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yous avions hâte de nous débarrasser de toutes les accusations

qui ne s'attaquent point aux mœurs de la reine Marie-Antoinette, pour ne plus rencontrer devant nous que l'inconcevable calomnie qui lui impute une conduite légère. Cette calomnie procède tantôt par des citations de faits, auxquels les noms propres ne font pas défaut1, tan

1. « La faveur de Mme d'Ossun, la préférence que la reine lui témoignait, mécontentèrent vivement la société de Mme de Polignac. Cela se conçoit jusqu'à un certain point: mais ce qui ne se concevra pas si facilement, c'est que l'humeur de cette société soit allée jusqu'à répandre sur la reine une atroce calomnie. On y parlait avec malignité de ce que la reine aimait

tot par de vagues insinuations, dont elle puise l'origine dans des moitiés de phrases, détournées de leur véritable sens. Les noms propres nous les avons cités, mais nulle part

à danser des écossaises avec un jeune lord Strathavon, aux petits bals chez Mme d'Ossun. Un habitué du salon Polignac, et qui devait avant tout une profonde reconnaissance et les plus respectueux égards à la reine, fit contre elle un couplet très-méchant, et ce couplet, fondé sur un infâme mensonge, alla circuler dans Paris.

<< Il faut le reconnaître, l'infortunée Marie-Antoinette a trouvé de bien dangereux ennemis parmi ceux qui auraient dû être ses serviteurs les plus dévoués et les plus reconnaissants. Ils ont été d'autant plus dangereux que ce sont eux qui ont livré à la malignité publique d'odieuses calomnies, qui sont retombées si cruellement sur la tête de cette malheureuse princesse dès le début de la révolution française. Et c'est dans les méchancetés et les mensonges répandus de 1785 à 1788 par la cour contre la reine, qu'il faut aller chercher les prétextes des accusations du tribunal révolutionnaire, en 1793, contre la reine. » (Notice du comte de La Marck sur la reine Marie-Antoinette, tirée de la Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de La Marck, etc., etc., recueillie par M. Ad. de Bacourt, tome I, p. 60, 61.)

nous n'avons trouvé, si ce n'est dans les libelles de la fin du XVIIIe siècle, un texte d'historien, un aveu de contemporain faisant autorité, qui permette d'accoler, à un seul de ces noms de grands seigneurs, le titre d'amant de la reine.

Quant aux vagues imputations, aux inductions tirées de discours et de faits controuvés, il faudrait avoir un parti pris d'acharnement contre une auguste mémoire, pour en tenir compte.

M. Sénac de Meilhan termine ainsi son portrait de la reine :

« Entièrement livrée à elle-même à vingt ans, étrangère, belle, aimable, toute-puissante sur l'esprit d'un roi aussi jeune qu'elle, environnée de séductions, elle fit des imprudences, applaudies alors, transformées dans la suite en crimes. >>

Le prince de Ligne, plus à même de la juger que M. Sénac de Meilhan, le prince de Ligne, admis dans son intimité, et qui

connaissait, pour les voir chaque jour, tous les habitués des salons de la reine, a consigné dans ses Mémoires l'opinion qu'il s'était formée de sa conduite :

« Sa prétendue galanterie ne fut jamais qu'un sentiment profond d'amitié, et peutêtre distingué pour une ou deux personnes, et une coquetterie générale de femme et de reine pour plaire à tout le monde. Dans le temps où la jeunesse et le défaut d'expérience pouvaient engager à se mettre trop à son aise vis-à-vis d'elle, il n'y eut aucun de nous, qui avions le bonheur de la voir tous les jours, qui osât en abuser par la plus petite inconvenance. Elle faisait la reine sans s'en douter: on l'adorait sans songer à l'aimer. »

Vasselin, auteur du Mémorial révolutionnaire de la Convention, écrivait, en 1797, les lignes suivantes sur la reine :

« Marie-Antoinette savait compatir aux

maux d'autrui, même à ceux qu'elle ne connaissait pas; et jamais l'honorable indigence ne l'avait trouvée sourde à ses cris. Religieuse observatrice de ses devoirs de fille, d'épouse, de sœur et de mère, elle connut les tendres épanchements de l'amitié....

« Je ne dirai point qu'elle goûta les effets de notre révolution, et qu'elle fut insensible à la perte de sa puissance; mais à moins d'être un Fouquier-Tinville, qui peut lui en faire un crime capital? Mais au moins jamais ses ennemis n'ont pu lui prouver une seule démarche contraire aux intérêts de son pays.

« Elle savait que la pusillanimité perd les empires, et que la seule fermeté peut les sauver. Si Louis XVI l'eût crue, il eût payé de sa personne, le 10 août, et ne se fût pas réfugié au sein de ses ennemis; une mort honorable eût couronné sa vie, ou plutôt

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