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guerre entre l'Amérique et l'Angleterre, quoique l'indépendance des États-Unis fût désirée par toutes les âmes généreuses. Les principes de la monarchie française ne permettaient pas d'encourager ce qui devait être considéré comme une révolte d'après ces mêmes principes.

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La cause de l'Amérique et les débats du parlement d'Angleterre à ce sujet excitèrent un grand intérêt en France. Tous les Français qui furent envoyés pour servir avec le général Washington revinrent pénétrés d'un enthousiasme de liberté qui devait leur rendre difficile de retourner tranquillement à la cour de Versailles, sans rien souhaiter de plus que l'honneur d'y être admis. Il faut attribuer la révolution à tout et à rien; chaque année du siècle y conduisait par toutes les routes. »

Sans doute la guerre d'Amérique ne fut pas la seule cause de la révolution, mais

personne ne peut nier l'influence qu'elle exerça sur sa marche et l'enthousiasme irréfléchi qu'elle fit naître pour les idées républicaines. Le peuple français, à la voix de La Fayette, se crut jeune comme le peuple américain. Cette opinion est parfaitement développée dans un livre récent qui a pour titre : Études historiques sur la révolution française de 1789, par un étranger1. »

« Le résultat de la guerre d'Amérique, en amenant l'émancipation des colonies, sanctionnant en quelque sorte les efforts d'un peuple pour obtenir son indépendance par la voie de l'insurrection: tout cela devenait très-contagieux pour les Français, dans un temps où la discussion des doctrines touchant l'émancipation générale des peuples faisait jaillir une foule de maximes hardies. Dès lors, les partisans des garanties constitutionnelles, même d'une liberté

1. Études historiques sur la révclution française de 1789, par un étranger.-Paris, 1857, t. I, p. 203, 204.

et sans tenir

indéfinie, et les adversaires du statu quo durent se multiplier sans mesure, compte des mœurs des Français, de leurs souvenirs, de leurs vieilles habitudes, de leurs préjugés même. Ce qui est dans les opinions n'est pas encore dans les mœurs, selon la remarque d'une haute portée de Lacretelle. On croyait être arrivé au moment où le genre humain allait être gouverné par des sages. On admirait la puissance progressive de l'opinion, et l'on ne voulait pas voir les périls qui devaient résulter de la diminution du respect pour l'autorité. On voulait faire régner les principes et les lois, les croyances religieuses s'affaiblissaient graduellement. Chacun se formait une religion, des règles de morale à sa convenance. Cependant le sentiment d'une bienveillance générale paraissait être le cachet particulier des Français à cette époque. Mais cette prétendue philanthropie n'était qu'à la surface, un habile observateur pouvait y découvrir au fond le germe

de l'envie, à l'égard des individus plus haut placés dans l'échelle sociale. »

Ainsi, toute institution marchait vers sa ruine, toute croyance penchait vers son déclin.

Alors croissait depuis longtemps, sous la protection de la faveur générale, cette école des philosophes du xvIII° siècle, qui ne tendait pas uniquement à la réforme des abus dont gémissaient les personnes les plus honorables, et que Louis XVI avait entrepris de détruire. Ce qu'il fallait à cette école avide de bruit et de renommée, c'était une rénovation complète, une sorte de table rase pour édifier à nouveau; c'était le monde ramené vers le chaos pour recommencer l'oeuvre de la création.

Lord Walpole, écrivant, le 28 octobre 1765 au feld-maréchal Conway, définit ainsi cette école de prétendus philosophes:

« Savez-vous ce que c'est que les philosophes, ou bien ce que ce mot veut dire?

D'abord il désigne ici presque tout le monde; en second lieu, il signifie des hommes qui, sous prétexte de guerre qu'ils font au catholicisme, tendent, les uns à la subversion de toute religion; les autres, en plus grand nombre, à la destruction du pouvoir monarchique.

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Lord Walpole avait raison, presque tout le monde, vers la fin du XVIIIe siècle, se targuait du titre de philosophe, sans bien comprendre vers quel avenir la philosophie entraînait la société. La philosophie était une mode que l'esprit et l'audace de ses chefs, leur talent d'écrivain, leur raillerie des choses réputées les plus sacrées jusquelà, décoraient de cet éclat qui devait avoir tant d'empire sur une société en décomposition.

Ces chefs se nommaient Voltaire, Rousseau, Diderot, d'Alembert, Helvétius, d'Holbach, Raynal, et ils doivent être considérés, non-seulement comme les pères de la

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