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négoce. La parité nous paroit inconteftable appliquons donc, fans héfiter, au peuple, le raifonnement de l'auteur, & difons: fi le peuple d'un royaume trouve un profit réel dans la loi qui défend la fortie des grains, cette feule perfuafion en lui eft une démonftration qu'il y a de l'avantage pour la nation dans cette police prohibitive à l'égard du bled, puifqu'il ne peut fe tromper fur fes intérêts, & que fon intérêt commun & général ne peut être feparé de celui de la nation, dont il fait la majeure partie. Confidérons à-préfent la réfutation en elle-même. Cet ouvrage avoit été imprimé peu de tems après les dialogues fur le commerce des bleds. Des motifs que l'auteur n'a pu pénétrer, l'ont empêché de paroitre dans ce tems, & fa publication eft un des premiers fruits de la liberté qui vient d'être rendue à la difcuffion & à l'inftruction dans les matieres de l'économie politique. L'anonyme, pour donner une réfu tation entiere, & en même tems un jufte développement à des vérités importantes, a réuni fes obfervations fous quatre principaux articles. Le premier traite de la maniere de procéder dans l'examen de la queftion de la liberté du commerce des grains & particulierement de l'ufage qu'on peut faire de l'exemple & des faits: 2°., il s'agit de l'adminiftration du commerce des bleds dans les petits états: 3,, de cette même

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adminiftration dans les états d'une médiocre étendue 4°., dans les grands états. Ce dernier article, comme le plus intéreffant & le plus amplement difcuté dans les dialogues, eft partagé en plufieurs paragraphes. dans cet ordre; i, des différences entre: les grands pays agricoles & les pays manus facturiers, qui doivent faire fuivre une adminiftration différente du commerce des. bleds: 2o, du caractere, des mœurs, du fort des peuples agricoles, comparés aux peuples manufacturiers; 3°., de l'influence de l'agriculture & des manufactures fur les richeffes & le bonheur des nations; 4., de l'édit de 1764 (permettant la libre exportation des grains), & des effets qui doiventen réfulter; 5°., de l'adminiftration à fuivre au lieu de l'édit. On conçoit ailément que, malgré cette belle diftribution que l'auteur fait de fa matiere, fon ouvrage n'eft nullement fufceptible d'un extrait détaillé. Il doit citer fans ceffe de longs paffages de fon antagonifte, & ces citations feules nous meneroient beaucoup trop loin: nous nous bornerons donc à préfenter ici en abrégé quelques-uns de fes raifonnemens, d'où l'on pourra juger de la logique vigoureuse qui regne d'un bout à l'autre de fa réfutation..

L'auteur des dialogues donne la fupériorité aux manufactures fur l'agriculture ( page 29), en ces termes: mille artifans riches font plus de confommation, donnent plus de

mouvement à l'argent, aux denrées, aux manufactures, que 2 mille fermiers d'égale richeffe; & voilà pourquoi la nation angloife n'a pas pu faire prospérer ses manu factures, & n'a pu foutenir la concurrence des François & des Allemands; les fermiers chez eux allant jufqu'à la propreté, à l'aifance de la frugalité; mais s'y ar rétant, & criant au luxe, lorfqu'ils voient un galon & une broderie.

Réponse. « Ces mille artifans... Par qui font-ils payés, & mis eux mêmes en mouvement? Par les confommateurs, fans doute. Qui font ces confommateurs? Nous ne pou yons pas trop le répéter, ce font les agriculteurs, les propriétaires, & tous ceux qui vivent du revenu public, qui falatient ces. artifans... Et d'où ces agriculteurs, ces propriétaires &c. tirent-ils de quoi payer les. mille artifans? De la terre, fans doute. C'eft donc de la terre que part le premier mouvement... Ce ne font donc pas les mille artifans qui donnent le mouvement à l'argent & aux denrées.... Lorsqu'on veut compa rer les effets de l'agriculture à ceux des manufactures, il faut bien tenir compte de tou te la richeffe que fait naître le fermier, & en fuivre la diftribution dans la fociété po litique or le fermier, ou l'agriculteur, don ne le premier mouvement & l'exiftence même à toute la portion de denrées ou de ticheffes que le fol produit annuellement,

& il eft trop vifible qu'un artisan ne produit pas dans la fociété des effets auffi confidérables.... L'agriculteur, outre les con fommations perfonnelles, eft encore la caufe & le premier moteur des confommations qu'exigent tous les coopérateurs à la culture.... Le travail de ce cultivateur eft encore la premiere fource de toutes les confommations que font le propriétaire & tous les artifans qui travaillent pour lui... L'auteur ne peut donc plus comparer les confommations de cette efpece d'hommes (les artifans) à celles que font ou font faire les travaux de la culture, puifqu'elles font ellesmêmes l'effet, le produit des travaux de la culture...

cette

Que les fermiers anglois confomment moins que les artifans, à richeffe égale, il ne s'enfuit pas que les productions des manufactures angloifes doivent perdre dans la concurrence de celles des manufactures françoises & allemandes au contraire moindre consommation des fermiers anglois en productions du fol & de l'industrie, fi elle étoit réelle, tendroit naturellement à rabaiffer le prix des productions de l'induftrie, & à en faciliter la vente au dehors. ... Ce qu'il y a de plus étrange, c'eft que M. le chevalier, le principal interlocuteur des dialogues) qui dit ici que les Anglois ne peuvent foutenir la concurrence des François, & qui nous en donne la railon,

dit',

à la page 123, que les manufactures de France font trop cheres, & beaucoup trop cheres, & que les Anglois fabriquent une infinité de quincaillerie à meilleur prix qu'on ne le pourroit faire en France.

L'anonyme releve une infinité de ces contradictions, qui ont échappé à fon antago nifte: on remarquera, fans doute, qu'une des plus frappantes eft l'épigraphe de cette réfutation, tirée de l'excellent traité italien de la monnoie, dont l'auteur ( M. l'A. Galiani ) eft le même que celui des dialogues. Il pense: bien différemment dans fon traité que dans fes dialogues, pui qu'on lit dans cette épigraphe, que l'agriculture eft toujours antérieure au commerce, parce que le commer ce floriffant eft fondé fur l'abondance d'un Superflu de denrées, & que cette abondance elle-même prend fa fource dans l'agriculture.

Les manufactures feules, dit l'auteur des dialogues, peuvent procurer... la guéKifon des deux grands maux de l'humanité, l'esclavage & la fuperftition. Pag. 121.

« L'efclavage & la fuperftition ne peuvent fe détruire que par les progrès des lumieres répandues dans les nations; mais ce remede n'eft certainement pas plus à la portée d'une nation manufacturiere, que d'une nation agricole. Les deux pays de l'europe; où les connoiffances & la raison ont fait le plus de progrès, font des pays agricoless

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