait leur importance; ils semblaient s'être partagés en

ber le premier la plus formidable barrière du despotisme, le pouvoir religieux et sacerdotal. S'il n'eût pas brisé le joug des prêtres, jamais on n'eut brisé celui des ty rans. L'un et l'autre pesoient ensemble sur nos têtes, et se tenoient si étroitement que le premier une fois secoué, le second devoit l'être bientôt après. L'esprit humain ne s'arrête pas plus dans son indépendance que dans sa servitude, et c'est Voltaire qui l'affranchit, en l'accoutumant à juger sous tous les rapports ceux qui l'asservissoient. C'est lui qui a rendu la raison populaire; et si le peuple n'avoit pas appris à penser, jamais il ne se seroit servi de sa force. C'est la pensée des sages qui prépare les révolutions politiques, mais c'est toujours le bras du peuple qui les exécute, » (N° 18, p. 26.)

deux sectes, dont l'une défendait bêtement le clergé et le despotisme. La plus puissante et la plus illustre était celle qui fut connue sous le nom d'Encyclopédistes. Elle renfermait quelques hommes estimables et un plus grand nombre de charlatans ambitieux. Plusieurs de ses chefs étaient devenus des

personnages considérables dans l'État : quiconque ignorerait son influence et sa politique n'aurait pas une idée complète de la préface de notre révolution. Cette secte, en matière de politique, restera toujours au-dessous des droits du peuple; en matière de morale, elle alla beaucoup au delà de la destruction des préjugés religieux. Ses coryphées déclamaient quelquefois contre le despotisme et ils étaient pensionnés par les despotes; ils faisaient tantôt des livres contre la cour et tantôt des dédicaces aux rois, des discours pour les courtisans et des madrigaux pour les courtisanes; ils étaient fiers dans leurs écrits et rampants dans les antichambres. Cette secte propagea avec beau

coup de zèle l'opinion du matérialisme, qui prévalut parmi les grands et parmi les beaux esprits. >>

Entre tous ces philosophes que Robespierre accusait d'être restés au-dessous des droits du peuple, en matière politique, il est juste de disculper Rousseau, qui définit la royauté une commission révocable, et de rendre à Diderot la responsabilité qui lui revient dans l'établissement de l'athéisme, comme condition de la liberté pour le peuple, car c'est à lui qu'appartient cette maxime philosophique :

« L'athéisme est le seul système qui puisse conduire l'homme à la liberté. »

Sans aucun doute, Robespierre avait mal lu les philosophes auxquels il reprochait d'être restés au-dessous des droits du peuple, ou bien peut-être en leur accordant

1. « La souveraineté, n'étant autre chose que l'exercice de la volonté générale, ne peut s'aliéner. Si le peuple promet seulement d'obéir, 1 se dis

la propagation de l'athéisme, voulait-il se réserver l'honneur des autres moyens révo lutionnaires dont il n'était en réalité que le metteur en œuvre. Il faisait tort à Diderot, auteur de l'accusation portée contre la propriété d'être la cause de tous les maux qui affligent l'humanité et de la proposition du partage des terres, dont il l'accompagne immédiatement. Il méconnaissait également le génie politique et l'instinct révolutionnaire de Rousseau, qui établit dogmatiquement la souveraineté du peuple et l'impossibilité de concilier la royauté et la liberté.

Ces injustices de Robespierre sont maintenant avérées, et nous reconnaissons volontiers que sa rude tyrannie a vécu de plagiats qu'il avait intérêt à dissimuler; nous le reconnaissons même d'autant plus volontiers que cette reconnaissance rend, pour

sout par cet acte; il perd sa qualité de peuple. A l'instant qu'il y a un maître, il n'y a plus de souverain, et dès lors le corps politique est détruit. » (J. J. Rousseau, Contrat social, livre II, chap. 1.)

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