onsieur le comte de Provence fut, M de tous les ennemis de la reine Marie-Antoinette, le plus perfide et le plus acharné; il la poursuivit de sa haine, non-seulement jusqu'au 16 octobre 1793, mais cette haine survécut en lui à la mort même de sa victime; et, lorsqu'en 1814 il monta sur le trône de France sous le nom de Louis XVIII, la nécessité de dissimuler à l'histoire les mystères du passé le contraignit aux iniquités de ce silence flétrissant, qui fut gardé pendant tout son règne sur les accusations dont la mémoire de sa belle-sœur supportait encore le fardeau. MM. de Goncourt, dans leur Histoire de la reine Marie-Antoinette', n'apprécient pas avec assez de sévérité l'inimitié de M. le comte de Provence. Il est triste de le dire, c'était parmi les frères du roi que la reine avait trouvé le pire de ses ennemis : j'ai nommé Monsieur, Monsieur, dont toute la conduite privée, dont toute la conduite politique n'avait été jusqu'alors qu'une critique de la vie de la reine et un persiflage de son rôle. Marie-Antoinette tout entière à sa jeunesse et au plaisir, Monsieur affichait une piété de montre et de spectacle. Versailles en fêtes, il allait au Calvaire. Libre et sans religion d'esprit, facile aux veautés, penché de nature vers la popularité et ses flatteries, Monsieur se détourne de son caractère et de ses idées, dès que l'appui donné par Marie-Antoinette au rétablissement des parlements exilés, acquiert nou 1. P. 213. à la reine les applaudissements de la nation. Monsieur se jette dans le parti de la résistance à l'opinion, dans le système du droit absolu de la volonté royale. Dès que la reine touche à la politique, Monsieur ne quitte plus le crayon ni la plume 1: il ne fait que répandre la caricature et la satire, promener l'insulte et le discrédit de l'ironie sur les amis de la reine, ses ministres, ses idées, ses illusions. » L'écrivain qui fouille l'immense dossier de la révolution y trouve autre chose que des satires et des caricatures contre la reine à imputer à l'aîné des frères de Louis XVI; il recule d'abord effrayé devant la gravité des faits qui lui sont révélés; il lui répugne 1. « 21 février 1785. L'invention du monstre fabuleux, annoncée il y a quelques mois, paroît rester tout entière à Monsieur. Quant à l'allégorie qu'on y soupçonnoit, Son Altesse Royale n'a pas jugé à propos de la révéler. » (Mémoires secrets pour servir à l'histoire de la république des lettres, etc. Tome XXVIII, p. 136.) de salir la mémoire d'un souverain dont le règne ne fut pas sans illustration; mais, en présence des calomnies encore toutes-puissantes qui flétrissent le noble caractère de Marie-Antoinette, force lui est de force lui est de reporter la flétrissure sur ceux de ses ennemis qui, non contents de l'avoir conduite à l'échafaud, espéraient l'avoir enchaînée pour toujours au pilori de la diffamation. Nous avons ainsi compris notre tâche et nous n'avons pas cru devoir couvrir de notre ́silence les révélations pénibles que l'histoire nous apporte contre M. le comte de Provence; quelque graves qu'elles soient, nous sommes tenus de les enregistrer, mais nous laisserons à nos lecteurs le soin de les apprécier. Nous produisons les pièces du procès de la reine comme le ferait un rapporteur consciencieux, là se bornera notre ministère, nous en abandonnons l'examen au jury de l'opinion publique. Le 5 novembre 1781, les dames de la halle eurent l'honneur de complimenter le roi sur la naissance du premier dauphin; M. le duc de Cossé les présenta comme gouverneur de Paris, et, les deux battants de son appartement ouverts, Louis XVI écouta d'un air de joyeuse satisfaction le petit discours qu'une de ces dames lui débita avec convenance. SIRE, « Si le ciel devoit un fils à un roi qui regarde son peuple comme sa famille, nos prières et nos vœux le demandoient depuis longtemps; ils sont enfin exaucés. Nous voilà sûrs que nos enfants seront aussi heureux que nous; car cet enfant doit vous ressembler. Vous lui apprendrez, Sire, à être bon et juste comme vous. Nous nous chargerons d'apprendre aux nôtres comme il faut aimer et respecter son roi1. Le 6 novembre, les mêmes dames de la 1. Mémoires secrets pour servir à l'histoire de la republique des lettres, etc. Tome XVIII, p. 124. |