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dont tous les amateurs connaissent la belle collection d'autographes, a bien voulu nous communiquer une précieuse lettre écrite à Mme Élisabeth par la reine Marie-Antoi

nette.

« Ce 14 mai 1791.

M

a chère sœur, j'ai déchiffré la lettre du comte d'Artois. Elle m'afflige

beaucoup, je vais vous la transcrire ici, et vous verrez combien le meilleur cœur peut s'égarer. Les mouvements des émigrants sur la frontière sont une calamité. Je suis désespérée qu'il prenne à contre-pied nos avis et nos prières. Le roi va lui écrire. Vous feriez sagement, vous pour qui il a tant d'amitié, de lui écrire aussi pour nous aider à prévenir de nouveaux malheurs et l'éloigner de M. de Condé. Voici sa lettre :

« J'ai reçu votre lettre du 20 mars, ma

« chère sœur; « cette manière d'écrire, m'obligeant à estre « fort laconique, je vous laisse deviner com→

le peu d'habitude que j'ai de

bien je suis sensible aux marques de votre amitié; mais en même temps combien je « suis affligé de voir que vous différiez de jour en jour à me prouver votre confiance, <«< surtout quand les circonstances sont si « pressantes. Je mérite peut-estre moins de

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réticence de votre part; mais ce dont je a suis certain, c'est que votre intérêt exige«roit que je fusse mieux instruit.

Tout porte à me prouver que vous avez « un plan, je crois même connoître à fond

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les détails de ce qu'on vous propose et « les personnes qu'on emploie. Eh! ma « sœur, le roi se défie-t-il de moi? Je n'ajoute qu'un mot sur cet article: il peut

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« estre permis de se servir de ses propres << ennemis pour sortir de captivité; mais on a doit se refuser à tout marché, à toute, «< convention avec les scélérats, et surtout « on doit bien calculer si les vrais serviteurs,

« les vrais amis surtout, pourront consentir « aux conditions qu'on auroit acceptées. «< Au nom de tout ce qui vous est cher, « souvenez-vous de ce peu de mots, et « croiez que je suis bien instruit.

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Vous paroissez vous plaindre de mon « silence et de l'ignorance où vous este de << mes projets; mes reproches seroient mieux les vôtres, mais je sais ce que « dois à mon roi, et je me regarderois « comme coupable si, sans l'en instruire,

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fondés

que

j'avois changé mes vues et mes projets ; << au surplus je ne crains pas de répéter ce

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que je regarde comme ma profession « de foi je vivrai et mourrai, s'il le faut, « pour défendre les droits de l'autel et du « trône et pour rendre au roi sa liberté et «sa juste autorité. La déclaration du 23 juin, << ou la tenue des cahiers, sont des bases dont je ne m'écarterai jamais. J'employe«rai tous les moyens qui sont en mon pou« voir décider enfin nos alliés à nous pour « secourir avec des forces assez imposantes

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« pour attérer nos ennemis et pour prévenir tous les projets criminels. Je combi<< nerai les ressources de l'intérieur avec « les appuis du dehors et mes efforts et mes « soins se porteront également d'un bout du « roiaume à l'autre, et je préparerai toutes « les provinces suivant leurs moyens, à se«conder une explosion générale. J'arrêterai, je contiendrai tout éclat factice, mais je

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seconderai avec autant d'ardeur que de

« dévouement les entreprises qui me paroî

« tront assez solides pour en imposer à nos

ennemis et pour me donner la juste es

pérance d'un vrai succès; enfin je servirai

également mon roi et ma patrie en agisa sant avec prudence, suite et fermeté. »

« Voici la partie de la lettre que vous ne connoissiez 'pas, ma chère sœur. Je vous

embrasse. Quand revenez-vous?

MARIE-ANTOINETTE. »

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