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certainement réveillé en elle dans les cachots de la Conciergerie, le matin du 16 octobre 1793.

Je vous recommande, mes chers enfants, de prendre sur vous deux jours tous les ans pour vous préparer à la mort, comme si vous étiez sûrs que ce sont là les deux derniers jours de votre vie, et par là vous vous habituerez à savoir ce que vous aurez à faire en pareil cas, et, quand votre dernier moment viendra, vous ne serez pas si surpris et aurez moins à faire; c'est une disposition qu'il ne faut faire qu'en soimême et dont même il n'est pas besoin que l'on s'en aperçoive, n'étant que pour vous qu'il faut que vous voyiez ce que vous avez à faire ; cela fait des réflexions pas trop gaies mais je les trouve si essentielles que je ne puis me dispenser de vous réitérer mes recommandations de les mettre en pratique, et vous en reconnoîtrez l'utilité par l'usage, et cela fait un bien infini, sans que cela

fasse un autre mal, sinon que l'on fait de sang-froid ce que peut-être la maladie ou le manque de temps nous empêcheroit de faire.

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Si l'on rapproche ces instructions de la lettre écrite, en 1770, par l'impératrice Marie-Thérèse au dauphin, et qui fut alors répandue dans tout le royaume, on demeure stupéfait de la facilité avec laquelle les révolutionnaires surent persuader au peuple qu'en envoyant sa fille bien-aimée pour régner sur la France, l'impératricereine se serait écriée avec une horrible satisfaction:

« Je me venge de la nation française en lui donnant un pareil monstre 1!

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Nous reproduisons la lettre de l'illustre Marie-Thérèse; elle servira de complément

1. Essai historique sur la vie de Marie-Antoinette, rédigé sur plusieurs manuscrits de sa main. A Versailles, chez la Montansier, hotel des Courtisanes, 1789.

aux instructions léguées à ses enfants par son mari, l'empereur François.

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Votre épouse, mon cher dauphin, vient de se séparer de moi; comme elle faisoit mes délices, j'espère qu'elle fera votre bonheur; je l'ai élevée en conséquence, parce que, depuis long-temps, je prévoyois qu'elle devoit partager votre destinée. Je lui ai inspiré l'amour de ses devoirs envers vous, un tendre attachement, l'attention à imaginer et à mettre en pratique les moyens de vous plaire; je lui ai recommandé avec beaucoup de soin une sincère dévotion envers le Maître des rois persuadée que l'on fait mal le bonheur du peuple qui nous est confié, quand on manque envers celui qui brise les sceptres et renverse les rois comme il lui plaît. Aimez donc vos devoirs envers Dieu, je vous le dis, mon cher dauphin, et je l'ai dit à ma fille. Aimez le bien des peuples sur lesquels vous régnerez, toujours trop tôt. Aimez le roi votre aïeul, in

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spirez ou renouvelez cet attachement à ma fille, soyez bon comme lui. Rendez-vous accessible aux malheureux ; il est impossible qu'en vous conduisant ainsi vous n'ayez le bonheur en partage. Ma fille vous aimera j'en suis sûre, parce que je la connais; mais plus je réponds de son amour et de ses soins, plus je vous demande de lui vouer le plus tendre attachement. Adieu, mon cher dauphin; soyez heureux, rendez-la heureuse.... Je suis toute baignée de larmes.

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Ces documents appartiennent à l'extrême jeunesse, presque à l'enfance de l'archiduchesse Marie-Antoinette; nous pourrions multiplier les citations sur tout ce qui se rapporte à cette partie de son existence, nous relaterons seulement deux faits qui attestent également la noblesse et la bonté de son cœur; nous les empruntons aux

Mémoires de Weber, son frère de lait, qui lui fut si loyalement dévoué.

Son auguste mère la questionnant un jour sur le caractère des divers peuples de l'Europe, et lui demandant sur lequel elle préférerait de régner si elle était appelée à choisir : Sur les Français, réponditelle sans hésiter, c'est sur eux qu'ont régné Henri IV et Louis XIV, dont l'un donne l'idée du BON, et l'autre celle du

GRAND. »

Et Weber ajoute, à cette anecdote, le témoignage suivant des sentiments d'affection des Viennois pour leur jeune archiduchesse.

"

Elle s'était si fortement attaché tous les cœurs qui l'avaient environnée pendant son éducation, qu'à l'époque de son mariage, la joie de la voir dauphine de France était entièrement comprimée à Vienne par la douleur de ne plus la posséder. On a peine

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