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sa présence eût animé ses défenseurs, et son trône serait encore debout 1. »

Enfin, M. Barrière, l'éditeur des Mémoires de Mme Campan, a inséré dans la notice qu'il a consacrée à cette ancienne femme de chambre de la reine Marie-Antoinette, les quelques phrases suivantes qui sont, dit-il, un fragment de la main de Mme Campan.

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Pardonne, ombre auguste, reine infortunée, pardonne; j'ai ton portrait près de moi au moment où j'écris ces paroles. Mon imagination attendrie y reporte à chaque instant mes regards; je cherche à ranimer ses traits; je voudrais y lire si je sers ta mé moire en traçant cet ouvrage. Cette tête si noble tombée sous le fer cruel des bourreaux, je ne puis la considérer sans que les pleurs, en remplissant mes yeux, suspendent

1. Mémorial révolutionnaire de la Convention, etc., par G. V. Vasselin, t. II, p. 333-334.

mon entreprise. Oui, je dirai la vérité sans que ton ombre puisse en souffrir : la vérité doit servir celle que le mensonge avait si cruellement outragée!»>

Et Mme Campan termine le vingt et unième chapitre de ses Mémoires par le paragraphe suivant :

« Dans tout ce que j'ai rapporté jusqu'ici de la plus infortunée des femmes et des reines, ceux qui ne vécurent pas près d'elle, ceux qui la connurent mal, la plupart des étrangers surtout, prévenus par d'infâmes libelles, pourront penser que j'ai cru devoir sacrifier la vérité à la reconnaissance. Heureusement qu'il existe encore des témoins irrécusables que je puis attester; ils diront si ce que j'ai vu, si ce que j'ai entendu leur paraît faux ou invraisemblable.»

Telle est la vérité sur la conduite de la reine, telle est l'opinion que les personnes les mieux placées pour en juger,

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ont exprimée devant le tribunal de l'histoire. M. Sénac de Meilhan lui reproche, il est vrai, des imprudences; il parle des séductions qui l'environnaient, et aussitôt tous les ennemis de la royauté s'emparent de ces mots, qu'ils ont le soin de séparer du dernier membre de phrase qui les explique, et ils argumentent ainsi :

La reine, environnée de séductions, a commis des imprudences; ses amis eux-mêmes en font l'aveu: donc elle a eu des amants, donc elle a tenu la conduite la plus légère!

La reine commit des imprudences, applaudies alors, dit M. Sénac de Meilhan; il ne peut par conséquent être question de

1. 14 juin 1770. Mme la comtesse de Noailles, dame d'honneur de Mme la Dauphine, et dont les fonctions sont de guider cette princesse dans tout ce qui est étiquette et cérémonial, voit avec peine qu'elle s'affranchisse de ses conseils, et lui fait sans cesse des représentations sur ce qu'elle se familiarise trop; ce qui la rend peu agréable à la princesse et au public, et ce qui donnera la clef de la chute de la pièce de

mœurs déréglées et, sous le couvert de cette accusation d'imprudences, il n'est pas possible d'admettre les liaisons adultères, dont nous ne trouvons la trace que dans des libelles.

vers suivante, qui, par une adresse assez heureuse, est tout à la fois un éloge très flatteur pour Mme la dauphine et une épigramme contre Mme de Noailles.

Le bal masqué de Mme la Dauphine.

Quand au milieu d'une brillante cour
Aux rois nous offrons notre hommage,

Le respect sur notre visage

Tient lieu de masque au tendre amour.
C'est pour mieux nous faire connoître
Qu'aujourd'hui nous masquons nos traits
A la félicité du maître

Chacun veut applaudir de près.
Pour donner à notre tendresse
Le droit d'éclater librement,
Faut-il en ce jour d'allégresse,

Recourir au déguisement?

;

Ce qu'il sent hautement, le François le public,

Laissez-lui la sincérité;

En est-il un qui ne s'écrie :

Cette Dauphine, en vérité,

Nous l'aimons tous à la folie!

Nous l'aimons! ce mot est si doux.

D'ailleurs les imprudences commises par la reine sont connues de tout le monde, elles sont racontées dans vingt mémoires; ce sont les promenades en dehors du parc de Versailles, lorsqu'elle parcourait à pied

Qu'au milieu de ce peuple errant autour de vous;
Vous vous plaisez sous le masque à l'entendre;
Vous épiez, vous cherchez à surprendre

L'aveu, le seul aveu dont les dieux soient jaloux.
Si pourtant vous croyez que rien ne vous décèle,
Vous vous trompez : partout Louis vous suit des yeux;
Ses regards attendris semblent dire : c'est elle!
Et puis cette ceinture, ornement précieux,
Que vous portez dès l'âge le plus tendre,
Et dont vous fit présent la mère de l'Amour,
Jamais votre dame d'atour,

En vous masquant, n'a pu vous la reprendre.

(Mémoires secrets pour servir à l'histoire de la

littérature, etc., tome V, p. 121, 122, 123.)

< Plus les monarques se rapprochent de leurs sujets, plus ils sont véritablement grands; s'ils s'en éloignent, ils ne font plus que les éblouir; leur peuple les perd bientôt de vue, et les laisse seuls dans leur sphère. Au contraire, s'ils aiment à en descendre quelquefois, le plus sincère hommage et l'amour le plus tendre sont toujours le prix de leur affabilité. (Annales du règne de Marie-Thérèse, etc., dédiées. à la reine par M. Fromageot. Paris, 1781, p. 219.)

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